Le CIPDR, organe gouvernemental français cible une journaliste de l’Agence Anadolu

Le CIPDR, organe gouvernemental français cible une journaliste de l’Agence Anadolu

Pour avoir pris position contre l’islamophobie.
Depuis la publication de cette série de tweets, le CIPDR fait l’objet de vives critiques (AFP)

Le CIPDR (Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation), organe directement rattaché à Matignon, a pris pour cible, plusieurs figures de la lutte contre l’islamophobie, dont la journaliste de l’Agence Anadolu, Feïza Ben Mohamed.

Alors que l’exécutif français a engagé récemment une procédure d’expulsion à l’encontre de l’imam et conférencier Hassan Iquioussen, le CIPDR, a ainsi décidé d’intimider, via une série de tweets, les personnalités ayant exprimé leur désapprobation d’une telle mesure en les désignant comme des « militants fréristes et salafistes ».

« La militante Feïza Ben Mohamed, travaillant pour l'agence “Anadolu”, participe à cette campagne de soutien en attaquant perpétuellement la France de façon calomnieuse, et ose prétendre qu’Hassan Iquioussen serait un imam innocent » a écrit le CIPDR, provoquant une vague de cyberharcèlement contre sa cible en confondant volontairement la critique d’une décision du gouvernement, et l’attaque d’un pays.

https://twitter.com/sg_cipdr/status/1553105878890446852?s=21&t=Ba3QLQeZXLOB05TefcsWEQ

Pour s’être opposé à l’expulsion de Hassan Iquioussen, l’ancien directeur du CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France), Marwan Muhammad, est pour sa part accusé de propager « un discours victimaire et anti-laïque ne visant qu’à provoquer l’affrontement entre nos concitoyens de confession musulmane et ceux qui ne le sont pas ».

https://twitter.com/sg_cipdr/status/1553105862465650694?s=21&t=Ba3QLQeZXLOB05TefcsWEQ

L’ancien dirigeant de l’ONG musulmane Ummah Charity, Billal Righi, fait lui aussi partie des cibles du CIPDR, en tentant d’établir un lien entre lui et l’assassinat de Samuel Paty.

https://twitter.com/sg_cipdr/status/1553105872339046404?s=21&t=Ba3QLQeZXLOB05TefcsWEQ

Depuis la publication de cette série de tweets, le CIPDR fait l’objet de vives critiques, notamment sur les réseaux sociaux, où de nombreux internautes s’étonnent de l’utilisation des moyens de l’État pour intimider et museler des personnalités musulmanes sur la base de leurs opinions politiques et religieuses.

« On a quand même une institution publique qui cible des personnalités médiatiques et militants musulmans, les jette dans "la gueule" du cyberharcèlement et cela semble tout à fait normal dans cette France Macroniste, qui fait de la chasse aux musulmans son domaine de prédilection » s’étonne une internaute tandis qu’une autre dénonce « un compte officiel du gouvernement qui est en train d'afficher plein de militants contre l'islamophobie en les faisant passer pour des individus dangereux ».

Qualifiée de « militante » plutôt que journaliste, Feïza Ben Mohamed se voit ainsi nier sa fonction professionnelle et essuie, depuis vendredi soir, une vague de messages turcophobes, islamophobes, et sexistes.

« J’espère qu’elle aura le droit à une protection policière maintenant » qu’elle s’est vue « coller une cible sur le dos » écrit un utilisateur de Twitter considérant que « la mettre dans la même case que des radicaux en Syrie relève de la malveillance ».

Un autre déplore le fait que la « France cible directement et nommément les Français musulmans » et suggère d’organiser « une marche contre l’islamophobie en septembre ».

Le politologue François Burgat s’est également insurgé de la démarche du CIPDR et des accusations portées contre la journaliste de l’Agence Anadolu.

« Ne restons pas passifs ! Nous serons peut-être les prochains sur la liste ! Dans "le pays de la liberté d'expression", les accusations portées par le CIPDR contre Feïza Ben Mohamed (écrire dans Anadolu, comme je le fais régulièrement) sont particulièrement graves » a-t-il écrit sur ses réseaux sociaux.

À noter que la France est le 26ᵉ pays en matière de liberté de la presse selon le classement établi par Reporters sans frontières et publié en mai dernier.

En 2018, l’association Respect Zone, qui milite contre la cyberviolence, établissait, grâce à une étude, que les journalistes étaient la troisième catégorie professionnelle à être visée par la cyberviolence après les politiques et les personnalités publiques.

Si l’organisation pointait dans son étude, le fait que ces commentaires haineux émanaient principalement d’internautes masculins lambdas, le cyberharcèlement de la journaliste de l’Agence Anadolu, Feïza Ben Mohamed, a été directement orchestré et généré par un compte gouvernemental.



AA