" Les mangroves du monde entier stockent à l’heure actuelle l’équivalent en carbone de plus de 21 gigatonnes de CO2" (Others)

Les mangroves constituées de formations forestières prenant pied entre terre et mer dans les zones tropicales et subtropicales sont pourvoyeuses de bien-être, de sécurité ainsi que de moyens de subsistance pour les communautés.

Des racines de ses arbres, ancrés sur un sol vaseux dans un entrelacement exquis, à l’enchevêtrement de leurs branches et feuillage, ce milieu naturel singulier fascine par le décor extraordinaire qu’il offre sans compter les fonctionnalités plurielles en son sein au grand bénéfice des communautés.

« Les mangroves du monde entier stockent à l’heure actuelle l’équivalent en carbone de plus de 21 gigatonnes de CO2. La destruction des écosystèmes de mangrove relâche ce carbone dans l’atmosphère, ce qui amplifie le changement climatique », indique "Global mangrove watch", un organisme travaillant sur les données sur les mangroves à travers le monde (total de 137 000 km 2).

« On estime que chaque année, les mangroves empêchent des dommages matériels de plus de 65 milliards de dollars et réduisent les risques d’inondation pour environ 15 millions de personnes », poursuit le document de synthèse, pour relever l’importance des mangroves.

1,5 million d’hectares pour l’Afrique de l’ouest

Le littoral occidental atlantique de l’Afrique s’étendant de la Mauritanie à l’Angola en passant par le Nigeria, la Côte d’Ivoire et autres, dispose de 1,5 million d’hectares de cette ressource, d’après les chiffres de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN). Le total au niveau africain étant de 3,2 millions d’hectares, représentant 19% du total mondial.

« Les mangroves sont des formations végétales qui se développent dans les zones de balancement des marées grâce à des arbres, le palétuvier rouge principalement, capables de survivre et prospérer malgré le taux de salinité. Ce sont des arbres qui peuvent se régénérer naturellement grâce à ses propagules. Ce sont des graines qui tombent dans l’eau et qu’on peut aussi repiquer en pépinières », a fait savoir l’ingénieur en agronomie Omar Mbengue contacté par l'Agence Anadolu.

Directeur régional du développement rural (Drdr) de Sédhiou, une région du Sud du Sénégal qui abrite une mangrove, Mbengue a aussi fait cas des énormes potentialités que peuvent conférer les mangroves pour les communautés qui en tirent des moyens de subsistance.

« Elles ont des fonctionnalités alimentaire, économique, touristique, médicinale, écologique », a-t-il fait comprendre.

« La mangrove a permis de redévelopper l’écosystème économique notamment la culture du riz, fragilisée par le recul de la forêt. Il y a des variétés de riz spécialement adaptées à la mangrove et des résultats forts appréciables ont été constatés sur le terrain notamment vers Goudomp », a-t-il donné en illustration pour la région de Sédhiou.

Dans ces espaces, prévaut une parfaite symbiose entre éléments aquatiques et terrestres prospérant grâce aux conditions particulières du milieu ; qu’il s’agisse d’animaux marins ou terrestres (poissons crabes, mollusques, oiseaux, reptiles, mammifères).

« Les mangroves sont des frayères ; c’est-à-dire des zones où viennent naître les poissons, se multiplier et puis rejoindre le large », a fait ressortir Mohamed Lamine Sidibé, directeur général du milieu marin et des zones côtières en Guinée Conakry, mettant en avant la nécessité de la préservation de la mangrove.

Des menaces graves sur les mangroves

En Guinée comme dans les autres pays, les effets du changement climatique combinés aux actions anthropiques menacent sérieusement les mangroves.

« D’une part, il y a eu la raréfaction des pluies qui a diminué l’apport d’eau douce par les fleuves ayant fait augmenter la salinité du milieu ; d’autre part, les populations qui exploitent les richesses naturelles de la mangrove », a noté Mbengue comme principaux faits menaçants.

L’installation des barrages de Diama et Manantaly sur le fleuve Sénégal ont fortement perturbé les mangroves alors qu’en Guinée, l’exploitation de la bauxite avec la construction de ponts fluviaux sur les rives de la Fatala (Guinée maritime) ont défriché des superficies énormes.

Selon l’ONG Action mines Guinée, onze sociétés détiennent des permis de recherche et d’exploitation dans la zone.

Comme en Guinée et au Sénégal, les mêmes problèmes ont cours dans les autres pays d’Afrique de l’Ouest.

« Les populations ont recours aux produits de la mangrove pour leur subsistance. Les coupes abusives du bois, la pêche et la cueillette non réglementée sont autant de menaces qui concourent à l’accélération de la disparition de la mangrove », a insisté Jean Goepp, directeur de Nebeday, une association s’activant pour la préservation de la mangrove du Delta du Saloum au Sénégal.

« Il est difficile de les empêcher de recourir à cette ressource, notamment le bois de chauffe à portée de main et qui les font vivre », a-t-il concédé, notant toutefois l’impérieuse nécessité d’élaborer une charte pour un usage parcimonieux.

Mobilisation des communautés pour la préservation des mangroves

Nebeday et d’autres à l’image d’Oceanium de l’écologiste Ali Haidar organisent périodiquement des opérations de sensibilisation auprès des communautés, mais aussi des actions importantes de reboisement dans cette zone.

« Il est d’une grande importance de reboiser la mangrove parce qu’elle constitue un lieu d’activités économiques pour les populations. La saison dernière on a fait 65 hectares, on a mis à contribution beaucoup de jeunes », a assuré Madeleine Ndiaye, coordonnatrice assistante à Oceanium.

A ce registre, la plus grande opération réalisée est à l’actif de la structure que dirige l’inlassable défenseur de la nature Aly Haidar. A travers une campagne lancée en 2006, l’Oceanium et ses partenaires ont planté 150 millions de palétuviers sur une superficie de 15 mille hectares, une opération réalisée à la mangrove à Sougrounou (Casamance - sud du pays) et ayant mobilisé 120 000 personnes.

Ce n’est en effet qu’en 1998 qu’a été instituée une journée dédiée (26 juillet) avec comme objectif de préserver les mangroves qui font l’objet d’agressions multiples menaçant leur existence.

« Les mangroves sont un trait d’union entre terre et mer : enracinés dans des sols livrés aux marées salées et pauvres en oxygène, les palétuviers et une grande variété de plantes y forment un univers rare et fragile, un havre de vie qu’il faut protéger », a insisté la directrice de l’Unesco Audrey Azoulay, en perspective de la célébration de cette année.

« Les mangroves sont pourtant en danger : on estime ainsi que plus de 3/4 des mangroves dans le monde sont aujourd’hui menacées et avec elles tous les équilibres qui en dépendent », a poursuivi Mme Azoulay dans son message publié sur le site de l’organisme onusien.

D’après un rapport de l’Unep (programme des NU pour l’environnement) publié en 2007, un quart des superficies de mangroves ouest-africaines ont disparu entre 1980 et 2006. Pour une conservation et une croissance des mangroves, l’UICN a prôné la rédaction d’un code de conduite pour une gestion durable de la mangrove dans la sous-région ouest-africaine.

Une réelle volonté politique devra alors se manifester chez les gouvernants des pays respectifs, faute de quoi, les contingences climatiques et les actions anthropiques l’exploitation durable de la mangrove et la gestion adéquate de son écosystème ne resteront qu’à l’état de vœu pieu.