Maroc / Photo: Reuters (Reuters)

A l'image d'Anissa Lahmari, habituée des sélections jeunes avec la France, le Maroc a convaincu plusieurs joueuses binationales d'évoluer pour les Lionnes de l'Atlas, un choix payant pour ces dernières avant leurs retrouvailles mardi (13h00) contre la France au Mondial.

"Le match est assez spécial. On est plusieurs binationales, on connaît beaucoup le championnat français", a remarqué la défenseure Nesryne El Chad, lundi.

Née à Saint-Etienne, la joueuse de Lille fait partie des membres de l'effectif qui auraient pu jouer pour la France. "Ce match est incroyable, d'abord car c'est un huitième de finale de Coupe du monde, et ensuite parce que c'est la France", ajoute la Franco-Marocaine de 20 ans, internationale depuis juin 2021.

Comme elle, six autres joueuses de l'effectif sont nées dans l'Hexagone. Certaines ont même évolué sous les couleurs tricolores dans les équipes de jeunes: c'est le cas de Lahmari, buteuse contre la Colombie en phase de groupes, qui compte plus de 30 matches avec les Bleuettes.

Celle qui évoluait à Guingamp cette saison est une amie très proche de Grace Geyoro, notamment, et a croisé d'autres Tricolores au fil de sa carrière.

Des amitiés de longue date

"J'ai connu Anissa très jeune. Je suis contente qu'elle montre à la planète foot ce qu'elle est capable de faire", a apprécié la milieu française Kenza Dali lundi.

Plus âgée (33 ans), Salma Amani a elle aussi joué pour la France chez les moins de 17 ans avant d'opter pour le Maroc depuis 2012. La milieu sur le départ de Metz a croisé la route d'Eugénie Le Sommer très tôt, puis celle de Léa Le Garrec à Guingamp.

"J'ai joué avec Salma en Bretagne, on se connaît depuis l'âge de 12 ou 13 ans", a souri Le Sommer cette semaine. "C'est le destin, l'histoire est faite comme ça".

Dans la nouvelle génération, la jeune Française Laurina Fazer (19 ans) a également évolué avec Sarah Kassi et Kenza Chapelle chez les Bleuettes, avant que ces dernières ne choisissent récemment les Lionnes de l'Atlas.

"Je les ai félicitées" après leur qualification historique, a glissé la Parisienne. "Elles ont fait quelque chose de grand".

Ces retrouvailles à l'autre bout du monde n'auraient pas été possibles sans la politique sportive lancée par le Maroc depuis plusieurs années, chez les garçons comme chez les filles.

"Au début, cela peut être difficile à entendre pour une joueuse quand on leur dit qu'on veut aller en demie de Coupe d'Afrique pour se qualifier pour le Mondial", relate le sélectionneur Reynald Pedros, pierre angulaire du projet depuis fin 2020, à une époque où le Maroc n'avait jamais disputé le moindre Mondial. "Notre projet s'est concrétisé, et on a récupéré comme cela quelques binationales. Je crois qu'elles ne sont pas mécontentes de nous avoir rejoints".

“C'est important pour une sélection d'avoir des joueuses d'expérience”

Impliqué dans la structuration du football féminin marocain entre 2016 et 2019 au sein de la direction technique nationale de la Fédération locale, l'actuel adjoint d'Hervé Renard chez les Bleues, David Ducci, confirme.

"Ils ont mis des choses en place pour accélérer le développement de l'équipe nationale A", décrit le technicien. "On voit que ça ne marche plutôt pas mal. Ce +mix+ est nécessaire quand on démarre de loin. C'est important pour une sélection d'avoir des joueuses d'expérience qui côtoient le plus haut niveau".

L'alliage entre binationales et joueuses locales - principalement issues de l'AS FAR, le meilleur club féminin du pays - semble en tout cas fonctionner en Océanie.

"Le défi semblait fou et compliqué", pointe pour l'AFP le journaliste sportif marocain Nassim El Kerf. Mais Reynald Pedros a apporté "une vision fédératrice qui a poussé plusieurs joueuses binationales à rejoindre l'équipe", selon le journaliste du site d'information Le Desk. "Il a réussi à créer un groupe homogène caractérisé par la diversité, à l'image du pays".

Pour les binationales, la boucle semble bouclée avec ce huitième face aux Bleues. Mais Nesryne El Chad ne tombe pas dans l'excès d'émotion. "Moi, je n'ai pas d'amies chez les Bleues. Je suis née en 2003, il n'y en a que deux en équipe de France et je ne les ai jamais côtoyées", dit-elle.

Avant d'ajouter, dans un rire: "De toute façon, une défenseure ne peut pas avoir d'amies sur un terrain."

AFP