France : Braun-Pivet, première femme présidente de l'Assemblée nationale (Reuters)

Elle était néophyte en politique il y a encore cinq ans mais a rattrapé ce retard à une vitesse prodigieuse : Yaël Braun-Pivet, 51 ans, ancienne avocate et éphémère ministre, est la première femme présidente de l'Assemblée nationale en France, dans un contexte de crise pour le pouvoir.

"J'ai tenu la barre face aux crises, du terrorisme à la pandémie", affirme-t-elle, en référence à ses cinq ans passés à la tête de la commission des Lois de l'Assemblée, un office prestigieux généralement confié à des parlementaires expérimentés, qu'elle avait déjà ravi en 2017 malgré son peu d'expérience.

Et de vanter sa "nouvelle méthode de travail, faite d'écoute" et de "co-construction" y compris avec les oppositions dont elle a su se faire apprécier. Les femmes "doivent réussir en politique sans imiter ou s'adapter à un modèle masculin", juge Yaël Braun-Pivet.

Son accession à la présidence de l'Assemblée permet à la France d'enfin entrer dans le club où cette fonction a été féminisée, quand l'Autriche a eu une femme, Olga Rudel-Zeynek, à la tête d'une chambre, le Bundesrat, dès... 1927.

Après guerre, ont suivi le Danemark en 1950, la Hongrie et l'Uruguay en 1963, puis l'Allemagne (1972), le Canada (1972), l'Argentine (1973), l'Islande (1974), la Suisse (1977), l'Italie (1979)...

selon les données compilées par l'Union interparlementaire (UIP), l'organisation mondiale des parlements des États souverains, basée à Genève.

Dans la nouvelle législature, consécutive à la réélection large du président Emmanuel Macron en avril, elles sont désormais trois à des postes de pouvoir : Aurore Bergé, 35 ans, est, elle, la première présidente des députés de la majorité depuis 1958 et le début de la Ve République, alors qu'Elisabeth Borne est la deuxième Première ministre en autant d'années.

Il y a "un vrai élan" en faveur des femmes au sein des troupes macroniennes, note-t-on au sein de ce groupe, alors que le Palais Bourbon, siège de l'Assemblée nationale, a dû attendre 2016 pour accueillir une première statue d'un personnage historique féminin.

Chaleureuse

"Il suffira donc d'une crise... pour qu'on laisse les femmes monter au feu", ironise Laurence Rossignol, ancienne ministre socialiste des Droits des femmes, reprenant les mots de l'écrivaine Simone de Beauvoir.

Valérie Petit, ex-députée de la majorité, y voit une manifestation du "Glass Cliff Effect" ou effet "falaise de verre", soit "la surreprésentation des femmes dans les postes de pouvoir en période de crise aigüe".

"Ceux qui d'habitude ignorent leur talent se disent +On a tout essayé, faisons quelque chose qu'on n'aurait jamais imaginé : nommons une femme+", a-t-elle relevé sur Twitter.

L'Assemblée nationale paraît ainsi moins gouvernable que jamais, les Français ayant privé les forces d'Emmanuel Macron de la majorité absolue lors des législatives de juin. Chaque projet de loi s'annonce comme un chemin de croix pour le pouvoir.

Alors que l'extrême droite et la gauche radicale sont fortement représentées à la chambre basse, l'avocate pénaliste de formation, qui avait mis son métier entre parenthèses pour suivre son mari, expatrié en Asie, et éduquer leur cinq enfants, devrait pouvoir tirer profit de ses qualités humaines.

"Chaleureuse", "pas tordue", selon certains collègues, elle se voit parfois même reprocher d'être trop "sympa".

"C'est pas mon truc d'être chiante et autoritaire", réplique Yaël Braun-Pivet, nommée en mai ministre des Outre-Mer, un poste qu'elle n'aura occupé qu'un mois et cinq jours, au grand dam des élus de ce territoire.

Autre polémique pour la nouvelle présidente de l'Assemblée, son rejet en 2018 de l'inscription du droit à l'avortement dans le préambule de la Constitution... quand la majorité vient justement de proposer une révision de la Loi fondamentale française après que le droit à l'IVG a été remis en cause aux États-Unis.

"Il n'est nul besoin de brandir des peurs" en France, assurait-elle alors.

AFP