Aujourd’hui, Steph Ragga Man vit avec sa famille à Ottawa. (Instragram : @steph_ragga_man) (Others)

Steph Ragga Man, de son vrai nom Mustapha, a su captiver aussi bien les jeunes que les moins jeunes au Maroc avec ses chansons rythmées de rap et de slam durant les années 2000. Son art était présent tant à la télévision que chez les vendeurs de cassettes et de disques, à une époque où l'accès à Internet n'était pas encore généralisé dans la population locale. Il a su se démarquer et faire connaître son nom grâce à son talent et sa détermination dans un contexte où la performance était essentielle.

Né en 1981 dans le quartier mythique de Hay Mohammadi à Casablanca, berceau de plusieurs mouvements artistiques bidaouis (NDLR casablancais), il s’est fait connaître avec Lbayda Nayda ou encore Smaani, où il a collaboré avec d’autres noms tout aussi connus à l’époque comme H-Kayne ou Don Bigg. Son étoile a longtemps brillé, jusqu’à totalement disparaître du radar, du jour au lendemain.

Une nouvelle vie de l’autre côté de l’océan

Aujourd’hui, Mustapha vit avec sa femme et sa famille loin, très loin de la chaleur du Maroc, à Ottawa, capitale du Canada. En 2019, il a en effet choisi de s’établir dans le pays de l’érable, en quête d’une vie meilleure pour sa famille. Il a choisi de travailler dans le social, après avoir fait face à de nombreuses complications administratives pour faire reconnaître ses compétences, son expérience et son diplôme d’enseignant acquis au Maroc. « On me demande des documents que mon pays ne délivre pas », confie-t-il. Il précise que la procédure a duré deux ans, ajoutant avec un brin de désarroi : « J'ai été découragé ». Mustapha, qui était pourtant animé d'une grande motivation de servir son pays d'accueil et contribuer à résoudre la crise de la pénurie des enseignants dans la province de l’Ontario, se rend compte qu'il n'était pas le seul dans cette situation, de nombreux professeurs venant du monde entier partageaient son sort.

Il opte alors pour une réorientation de carrière vers le travail social. Cette transition, explique-t-il, est motivée par sa passion pour les sciences humaines et son désir profond d'aider les autres. Il concède que refaire ses études dans ce domaine a été un défi, mais se réjouit que cela lui a permis de trouver une voie professionnelle plus en accord avec ses valeurs et ses aspirations. « L'obtention de mon diplôme de travailleur social a été une consécration », se félicite-t-il, évoquant avec satisfaction son placement dans le ministère de la santé du Québec, une réussite qu'il qualifie de gratifiante. Malgré les difficultés supplémentaires engendrées par la pandémie, il réussit à surmonter les obstacles grâce au soutien de sa famille, à sa spiritualité et à sa passion pour l'écriture. Il affirme que « ses mots restent la meilleure thérapie pour exprimer ses maux ».

Un "paradis" pour la famille

Le passage de sa vie d'artiste au Maroc à son travail actuel d'intervenant social au Canada, nous explique-t-il, a été une transition complexe mais enrichissante. Pour lui, arriver au Canada représentait une opportunité de repartir à zéro, de se redécouvrir dans un nouvel environnement culturel et linguistique, et de sortir de sa zone de confort. Il confie que cette transition a également affecté sa famille, qui a dû s'adapter à ce changement majeur. Heureusement, ajoute-t-il, leur ouverture d'esprit et leur volonté de s'intégrer dans la société canadienne ont facilité cette transition.

« Ma femme, ayant travaillé dans des organismes internationaux », raconte-t-il, « a apporté une expérience précieuse qui nous a grandement aidés dans notre adaptation ». Il explique que grâce à cette expérience, elle a pu trouver sa place rapidement dans la société canadienne. Quant à sa fille, il est heureux qu’ayant « intégré l'école publique ici à Ottawa dès un âge précoce », elle a réussi à s’intégrer facilement. « Elle s'est adaptée avec aisance », affirme-t-il, « grâce à sa familiarité avec le français ». Il souligne également que leur quotidien familial est désormais marqué par une « riche diversité culturelle ». « Nous cherchons », dit-il, « à préserver nos origines africaines, arabes et amazigh tout en embrassant les nouvelles opportunités offertes par notre vie au Canada ».

La passion ne meurt jamais

Concernant sa passion pour la musique, il confie : « Elle reste présente en moi, avec l'envie d'écrire et de me produire artistiquement ». Cependant, il reconnaît que les responsabilités professionnelles et financières liées à son travail actuel ont souvent entravé son exploration artistique à grande échelle. Il admet que la nécessité de s'intégrer professionnellement et de subvenir à ses besoins matériels a parfois relégué sa passion pour la musique au second plan.

Malgré cela, il se sent désormais prêt pour un retour artistique plus significatif, qui combine à la fois son évolution personnelle et son engagement spirituel. « Alors que je continue d'évoluer », déclare-t-il, « je suis prêt à réintégrer le monde artistique d'une manière qui me ressemble », même si cela signifie naviguer dans des eaux moins mainstream.

Il ajoute : « Mustapha a changé, mais suite à cette longue absence, il a beaucoup de choses à partager à travers son art », soulignant ainsi sa volonté de s'exprimer à travers son art malgré les défis rencontrés. « Mon avenir au Canada », explique-t-il, « est empreint de gratitude pour la nouvelle opportunité qu'il m'a offerte de me reconstruire ». Il exprime sa vision du pays comme une « terre d'accueil multiculturelle unique », où il a pu découvrir la « diversité et l'ouverture d'esprit ».

Pour sa retraite, il se voit bien vivre bien plus proche du Maroc, au sud de l’Espagne, une région qu’il décrit comme « l'un des endroits les plus inspirants » qu'il ait eu la chance de visiter. Il conclut en déclinant sa philosophie artistique et ses objectifs à long terme : « Je préfère laisser les choses se faire au feeling », dit-il, « laissant mes convictions guider mes choix dans la bonne direction, même si cela signifie suivre un chemin moins conventionnel mais plus authentique ».

Il aime à reprendre cette citation « Jamais dans la tendance, mais toujours dans la bonne direction », tout en insistant sur le fait qu'il a fallu 20 ans dans le domaine artistique pour comprendre le vrai sens de cette phrase.