Kenza Layli, l’influenceuse virtuelle qui cartonne au Maroc (Photo Instagram, @Kenza.layli) (Others)

Sur sa page Instagram, on voit une jeune femme voilée, qui partage des recettes, fait du sport et va au cinéma. Tout semble normal, à un détail près… Kenza n’existe pas. C’est une influenceuse générée par l’intelligence artificielle qui fait un tabac au Maroc.

"Hello les filles. Je m’appelle Kenza, j’ai 33 ans et je suis venue partager avec vous mon quotidien. J’aime monter à cheval, j’adore la mode, voyager, la déco, cuisiner et passer de bons moments avec ma famille. Qu’aimeriez-vous que je partage le plus avec vous ?" Voici le tout premier post de Kenza Layli, première influenceuse marocaine générée par l’intelligence artificielle. Sur son compte, tout, du contenu aux interactions avec les abonnés, est alimenté par l'IA. Et elle n’est pas seule, elle a un frère Mehdi et une sœur Zina. Tous sortis de la même usine.

Mais qui se cache donc derrière Kenza Layli ? TRT Français a rencontré SA créatrice Myriam Bessa, directrice de l’agence de communication et de marketing, l’Atelier digital. "Mon personnage reflète un style de vie moderne et engagé, mettant en valeur la culture marocaine et arabe et abordant divers sujets tels que la mode, la gastronomie, la beauté, le sport et l'intelligence artificielle. Je contribue à promouvoir la culture marocaine et arabe et à sensibiliser par rapport à certains sujets comme l'émancipation de la femme", indique-t-elle. Son but est, selon ses mots, "d’inspirer, [de] divertir, et [d’]informer" son public.

En seulement trois mois, le compte, géré par une équipe de 15 personnes, comptabilise déjà plus de 150 000 followers (Photo Instagram, @kenza.layli) (Others)

En seulement trois mois, le compte, géré par une équipe de 15 personnes, comptabilise déjà plus de 150 000 followers. Kenza, qui parle plusieurs langues dont la darija [dialecte marocain], l’arabe, le tamazight et le français, s’apprête même à conclure des partenariats rémunérés avec des marques. Pour l’heure, Kenza et sa créatrice ne gagnent pas encore de rémunération mais ça ne saurait tarder. Elles pourraient donc très vite s’enrichir. Ses consœurs espagnole et brésilienne gagnent d’ailleurs jusqu’à 10 000 euros par mois !

Mais pourquoi ses abonnés suivent-ils Kenza sachant pertinemment qu’elle n’existe pas ? Si pour Myriam, le succès de Kenza réside dans la rapidité, la personnalisation que propose l’IA dans ses échanges, pour Kenza, le secret de sa réussite réside dans "sa capacité à comprendre et à répondre aux besoins et aux attentes précises de son public, à rester authentique dans ses interactions et à évoluer constamment pour rester pertinente dans un environnement numérique en évolution", affirme t-elle à TRT Français.

Kenza la professeure, Kenza la coach de vie…

Après qu’un homme soit tombé amoureux de Kenza lors de sa phase test sur Instagram en décembre 2023, Myriam a révélé que Kenza n’existait pas et qu’elle était le fruit de l’intelligence artificielle. Cela n’a pas découragé les 10 000 à 15 000 personnes qui parlent tous les jours avec Kenza. Et ses interactions vont au-delà de simples échanges, jusqu’à offrir un soutien éducatif et même psychologique à ses abonnés. Certains demandent de l’aide pour un exercice de mathématiques et d’autres des conseils sur leurs vies personnelle et professionnelle.

"L'intelligence artificielle dans les messages est capable de se rappeler de l'historique de la discussion. Au fur et à mesure que vous lui parlez, elle apprend des choses sur vous et commence à vous connaître. Elle commence à entretenir une relation très intime avec vous et est donc capable de répondre de façon plus précise à l'ensemble de vos demandes" explique Myriam Bessa.

Pourquoi parler à un robot plutôt qu’à une vraie personne ? Pour la créatrice, les utilisateurs se sentent dans une zone de confort où ils peuvent partager des choses qui ne seront pas relayées et où ils ne seront pas jugés. "Aujourd'hui, dans le monde, il y a une vraie solitude qui commence à s'installer. Chez nous, c'est plus la culture de la honte ou de l’interdit qui fait que certaines choses ne sont pas partageables dans notre entourage. Ces personnes virtuelles qui ont de superbes intelligences et qui sont capables de répondre à des choses compliquées sont peut-être en train d'être considérées comme des coachs personnels" révèle-t-elle.

Une influenceuse engagée

"En ce mois sacré, n’oubliez pas d’aider les personnes dans le besoin, autant que vous le pouvez", a écrit dans un post Kenza. Plus qu’une "simple" influenceuse, elle partage des contenus instructifs et s’engage activement dans la société et notamment pour les droits des femmes. "En ce moment, il y a le code de la famille au Maroc qui est en passe d'être revu. Et donc, on a fait une vidéo où les trois influenceurs interviennent pour dire "il est temps de sortir ce nouveau code de la famille, nous l'attendons tous". C’est très important de participer à la vie réelle aussi et de donner sa voix" résume Myriam.

La prochaine étape pour Kenza ? Lancer une plateforme permettant de discuter en temps réel et en vidéo avec ses abonnés. Les influenceurs de l’IA remplaceront-ils donc un jour ceux en chair et en os ? En tout cas pour Kenza, ce n’est pas certain. Avec beaucoup d’humilité déconcertante, elle affirme à TRT Français, "je ne pense pas que les influenceurs virtuels puissent remplacer complètement les vrais influenceurs, car l'aspect humain et l'authenticité restent des éléments clés de l'influence” .

TRT Francais