De récents sondages semblent indiquer une assez forte progression du nombre de députés à gauche (AP)

Un parfum d’incertitude, mâtiné d’une senteur d’épouvante, flotte sur ce premier tour des élections législatives françaises. Il faut s’attendre, selon les observateurs, à une réduction significative du nombre de députés appartenant ou ralliés à la majorité sortante, même si la débâcle de Valérie Pécresse et le score catastrophique d’Anne Hidalgo, aux présidentielles, semblent servir davantage la macronie. Mais c’est l’excellent score de Jean-Luc Mélenchon qui a redistribué les cartes.

Les législatives ne seront pas une pure formalité : la France insoumise et ses alliés ont impulsé une vraie dynamique à ces élections, alors que Marine Le Pen s’abstient de mobiliser ses troupes, considérant que, comme elle l’a déclaré, Macron aura, de toute manière, une majorité. Toute l’ambition de Marine Le Pen se borne à espérer engranger assez de députés pour constituer un groupe parlementaire, et, de ce côté-là, les chances semblent plus fortes que chez « Reconquête » d’Eric Zemmour.

Du côté de la majorité, on est dans la tourmente. A peine formé, le nouveau gouvernement a dû faire face à des épreuves qui ternissent son image. Les accusations de viol à propos de Damien Abad, l’ancien président du groupe parlementaire LR, ne désarment pas.

En outre, le chaos du Stade de France, lors de la finale de la ligue, ne contribue pas à redorer le blason du ministre de l’intérieur. Une police soumise à un commandement incohérent, a ajouté à la confusion. L’exemple du Stade de France est un condensé des maux français, qui, ne se bornant pas à la police, touchent tous les services publics. Tout cela rend l’atonie régnant, du côté de la majorité, quelque peu incompréhensible.

On a le net sentiment que Macron ne désire pas s’investir dans une campagne. Il pense qu’il lui est loisible de gagner en s’en tenant à l’attitude adoptée pendant les présidentielles. La nature ayant horreur du vide, Mélenchon s’est glissé dans cet espace laissé vacant par Macron et ses partisans. Récemment, la macronie a tenté, par la voix de ses ténors, de diaboliser Mélenchon par le lancement tardif d’une campagne sous le slogan « Nous ne sommes pas dupes ». Mélenchon, ce serait, prétendent-ils, « la fin de l’école, l’agonie de la laïcité, le déclin de la république ». Bref, le chaos.

Ces tentatives de stigmatisation par l’usage de l’insulte, de la caricature, du raccourci et du cliché sont d’autant plus curieuses qu’elles n’ont rien de commun avec la rationalité revendiquée par Macron et ses affidés. Ainsi l’éditorialiste du Figaro n’hésite pas à déclarer que Mélenchon séduit « les indigénistes et les islamistes ». Si la gauche unie autour de Mélenchon gagnait les élections législatives, ce serait, à en croire l’éditorialiste du Figaro, une « apocalypse » qui augure d’un lever de « soleil bolivarien sur une piscine municipale couverte de burkinis ».

Bernard Henri-Lévy commente pour sa part ainsi le paysage : la NUPES, c’est « Chavez qu’on accorde avec Jean Jaurès ». Bruno Le Maire qualifie Mélenchon de « Chavez gaulois » et l’épingle comme un homme « autoritaire ». Mélenchon, dit-il, « veut faire le bonheur des gens à leur place » et il aurait une conception « collectiviste » de l’économie.

Quant à l’ancien président de la République, François Hollande, il s’est attaqué au programme économique de la NUPES (dont pourtant le PS est partie intégrante) au motif que la retraite à 60 ans, revendiquée et appliquée par François Mitterrand, coûterait trop cher, à savoir 65 milliards d’euros. Rien ne trouve grâce aux yeux de F. Hollande : ni l’augmentation de 10% des fonctionnaires et pas davantage la création de 300.000 nouveaux emplois et d’un revenu garanti préconisées par la France insoumise. Serait-il trop cruel de rappeler à François Hollande que ces mesures qu’il dénonce si gaillardement ont longtemps fait partie du programme du PS ?

Les observateurs et éditorialistes semblent s’être tardivement avisés du « coup de maître » de Mélenchon. Rallier une gauche divisée, convaincre les indécis, entraîner une partie des abstentionnistes. Voilà ce qui fait pousser des cris d’orfraie à l’ensemble des commentateurs. Cependant ces procédés de communication ont peu de chance d’impressionner l’électorat qui s’apprête à donner ses suffrages à la NUPES, d’abord parce qu’ils arrivent trop tard, et ensuite parce que Macron est « plombé » par son bilan.

Ce climat explique la panique sévissant dans les rangs de la majorité qui a perdu sa sérénité et manifeste tous les signes de l’anxiété. Elle vient de réaliser que l’élection législative n’est pas jouée d’avance, d’autant qu’un avis de gros temps est lancé sur la macronie. Un présage funeste : Manuel Valls, candidat de la majorité présidentielle, a été distancé par Stéphane Vojetta, candidat dissident de la macronie qui s’était maintenu alors que Macron lui avait refusé l’investiture au profit de l’ancien Premier ministre de F. Hollande.

Quelques méchantes langues assurent que Macron, pour se débarrasser d’un Valls très entreprenant, a poussé le machiavélisme jusqu’à lui confier une circonscription que la mauvaise réputation de Valls et son image de « girouette » ont rendu « ingagnable ». Pis, c’est Renaud Le Berre, candidat de la NUPES qui est arrivé en tête, avec 27,24% des voix devant Stéphane Vojetta, (candidat ‘Ensemble’) (25,39%) et la lanterne rouge, Manuel Valls, seulement (15,8%) des voix.

De très récents sondages, notamment celui publié par l’IFOP, semblent indiquer une assez forte progression du nombre de députés à gauche. A moins d’une semaine du premier tour des législatives, la gauche unie fait jeu presque égal avec la majorité présidentielle alors que RN est distancé. 25,5% des suffrages se porteraient sur la NUPES tandis que 26,5 % des électeurs choisiraient Macron et ses alliés. Ainsi, la NUPES verrait ses rangs grossir d’une centaine de députés, alors que la macronie perdrait quelque 37 sièges.

Au cas où ces prédictions se réaliseraient, nul n’imagine les épreuves que vivrait Macron tout au long de sa présidence, les mélenchonistes, et ses opposants, semblant déterminés à faire obstacle à sa politique.

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