France: protestations et violences après la mort d'un jeune tué par un policier / Photo: AFP (AFP)

Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a relayé les mots du chef de l'Etat et lancé un "appel au calme" après une nuit d'échauffourées à Nanterre où ce jeune homme de 17 ans habitait et où il a été tué mardi par un policer lors d'un contrôle routier.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a indiqué que le policier sera suspendu de ses fonctions, si des "charges sont retenues" à son encontre à l'issue de sa garde à vue, précisant avoir mobilisé 2.000 membres de forces de l'ordre pour "maintenir l'ordre public".

"Quand un jeune homme meurt dans ces circonstances, l'émotion est normale. En aucun cas, un geste comme celui que l'on a vu sur la vidéo ne se justifie. J'appelle au calme et à la vérité", a -t-il estimé.

"Nous souhaitons avoir toute la vérité sur ce qu'il s'est passé. Le policier [auteur présumé du coup de feu] est actuellement en garde à vue. Nous prendrons des décisions de suspension si des charges judiciaires sont retenues contre lui dans les heures qui suivent", a–t-il annoncé.

Appel à une marche blanche jeudi

La mère de Naël, appelle à une marche blanche jeudi devant la préfecture des Hauts-de-Seine, au travers d'une vidéo relayée sur TikTok.

"Rendez-vous jeudi à la préfecture à 14h, marche blanche. Jeudi venez tous, on fait une révolte, s'il vous plaît, pour mon fils", appelle la mère de l'adolescent décédé.

Le drame s'est produit mardi matin. Dans un premier temps, des sources policières ont affirmé qu'un véhicule avait foncé sur deux motards de la police.

Mais une vidéo circulant sur les réseaux sociaux a montré qu'un des deux policiers tenait le conducteur en joue puis a tiré à bout portant quand la voiture a redémarré.

Dans la vidéo, on entend "tu vas te prendre une balle dans la tête", sans que l'on puisse attribuer cette phrase à quelqu'un en particulier.

La voiture a fini sa course quelques dizaines de mètres plus loin, encastrée dans un poteau.

La victime, Naël M., 17 ans, atteinte au thorax, est décédée peu de temps.

Depuis le début de la soirée, la situation s’est tendue à Nanterre où des incendies ont été allumés pour protester contre la mise à mort du jeune Naël, âgé de seulement 17 ans.

La mort de l'adolescent et ses circonstances ont suscité émotion et colère à Nanterre, ville populaire où il habitait. En début de soirée, des affrontements ont éclaté entre habitants et forces de l'ordre.

Quinze personnes ont été interpellées, selon un bilan de la préfecture de police communiqué vers 01h00 (23h00 GMT).

La préfecture du département des Hauts-de-Seine, dont Nanterre est le chef-lieu, a fait état de "mouvements sporadiques" dans plusieurs quartiers.

Si la préfecture de police assurait que la situation était "contenue" peu avant minuit, les tensions ont continué, se propageant dans d'autres communes des banlieues nord de la région parisienne pour protester contre la mise à mort du jeune Naël.

La même source a ainsi fait état "d'incidents très sporadiques" dans les villes d'Asnières, Colombes, Suresnes, Aubervilliers, Clichy-sous-Bois et Mantes-la-Jolie.

A Nanterre, des mortiers d'artifice ont été tirés à proximité de la préfecture. Un incendie s'est déclaré dans une école de musique, sur lequel les pompiers sont rapidement intervenus.

Des feux ont été allumés le long d'une voie ferrée, plusieurs voitures et poubelles ont été incendiées et des abribus ont été détruits. Des manifestants ont dressé quelques barricades. Les forces de l'ordre ont plusieurs fois répliqué par des tirs de gaz lacrymogènes.

Deux enquêtes ouvertes

Après la mort de l’adolescent,, une enquête a été ouverte pour refus d'obtempérer et tentative d'homicide volontaire sur personne dépositaire de l'autorité publique. Une autre enquête, ouverte pour homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique, a été confiée à l'Inspection générale de la police nationale, la police des polices.

Le policier soupçonné du tir mortel, âgé de 38 ans, a été placé en garde à vue.

De son côté, l’avocat de la jeune victime, maître Yassine Bouzrou, a fait savoir dans un communiqué de presse, que deux plaintes allaient être déposées: la première pour « homicide volontaire contre le policier auteur du tir » et la seconde pour « faux en écriture » « contre des policiers qui ont affirmé que le jeune homme avait tenté de commettre un homicide sur leur personne » alors que cette version est « formellement démentie par le visionnage de la vidéo ».

L’avocat annonce par ailleurs qu’il va demander le « dépaysement avec dessaisissement immédiat du parquet de Nanterre afin d'une part que le commissariat de Nanterre chargé des investigations n'intervienne pas dans une affaire impliquant des policiers locaux » et « d’autre part afin d'écarter le procureur de la république de Nanterre qui utilise les fausses déclarations des policiers (formellement démenties par la vidéo) pour ouvrir une enquête pour tentative d'homicide contre le jeune homme, dont le décès entraîne pourtant l'extinction de l'action publique ».

Deux autres personnes se trouvaient dans le véhicule au moment des faits: un premier passager a pris la fuite, et le second, également mineur, a été arrêté et placé en garde à vue puis relâché en début d'après-midi.

Hommage d'Omar Sy

Une quarantaine de personnes se sont rassemblées en début d'après-midi près des lieux du drame, larmes aux yeux, pour partager leur "colère".

"C'est tellement triste, il était tellement jeune. Je l'ai vu naître", a soupiré Samia Bough, 62 ans, ancienne voisine de l'adolescent, venue déposer un bouquet de roses jaunes.

Le maire de Nanterre, Patrick Jarry, s'est dit "choqué" par la vidéo du drame.

"La peine de mort n'existe plus en France. Aucun policier n'a le droit de tuer sauf légitime défense", a tweeté le leader du parti de gauche radicale La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, estimant que la police devait être "entièrement refondée".

A l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a parlé d'"images extrêmement choquantes".

"Qu'une justice digne de ce nom honore la mémoire de cet enfant", a tweeté l'acteur français Omar Sy.

En 2022, 13 décès ont été enregistrés après des refus d'obtempérer lors de contrôles routiers, un record.

Agences