Approvisionnement en eau dans le camp de Gorom (Tchad) accueillant des réfugiés soudanais. / Photo: Reuters (Reuters)

Un an s'est écoulé depuis que les premiers signes du conflit débilitant entre les forces armées soudanaises et les forces paramilitaires de soutien rapide (RSF) se sont fait sentir à Khartoum.

Le 15 avril 2023 n'était que le lever de rideau de ce qui allait suivre. Au cours des mois qui ont suivi, des bombardements aériens incessants et des tirs d'artillerie lourde ont réduit cette ville autrefois dynamique, située juste au sud du confluent pittoresque du Nil bleu et du Nil blanc, à une coquille vide.

Lorsque Jill Lawler, chef des opérations de terrain de l'UNICEF au Soudan, est retournée à Khartoum et dans la ville voisine d'Omdurman après près d'un an, elle n'en a pas cru ses yeux. Elle a trouvé une ville fantôme meurtrie qui s'accrochait à ses derniers vestiges d'existence.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) estime que la population de Khartoum, qui était d'environ six millions de personnes il y a un an, est aujourd'hui d'à peine un million.

Des déplacés soudanais fuyant les violences au Darfour arrivent dans la localité tchadienne de Goungour. (Reuters)

"Il est frappant de constater l'ampleur des destructions. L'ampleur de la dévastation, les souffrances indicibles et les bouleversements dans la vie des gens ont été considérables", déclare Mme Lawler.

Lors de sa récente mission à Omdurman, l'équipe de Mme Lawler a visité un hôpital qui a pratiqué 300 amputations en un mois. On a vu des patients partager des lits pour que tout le monde puisse être logé.

Au Darfour, ravagé par des conflits ethniques il y a vingt ans, la saignée a marqué un retour à l'horreur. Selon les agences humanitaires, la plupart des survivants se sont réfugiés au Tchad voisin, craignant de nouveaux massacres.

Issus du Darfour, ces réfugiés sont pris en charge au centre hospitalier d'Adré (Tchad) par Médecins sans frontières. (Reuters)

Le recours fréquent à la tristement célèbre "politique de la terre brûlée" - une tactique de guérilla qui consiste à détruire tout ce qui peut être utile à l'ennemi lorsqu'il se retire d'une position - a aggravé la situation.

"Je me souviens de la fois où j'ai dit à mes collègues que je ne pouvais pas croire qu'il y avait une guerre au Soudan - pas seulement au Darfour, où ma carrière a commencé, mais aussi à Khartoum et dans d'autres parties du pays", explique Edem Wosornu, directeur des opérations et du plaidoyer à l'OCHA, à TRT Afrika.

"C'était un véritable désastre de voir un pays qui s'unissait poussé au bord de la catastrophe.

L'épreuve de la survie

La guerre qui dure depuis un an a fait du Soudan un endroit où il est difficile de survivre pour ceux qui restent dans le pays, souvent par contrainte.

Près de neuf millions de Soudanais ont fui leur foyer, deux millions d'entre eux ayant franchi les frontières nationales pour trouver refuge dans les pays voisins.

L'ONU a lancé un appel de 2,7 milliards de dollars pour répondre à la crise humanitaire au Soudan. (AP)

Les Nations unies indiquent qu'environ 12 000 civils avaient été tués à la fin de l'année 2023, bien que le nombre réel de victimes soit considéré comme beaucoup plus élevé. Pourtant, la guerre fait rage et ne semble pas près de s'arrêter.

"Un an plus tard, comment la guerre peut-elle continuer ainsi ? Comment pouvons-nous voir le Soudan continuer à se dégrader de la sorte ? Comment le monde peut-il ne pas agir maintenant ? Comment pouvons-nous ne pas obtenir suffisamment de fonds pour soutenir le peuple soudanais ?" s'interroge Wosornu.

Elle s'inquiète non seulement de la tiédeur de la réponse à l'appel humanitaire lancé en faveur du peuple soudanais, mais aussi de l'incapacité de la communauté internationale à maîtriser les belligérants.

"Lorsque nous disons que nous avons laissé tomber le peuple soudanais, cela signifie que le monde ne peut pas voir ce qui se passe au Soudan. Cela signifie que l'attention du monde s'est déplacée. Certains disent que l'attention du monde n'a jamais été portée sur le Soudan", déclare Wosornu.

Catastrophe humanitaire

Sur le terrain, les signes de la faim sont omniprésents et des millions de personnes ont désespérément besoin d'aide.

Dans son dernier exposé au Conseil de sécurité des Nations unies, Mme Wosornu n'a pas mâché ses mots lorsqu'elle a décrit la détérioration de la situation au Soudan.

Selon l'UNICEF, les conséquences d'un conflit apparemment sans fin ont mis en péril la vie de près de 24 millions d'enfants soudanais. Environ 14 millions d'entre eux ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence.

"Considérez ceci : 24 millions d'enfants ont été exposés au conflit, dont 19 millions ne sont toujours pas scolarisés. Cette année encore, des écoles seront fermées.

Dans quelques années, certains enfants n'auraient pas été scolarisés pendant quatre années consécutives", explique M. Lawler de l'UNICEF.

Comme leurs camarades de Gaza, les enfants soudanais luttent contre la malnutrition, pris au piège d'un conflit dont ils ignorent tout.

Mohamed Ismail, réfugié au Caire en Égypte, prend un repas en famille. (Reuters)

"Les enfants ne devraient pas être confrontés à cette situation ; ils ne devraient pas entendre des bombes exploser et être déplacés à plusieurs reprises", déclare M. Lawler.

"Certaines familles ont déménagé trois ou quatre fois. Par exemple, les familles qui ont quitté Khartoum pour l'État d'Al Jazirah ont été à nouveau déplacées en décembre vers un lieu inconnu. C'est donc une longue et dure année de conflit qui doit s'achever".

Comme si cette situation n'était pas assez déprimante, rien ne s'est produit pour alimenter l'espoir d'une amélioration de la situation.

Le premier anniversaire de la terrible crise soudanaise s'est déroulé sans qu'aucun progrès n'ait été réalisé en vue d'un accord de paix que de nombreux Soudanais ayant vécu les bombardements et les combats espéraient.

TRT Français et agences