L'exode des habitants de Gaza vers l'inconnue. / Photo: AA (AA)

Cinq mois après le début du conflit de Gaza, les dirigeants israéliens menacent toujours Rafah d’un assaut final. La ville située dans le sud de l’enclave palestinienne, à la frontière avec l’Égypte, est considérée comme le dernier refuge de ce qui reste des 2,5 millions d’habitants de Gaza.

De 300 000 habitants, la population est passée à 1,5 million d’âmes.

“L’éventualité d’une véritable incursion militaire à Rafah – où quelque 1,5 million de Palestiniens sont entassés contre la frontière égyptienne et n’ont nulle part où s’enfuir – est terrifiante”, redoute dans un communiqué, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk.

Le déroulement de la guerre sur le terrain, laisse transparaître une stratégie israélienne, consistant à déloger les habitants du nord de l’enclave et à canaliser leur déplacement vers le sud.

S’adressant aux habitants de Gaza en décembre dernier sur X, le porte-parole de l'armée pour les médias arabes, Avichay Adraee déclarait :”Je voudrais vous informer que l'armée israélienne autorisera le passage sur la route Salaheddine aujourd'hui (samedi, 4 novembre 2023, NDLR) entre 13h00 (11h00 GMT) et 16h00 (14h00 GMT)”.

Et d'ajoute r: “Pour votre sécurité, profitez du moment qui vient pour vous déplacer vers le sud, au-delà de "’Wadi Gaza’”.

Ceux qui refusaient de respecter cet ordre subissaient, de facto, la fureur de l’artillerie et de l’aviation israélienne

Rendue au mois de mars 2024, l’armée israélienne utilise d’autres méthodes pour forcer les habitants à quitter leurs domiciles du nord de l’enclave. Outre la destruction de l’infrastructure sanitaire, l’usage de l’arme de la famine est désormais de mise.

Depuis le début de l’année, des milliers de Gazaouis fuient le nord en direction du sud, poussés par la faim, d’autant plus que les organismes humanitaires comme le PAM ont suspendu leurs opérations dans le nord. Et pour cause, ils invoquent l’insécurité et les tracasseries.

“Je suis venu à pied (…) Je ne peux décrire le genre de famine qui se répand là-bas (…) Il n’y a pas de lait (pour ma fille). J’essaie de lui donner du pain que je prépare à partir de fourrage, mais elle ne le digère pas (…) notre seul espoir est l’aide de Dieu “, déclarait en fin février, Samir Abd Rabbo, un déplacé palestinien en route vers le sud de Gaza, avec sa fille d’un an et demi, en quête de nourriture et d’abri.

À l’observation, les Gazaouis sont piégés, puisque les pilonnages de l’armée israélienne n’épargnent pas la ville de Rafah, prétendument dernier refuge…

Des sources médicales ont rapporté dimanche à la presse que "12 martyrs, dont six enfants, ont été tués dans un bombardement israélien qui a visé une maison de la famille Abu Anza dans le quartier d'Al-Salam, à l'est du gouvernorat de Rafah, au sud de la Bande de Gaza".

Des bombardements qui se font au mépris des mises en garde des grands pays comme les États-Unis, à la suite des organisations humanitaires comme le PNUD, la FAO ou encore l’UNRWA.

Déterminé à attaquer Rafah, le Premier-ministre israélien a récemment affirmé à Jérusalem : ”même si nous parvenons à un accord sur les otages, nous allons entrer dans Rafah”.

Chassés du nord de l’enclave, pilonnés dans le centre, attaqués dans le sud, les Palestiniens ne se font plus d’illusions sur les intentions israéliennes.

Riyad Mansour, observateur permanent palestinien auprès des Nations unies, parlant des déplacés de Gaza, croit avoir compris les intentions des israéliens.

“Ils disent qu’ils (habitants de Gaza,NDLR) ne les autorisent pas à aller vers le nord. Ils ne veulent pas qu’ils restent à Rafah. Ce n’est pas nécessaire d’être physicien nucléaire pour arriver à la conclusion qu’il n’y a qu’un seul endroit où ils peuvent aller, c’est-à-dire la péninsule du Sinaï”.

À y voir de prêt, Israël déploie ainsi une stratégie d’expulsion des Palestiniens de Gaza vers le désert égyptien du Sinaï.

C’est en tout cas ce que nous révèle Wikileaks, l’ONG créée par le journaliste Julian Assange qui s’est fait remarquer par la publication des documents classifiés. Wikileaks a partagé, le 30 octobre 2023, un document datant du 13 octobre du ministère israélien des Renseignements, repris par le journal “Mekomit”. Il est question de déplacement forcé des civils de Gaza vers le désert du Sinaï Égyptien.

Dans cette perspective, révèle le document du ministère des Renseignements, Israël construirait une ville de tentes dans le Sinaï, contre le gré de l’Égypte, qui serait placée devant le fait accompli. Un corridor pour permettre à la population gazaouie de rejoindre le désert du Sinai complèterait ce plan.

“Mekomit” souligne avoir contacté le ministère qui a confirmé l’authenticité du rapport, précisant que son destinataire n’était pas la presse. Le bureau du Premier ministre, Benyamin Netanyahu, a minimisé la portée du document, le qualifiant “d’exercice théorique”.

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, semble être au courant des intentions israéliennes. Il s’est prononcé via Nabil Abu Rudeineh un de ses porte-parole : “Nous sommes opposés à tout transfert, sous quelque forme que ce soit, et nous considérons qu’il s’agit d’une ligne rouge que nous ne permettrons pas de franchir”.


TRT Français et agences