Un rapport du Sénat dénonce  l'influence croissante de ces cabinets sur les politiques publiques (DPA)

Un rapport du Sénat, publié le 17 mars dernier, accuse le gouvernement français de recourir en masse aux cabinets de conseil privés pour la gestion de l’Etat et dénonce "l'influence croissante de ces cabinets sur les politiques publiques".

Depuis les révélations de la commission, la polémique entre le gouvernement et l’opposition n’en finit pas de déchaîner les passions au risque d'obstruer la campagne du président sortant, Emmanuel Macron.

Selon ce rapport, le recours aux consultants privés a fortement augmenté entre 2018 et 2021 pour atteindre près d’un milliard d’euros de dépenses l'année dernière.

En effet, la commission d’enquête a mis en évidence que lors du quinquennat d’Emmanuel Macron, les dépenses liées aux cabinets de conseil privés étaient passées de 379 millions d’euros en 2018 à 894 millions en 2021.

Un "phénomène tentaculaire"

Les conclusions de la commission ont été largement reprises dans les médias mais aussi par l’opposition qui s’est emparée du sujet pour s’en servir contre le président sortant lors de l'élection présidentielle.

Ainsi, les adversaires d’Emmanuel Macron l’ont accusé de "connivences" avec ces cabinets et ont estimé que "cela prouvait, une fois de plus, l’image d’un président des riches".

Incontestablement, malgré des sommes importantes reçues par ces cabinets, la part la plus importante revenait à la société américaine McKinsey qui cristallise tous les débats, aujourd’hui.


Pas d’impôts depuis 10 ans

Selon le rapport, les entités françaises de McKinsey n’ont versé aucun impôt sur les sociétés depuis dix ans.

La firme américaine avait pourtant prétendu l’inverse lors d’une audition d’un de ses directeurs en France le 18 janvier.

Le Sénat a donc annoncé le 3 avril qu’il avait saisi la justice "pour une suspicion de faux témoignage".

"En application de l’article 40 du code de procédures pénales, le Sénat a saisi la justice pour une suspicion de faux témoignages devant la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques", indique le communiqué.

Il rappelle "qu’un directeur associé du cabinet McKinsey a déclaré sous serment devant la commission d’enquête sénatoriale que la société McKinsey payait des impôts en France".

Mais les membres de la commission précisent que "l’enquête des sénateurs atteste que le cabinet McKinsey n’a pas payé d’impôts sur les sociétés en France depuis au moins 10 ans" et expliquent que "ces faits ont été étayés par deux contrôles sur pièces et sur place menés au ministère de l’Economie et des finances".

En plus des deux points cités plus haut, McKinsey faisait déjà polémique après que le gouvernement français a eu recours à ses services pour mener la campagne de vaccination alors que selon Nicolas Dupont-Aignan, "un des consultants de McKinsey travaillait aussi pour Pfeizer".


McKinsey a travaillé pour Emmanuel Macron

Après la publication du rapport, les divulgations autour du cabinet McKinsey se multiplient.

En effet, le média français Mediapart a révélé, jeudi 31 mars, que McKinsey a "misé" sur celui qui était alors ministre de l'Economie, et avant qu'il ne déclare sa candidature à la présidentielle de 2017.

D’après le média, le cabinet a réalisé pour Emmanuel Macron "des prestations sans rémunération et sans contrat entre 2014 et 2016 en vue d'obtenir des avantages".

Mediapart avance aussi que "d'autres prestations auraient été réalisées par la suite, toujours gratuitement, et sans qu'un contrat ne soit établi".

Selon Mediapart, Emmanuel Macron "paye ses prestations gratuites en ayant recours massivement à ce cabinet". Lors de son entretien sur la chaîne publique France 3, le 27 mars, Emmanuel Macron a montré "un certain agacement".

"On a l’impression qu’il y a des combines. C’est faux !", a acclamé le président, expliquant qu’"aucun contrat n’était passé dans la République sans qu’il ne respecte la règle des marchés publics", avant d’ajouter que "quiconque a la preuve qu’il y a manipulation mette le contrat en cause au pénal".


Eteindre l’incendie

Le gouvernement tente d’éteindre l’incendie à moins d’une semaine du premier tour de l'élection présidentielle.

Dans un premier temps, deux ministres avaient récusé toutes les accusations mais avaient en même temps affirmé que "les recommandations du Sénat seront appliquées à la lettre".

Pas si sûr que ces tentatives débouchent sur quelque chose dans la mesure où le Sénat accuse le gouvernement de recourir à "des commandes trop fréquentes, trop chères, et qui trop souvent, ne débouchent sur rien".

Mais pour certains médias français "le camp Macron semble serein", puisque "le président-candidat caracole en tête des sondages, avec 28,5% des intentions de vote".

"Même s’il y a un mécontentement, l’affaire McKinsey ne suffira pas à ébranler l’avance d’Emmanuel Macron", déclare d’ailleurs à France 24, Pierre Bréchon, professeur émérite de sciences politiques.

Mais d’autres experts rappellent "l’affaire Fillon" qui avait éclaté juste avant le scrutin de 2017.

En effet, les médias avaient révélé "des emplois fictifs et des costards offerts par un homme d’affaires" au candidat de la droite François Fillon.

Après ces révélations, Fillion n’avait pas réussi à atteindre le second tour bien que les sondages le donnaient favori.

AFP