Grèce: le Premier ministre face à une motion de censure sur fond de scandale d'écoutes / Photo: AFP (AFP)

"La maintien au pouvoir de Kyriakos Mitsotakis est dangereux pour la démocratie, la sécurité du pays et les droits", a fustigé l'ancien Premier ministre (2015-2019) et dirigeant de la Gauche radicale Syriza, devant les députés.

"C'est pourquoi, nous déposons une motion de censure comme un premier pas de soutien à la démocratie et à la justice", a-t-il ajouté, après avoir révélé devant le Parlement qu'un ministre et cinq militaires de haut rang avaient été placés sous surveillance.

En visite en Crète (sud), Kyriakos Mitsotakis a jugé ce vote de défiance "bienvenu", assurant qu'il était "prêt pour cette confrontation politique".

Le vote devrait intervenir d'ici vendredi alors que le camp gouvernemental dispose d'une confortable majorité au Parlement de 156 députés sur un total de 300.

Il pourrait néanmoins pousser le Premier ministre à proclamer des élections légèrement anticipées, comme le réclame l'opposition depuis des mois, relèvent certains observateurs.

Le scrutin législatif doit de toute façon se tenir d'ici l'été.

A la Vouli, le Parlement grec monocaméral, Alexis Tsipras a accusé le chef du gouvernement et dirigeant de la Nouvelle démocratie (ND) d'être "le cerveau et le chef de ce réseau criminel" qu'est la surveillance par le Renseignement grec (EYP) de personnalités de haut rang.

Logiciel "espion"

Le dépôt de cette motion de censure intervient alors que gauche et droite sont déjà quasiment entrées en campagne électorale bien qu'aucune date n'ait encore été fixée pour les élections.

Ce scandale des écoutes illégales éclabousse son gouvernement depuis l'année dernière. Il a pris de l'ampleur en juillet dernier quand Nikos Androulakis, eurodéputé et leader du parti socialiste grec Pasok-Kinal, avait révélé avoir fait l'objet d'une tentative de piratage de son téléphone par le logiciel "espion" Predator.

D'autres hommes politiques et journalistes ont également saisi la justice, affirmant avoir été surveillés par le Renseignement grec.

Le Premier ministre a certes reconnu que M. Androulakis avait fait l'objet d'une surveillance mais a nié avoir acquis le logiciel Predator.

A l'automne, il a également démenti les informations d'une publication proche de la gauche radicale selon lesquelles ce sont en fait des dizaines de personnalités, parmi lesquelles plusieurs ministres, qui ont été surveillées à l'aide de ce logiciel espion.

Alexis Tsipras a souligné avoir eu "des preuves", fournies par l'Autorité indépendante de la sécurité des Télécoms (Adae), de la surveillance du ministre du Travail Kostis Hadzidakis, du chef d'état-major Konstantinos Floros, du chef de l'armée de Terre, Haralambos Leloussis et de deux anciens responsables militaires.

"Consciemment menti"

L'ancien Premier ministre a assuré que Kyriakos Mitsotakis avait "consciemment menti" pendant six mois et avait "jeté tout le poids de son autorité" pour empêcher la vérité d'éclater.

Selon l'Adae, la surveillance du ministre Kostis Hatzidakis "a eu lieu entre novembre 2020 et mai 2021 alors qu'il avait le portefeuille de l'Energie", a indiqué Alexis Tsipras.

Pour les responsables militaires, la surveillance a eu lieu entre juillet 2020 et mai 2022, selon le chef de Syriza.

"Quelle était la raison de sécurité nationale pour surveiller les chefs de notre sécurité nationale", a-t-il ironisé.

"Est-ce qu'ils étaient dangereux pour la sécurité nationale? Étaient-ils soupçonnés d'espionnage?", s'est-il interrogé, appelant le gouvernement à "démissionner".

Plus tôt, le porte-parole du gouvernement Yiannis Oikonomou avait accusé le chef de l'Adae, Christos Rammos, de "vouloir jouer un rôle politique" dans l'enquête sur l'affaire des écoutes, en informant Alexis Tsipras avant le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis notamment.

Le chef de l'Adae a rejeté ces accusations en bloc, les qualifiant de "profondément offensantes pour son honneur et sa réputation".

AFP