De nombreux juristes français avaient affirmé que les dispositions contenues par la loi dite "contre le séparatisme" remettraient en cause les libertés fondamentales.

Dans un tweet publié, il y a près d’une semaine, par le ministre de l’Intérieur français, Gérald Darmanin, le prédicateur musulman, Hassan Iquioussen, très connu des sphères musulmanes francophones, s’est vu reproché, des propos "haineux à l’encontre des valeurs de la France, contraire à nos principes de laïcité et d’égalité entre les femmes et les hommes".

L’annonce de son expulsion prochaine vers son pays d’origine, le Maroc, a provoqué la levée de bouclier de nombreuses personnalités et associations musulmanes, mais également d’une partie de la classe politique française (La France Insoumise) dont le député David Guiraud.

La loi "dite contre le séparatisme" à l’origine de l’expulsion de Hassan Iquioussen

Cette décision d’expulsion qui était saluée par le Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), mais également par la droite et l’extrême-droite (Rassemblement national), s’appuie sur la loi du 24 août 2021, confortant le respect des principes de la République. Cette loi dite aussi "contre le séparatisme", a un triple objectif : (I) renforcer les valeurs de la République et la laïcité ; (II) s’opposer à toutes formes d’expression de l’islam politique ; (III) lutter contre la radicalisation des jeunes musulmans en France.

Les pouvoirs publics prétendent lutter contre certaines expressions religieuses qui remettraient en cause, pour eux, les valeurs de la République et la laïcité. Dès lors, plutôt que de "tolérer" sur son territoire des mouvements comme Baraka City, des imams défendant une vision conservatrice et traditionnaliste de la place de la femme ou encore le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), le président Macron a décidé de durcir son cadre législatif.

Bien qu’elle ambitionne de lutter contre le séparatisme, cette loi crée selon beaucoup de responsables musulmans, confusions et amalgames, entre simple pratique de l’islam même la plus orthodoxe et rigoriste et la radicalisation violente. Cette loi est perçue comme discriminante en établissant un lien indirect entre les populations musulmanes et le terrorisme et en considérant certaines pratiques de l’islam comme étant l’expression d’un séparatisme et comme le début d’un processus de radicalisation.

Une décision d’expulsion qui ne fait pas consensus

De nombreux juristes français, spécialisés en matière des droits de l’Homme, mais également la Ligue des droits de l’Homme, avaient affirmé que les dispositions contenues par cette loi remettraient en cause les libertés fondamentales et risqueraient d’avoir des conséquences contre-productives si elles avaient à être appliquées.

À un niveau international, cette loi a également fait l’objet de vives critiques. Le 12 mai 2021, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait lors d'un discours à Ankara, affirmé que "l'adoption de cette loi qui est ouvertement en contradiction avec les droits de l'homme, la liberté de religion et les valeurs européennes sera un coup de guillotine infligé à la démocratie française », et « forcera les jeunes à choisir entre leurs croyances et leur éducation".

Un prédicateur musulman mais également "républicain"

S’il est indéniable que le prédicateur défende une vision traditionnelle de l’islam, force est de constater que celui-ci a dans le même temps, participé depuis près de 40 ans, à l’émergence des pratiques compatibles avec les valeurs de l’Islam dans le contexte français.

L’imam marocain a de façon systématique, appelé les musulmans à respecter les lois de la République. En marge d’un discours sur l’islam et la citoyenneté, celui qui avait fondé l’association Jeunes musulmans de France (JMF) avait également mis en avant tout un argumentaire autour des valeurs individualistes et del’importance de la réussite économique, professionnelle et sociale, à l’aune de la religion musulmane. Il vantait ainsi l’épargne, le travail et le sens de l’effort. Il demandait par conséquent, aux jeunes musulmans de ne pas vivre en marge de la société française, mais de s’investir dans le monde de l’entreprise, de l’université ou encore de la politique.

D’ailleurs, celui-ci avait par exemple appelé, à voter pour le candidat socialiste Lionel Jospin, lors des élections présidentielles de 1995. Considéré comme un partenaire religieux fréquentable, les responsables politiques de la région du Nord de la France dont il était originaire, entretenaient des relations plus que cordiales, avec lui, à l’instar de la maire du parti socialiste (PS) de la ville de Denain, Anne-Lise Dufour Tonin.
Si cette décision est loin de faire l’unanimité chez les musulmans de France, il est fort peu probable que le gouvernement français ne se déjuge et revienne sur sa décision.

Elle est sans doute le début d’un processus "d’assainissement" du champ islamique français de ses éléments les plus orthodoxes. Pour preuve, le ministère de l’intérieur a prolongé courant juillet, pour cinq ans, l’interdiction de séjour en France du théologien helvète, Hani Ramadan, petits-fils du fondateur en Égypte en 1928 des Frères musulmans, et frère de Tariq Ramadan.

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