L'Italie place sous tutelle une raffinerie du russe Loukoïl jugée stratégique / Photo: Reuters (Reuters)

La raffinerie ISAB contrôlée par Loukoïl, l'une des plus grandes en Europe, risquait de devoir arrêter sa production en raison de l'entrée en vigueur le 5 décembre de l'embargo de l'Union européenne sur l'importation de pétrole brut russe par voie maritime.

En mettant sous tutelle la raffinerie, Rome suit l'exemple de Berlin qui avait pris en septembre le contrôle des activités en Allemagne du groupe pétrolier russe Rosneft, qui y gère de nombreuses raffineries.

Sur fond de bras de fer énergétique entre Berlin et Moscou dû à la guerre en Ukraine, Rosneft avait dénoncé une "décision illégale" et déposé un recours en justice contre l'Etat allemand.

L'"administration provisoire" de la raffinerie ISAB par un commissaire est prévue pour une période maximale de douze mois, prolongeable une fois jusqu'à douze mois supplémentaires, a indiqué le gouvernement dans un communiqué. Un décret en ce sens a été adopté par le conseil des ministres.

"L'intervention d'urgence a pour but de protéger à la fois un pôle énergétique national stratégique et les niveaux d'emploi si importants pour la Sicile et l'ensemble du pays", a commenté la Première ministre Giorgia Meloni.

Ce règlement intervient "pour assurer la continuité du travail dans la raffinerie ISAB de Priolo, qui emploie, avec les industries connexes, environ 10.000 personnes", a-t-elle ajouté.

La survie de la raffinerie est en jeu, car elle en a été réduite à s'approvisionner à 100% en pétrole russe, contre 10 à 15% avant la guerre en Ukraine. Craignant des sanctions, les banques européennes avaient arrêté de la financer et de lui fournir les garanties indispensables pour importer du pétrole d'autres pays.

La raffinerie ISAB a une capacité de raffinage annuelle de dix millions de tonnes de pétrole brut pouvant atteindre jusqu'à 14 millions de tonnes et fournit environ 20% des besoins nationaux. Son chiffre d'affaires a atteint environ 3 milliards d'euros en 2021.

Le gouvernement italien a ainsi eu recours au +golden power+, qui lui confère des pouvoirs spéciaux dans des secteurs considérés comme stratégiques pour le pays, dont l'énergie, la finance ou encore les télécommunications.

A la recherche d'un repreneur

"C'est une solution provisoire" pour "éviter le blocage des machines et de l'activité ainsi que les catastrophes pour l'emploi qui en découlent", avait commenté avant l'annonce officielle Renato Schifani, président de la région de Sicile.

"La solution de la mise sous tutelle servira à rechercher d'éventuels repreneurs, sans nécessairement exclure la voie de la nationalisation", a-t-il relevé.

A ce propos, le fonds d'investissement américain Crossbridge Energy Partners est en train de négocier un accord avec Loukoïl en vue d'un rachat de la raffinerie, dont la valeur est estimée entre 1 et 1,5 milliard d'euros, a rapporté jeudi le Financial Times.

"Loukoïl s'efforce de conclure un accord avant que les sanctions de l'UE visant les exportations russes de pétrole par voie maritime ne prennent pleinement effet lundi prochain", écrit le quotidien économique britannique.

Les discussions entre les deux groupes viennent de reprendre après avoir été interrompues fin octobre.

Mais "tout accord nécessitera le soutien du nouveau gouvernement nationaliste italien", a relevé le journal.

Loukoïl avait racheté 49% de la raffinerie auprès du producteur d'énergie italien ERG en 2008, sur la base d'un accord qui évaluait l'ensemble de sa valeur à 2,75 milliards d'euros. Au fil des ans, le groupe russe a acquis une participation de 100%.

AFP