Les coups d’État en Afrique francophone se succèdent et semblent se ressembler. En effet, ils sont menés par des militaires, souvent condamnés par la Cédéao et hostiles à la France tant sur le plan politique que militaire.

L’histoire semble s’accélérer et les zones d’influence héritées du monde colonial perdent du terrain tandis que les nouveaux partenariats stratégiques en vue d’un monde multipolaire se multiplient. Beatriz de Léon Cobo, politologue spécialiste du Sahel et de l’Afrique francophone, livre son analyse à TRT Français.

Les coups d'État en Guinée et au Burkina Faso sont accompagnés d'un sentiment anti-français. Comment l'expliquez-vous ?

J’ajoute également le Mali. Sur les trois pays, je dirais que ce n'est pas forcément un sentiment anti-français mais plutôt un sentiment contre la politique française ou la politique néocolonialiste des Européens et des Occidentaux en général. Au Burkina-Faso, les images des Instituts Français brûlés sont des choses qu’on n’aurait jamais pu imaginer. Même des collègues burkinabés sont choqués parce qu'ils ne savaient pas que la société était, à ce point, radicalisée par rapport à la France. La désinformation et le sentiment d'autodétermination du pays jouent aussi un rôle important. Les pays mentionnés ne veulent plus être protégés par la France mais ils souhaitent renforcer leur puissance comme la Chine ou la Russie et avoir la liberté de choisir leurs partenaires stratégiques. Il y a aussi de la frustration au sujet de l’opération Barkhane de la France qui aurait dû éradiquer le terrorisme. Or, le terrorisme est encore là. Aussi, la frustration de la société sahélienne et celle de beaucoup de leaders de la société civile est-elle justifiée. Les leaders d’opinion sont d’ailleurs plus anti-occidentaux que pro-russes car c’est d’abord la dimension perçue comme colonialiste de la politique française qui gêne. Je pense que tout le monde, après l'expérience du Mali et du Sahel, était un peu déçu de la réaction de tout l'Occident par rapport au fait que le Mali ne puisse pas choisir librement ses partenaires stratégiques. Le Niger a eu le choix et le Tchad aussi. Je pense que tous ces éléments ont contribué aux sentiments de négativité et de frustration de ces trois pays vis-à-vis de la France.

Quelle est votre analyse de la position de la CEDEAO vis-à-vis de la Guinée équatoriale et du Burkina Faso ?

La Cédéao a été extrêmement rigide ces derniers temps car il y a eu cinq coups d'État en Afrique francophone ces dernières années. Je pense que la Cédéao envoie un message très clair à tous les pays pour plus davantage de stabilité et de démocratie dans la région. La démocratie est une valeur fondamentale au sein de la Cédéao, d’où sa politique de sanctions. La situation en Guinée, du point de vue de l’organisation africaine, est similaire à celle du Mali et du Burkina Faso. La Cédéao est certes stricte mais elle est très ouverte pour avoir des dialogues et même réaliser des enquêtes. La dernière enquête menée en Guinée (16 au 21 octobre) s’inscrit dans cette optique à la fois de fermeté et d’ouverture. J'ai donc un peu d'espoir que cette visite puisse permettre d’obtenir un accord pour une transition aussi rapide que réaliste.

La Cédéao est également éprouvée sur le terrain du Burkina Faso qui vient de subir un coup d'État dans le coup d'État. La Cédéao a-t-elle cette même ligne de conduite, observée en Guinée, avec le Burkina Faso ?

Je pense que tout le monde est encore sous le choc au sujet du Burkina Faso. Malheureusement, ce pays commence à devenir un État failli. Le gouvernement du Burkina Faso, si on peut l’appeler ainsi, ne contrôle pas vraiment l’ensemble du pays notamment à cause des terroristes, des milices d'autodéfense, des groupes armés de toutes sortes et des groupes de bandits criminels. Des pays comme le Ghana, le Bénin, le Togo sont préoccupés par cette situation car les extrémistes en question collent aux frontières de l'Est. Le gouvernement Burkinabé ne contrôle que les villes et un peu les plateaux mais pas forcément tout le pays. La Cédéao espère une bonne transition dans un contexte de crise sécuritaire et de crise humanitaire horrible avec des déplacés et des réfugiés. Pour moi, il n’y a vraiment pas beaucoup d'espoir sur l'avenir du Burkina Faso. Cette crise politique est aussi une conséquence de toutes les crises qu’on on avait promis de solutionner. Cette dernière a continué à empirer chaque jour davantage. La Cédéao fait comme elle peut. Mais je pense qu'elle manque un peu de réactivité par rapport à la situation du Burkina Faso parce que, justement, elle est encore sous le choc.

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