Agée de 47 ans, Liz Truss sera la troisième femme à diriger le gouvernement britannique, après Margaret Thatcher et Theresa May. (Reuters)

Liz Truss a remporté lundi la course pour devenir Première ministre britannique et succéder à Boris Johnson, avec pour défi immédiat de s'attaquer à la crise historique du pouvoir d'achat qui frappe le Royaume-Uni.

Agée de 47 ans, Liz Truss sera la troisième femme à diriger le gouvernement britannique, après Margaret Thatcher et Theresa May.

Sans surprise, la ministre des Affaires étrangères s'est imposée face à son ancien collègue des Finances Rishi Sunak, à l'issue d'un vote par correspondance réservé aux adhérents du Parti conservateur, déclenché par la démission début juillet de Boris Johnson, acculé par les scandales à répétition.

Elle a recueilli 81.326 voix (57%) contre 60.399 pour son rival (43%), selon les résultats communiqués par Graham Brady, responsable de l'organisation du scrutin.

"Je mettrai en oeuvre un plan audacieux pour réduire nos impôts et augmenter la croissance de notre économie", a-t-elle déclaré après l'annonce de sa victoire, promettant également de s'attaquer à l'explosion des prix de l'énergie pour les ménages et aux problèmes de "long terme" concernant les approvisionnements en énergie.

Avec une inflation à deux chiffres et une économie au bord de la récession, la crise du coût de la vie au Royaume-Uni et l'accès à l'énergie s'imposent comme priorités de Liz Truss à Downing Street.

Le point sur les principaux dossiers économiques qui l'attendent.

Coût de la vie

Avec une inflation de 10,1% l'an, au plus haut depuis 40 ans, qui pourrait selon Goldman Sachs flamber à 22% si les prix du gaz restent aussi élevés, le pouvoir d'achat s'annonce comme le dossier brûlant de celle qui va succéder à Boris Johnson à Downing Street.

La facture pour un foyer moyen va augmenter de 80% à partir d'octobre, à 3.549 livres, et devrait encore augmenter d'ici au printemps, et plusieurs études avertissent d'une "catastrophe humanitaire majeure" si les Britanniques ne peuvent se chauffer convenablement cet hiver.

Liz Truss, ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Boris Johnson, a prôné pendant toute la campagne des baisses d'impôts plutôt que des aides directes, qu'elle a régulièrement qualifiées de "pansements".

Face à la colère populaire, sans oublier les critiques d'économistes qui estiment que les baisses d'impôts n'auront aucun impact sur les ménages à bas revenus, elle promet désormais des aides immédiates.

Plusieurs médias avancent qu'elle pourrait aller jusqu'à un gel des tarifs de l'énergie, comme le suggérait l'opposition travailliste.

Elle n'est pas revenue cependant sur les allègements d'impôts promis: elle compte notamment revenir sur les augmentations adoptées des cotisations sociales, sur celle de la taxe sur les entreprises, et veut aussi suspendre les taxes sur l'essence destinées à financer la transition énergétique.

Le rival de Liz Truss, Rishi Sunak, qualifiait de politique de "conte de fées" le fait de promettre des baisses d'impôts, d'autant plus combinées à des subventions des factures énergétiques.

Kwasi Kwarteng, actuel ministre de l'Energie et des Entreprises et pressenti pour devenir ministre des Finances, veut toutefois croire dans une tribune au FT lundi que Mme Truss ne fera pas dérailler les finances publiques.

Energie

Si Mme Truss dit vouloir maintenir l'engagement du Royaume-Uni vers la neutralité carbone pour 2050, elle estime qu'il pourrait y avoir "une meilleure manière d'atteindre" cet objectif qui ne "nuirait pas aux gens et aux entreprises".

La nouvelle dirigeante britannique entend multiplier les investissements dans l'énergie, et se dit en faveur de la technologie controversée de la fracturation hydraulique, le "fracking", permettant d'extraire pétrole et gaz de schiste, là où la population locale est d'accord.

Son prédécesseur Boris Johnson a mis en doute dans son dernier discours public le potentiel du "fracking" à l'heure où le prix de revient des renouvelables est devenu bien meilleur marché que celui du gaz.

La ministre veut "dégager plus d'énergie, par exemple dans la mer du Nord", et a été critiquée par les ONG environnementales en laissant entendre qu'elle donnerait plus de permis de forage.

Côté nucléaire, elle devrait soutenir la stratégie du gouvernement Johnson, qui a donné son feu vert au financement du projet de centrale Sizewell C, porté par EDF, et veut multiplier les petits réacteurs.

Brexit

Liz Truss, ex-"remainer" reconvertie en ardente "pro-Brexit", est l'architecte de la loi sur le protocole nord-irlandais censée passer outre l'accord signé par Londres avec l'UE, et l'un des principaux points de tension avec Bruxelles. Elle a promis de revenir sur toutes les lois héritées de l'UE afin de "turbocharger la croissance" britannique.

En revanche, elle est pour l'instant silencieuse sur d'éventuelles solutions pour remédier au manque de travailleurs au Royaume-Uni, où les Européens représentaient avant le Brexit de gros contingents d'employés.

Régulation financière

Mme Truss envisage une fusion des régulateurs de la City: le gendarme des marchés (FCA), l'autorité de régulation prudentielle (PRA) qui réglemente les banques et dépend de la banque centrale, et le régulateur des systèmes de paiements (PSR).

Critiquant l'action de la Banque d'Angleterre face à l'inflation, la troisième femme à accéder à Downing Street a également proposé de revoir le statut de la Banque d'Angleterre, dont l'indépendance date de 1997. Son gouverneur Andrew Bailey a prudemment rappelé que la crédibilité financière du Royaume-Uni dépend de l'indépendance de son institut monétaire.

AFP