Le colloque sur la Palestine censuré par le Collège de France a pu débuter dans un autre lieu

Les organisateurs d'un colloque sur la Palestine, déprogrammé par le Collège de France, se sont "félicités" que l’événement puisse finalement se tenir dans un autre lieu.

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Centre arabe, de recherches et d’études politiques

Malgré les pressions politiques et médiatiques, le colloque intitulé “ La Palestine et l’Europe : poids du passé et dynamiques contemporaines" a bien pu commencer ce jeudi, non pas au Collège de France, qui a censuré l'événement, mais dans les locaux du Carep (Centre arabe, de recherches et d’études politiques), co-organisateur du colloque.  

Initialement prévu au Collège de France, le colloque a été brutalement annulé dimanche dernier, sous prétexte de controverses disproportionnées et d’une campagne de dénigrement. 

Une décision que Denis Bauchard, président du conseil scientifique et administratif du Carep, a qualifié d’“injustifiée” lors de l’ouverture de l'événement : "Ce colloque, prévu de longue date, a été victime d’une orchestrée de critiques surprenantes et infondées, relayées avec violence sur les réseaux sociaux." 

Malgré la censure et la volonté apparente de museler le débat, le colloque a finalement pu se tenir au Carep. Bauchard a martelé lors de l’ouverture : "Malgré tout, nous sommes là, et nous pouvons nous en féliciter." 

L'événement réunit des universitaires et des personnalités telles que l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin et Francesca Albanese, rapporteure spéciale de l'ONU pour les Territoires palestiniens.

La nouvelle, tombée dimanche, est, selon des sources proches des organisateurs, "la conséquence directe d’un article du Point", annonçant "un colloque propalestinien à hauts risques", où accusations "d’entrisme" et liens avec le Qatar, fusent de toute part.

Après l'annulation, le ministre de l’Enseignement supérieur Philippe Baptiste a qualifié  cette décision de ’“responsable”, arguant que le colloque ne pourrait garantir un "débat libre, respectueux et pluriel". Il a déclaré que"la responsabilité d’organiser, d’annuler ou de maintenir un colloque est celle des dirigeants d’établissement. Mon rôle en tant que ministre est de relayer auprès d’eux les alertes que je peux recevoir et dont certaines émanaient ici de la communauté académique".

Une déclaration qui n’a fait qu’attiser la polémique, poussant plusieurs élus de gauche à dénoncer cette restriction de la liberté académique. 

La cheffe de groupe LFI, Mathilde Panot, s’est réjouie qu '”enfin, l’événement puisse avoir lieu. Quant à Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, il a jugé “inacceptable” l’annulation. 

“Maccarthysme”

“Nous sommes dans une ère de maccarthysme à la française", a déploré auprès de l'AFP Salam Kawakibi, chercheur en Sciences politiques et directeur du Carep, "scandalisé" par l'annulation d'une "conférence scientifique de haut niveau, avec des spécialistes des quatre coins du monde, dont des Israéliens". 

Pour lui, cette campagne a été orchestrée par une alliance entre l’extrême droite, certains médias, ainsi que des institutions comme la Licra ou le Crif — des acteurs qui, selon lui, cherchent à étouffer toute voix divergente. “Je n’aurais jamais cru voir une telle méchanceté et une telle ignorance en France”, regrette-t-il, évoquant avec amertume la propagation de fausses accusations, notamment le lien supposé du Carep avec les Frères musulmans. 

Plus de 2 200 chercheurs, enseignants et étudiants ont signé une pétition demandant la démission de Philippe Baptiste, estimant que la décision d'annuler le colloque "constituait une grave atteinte aux libertés académiques et scientifiques".

À l’heure où la liberté d’expression est mise à mal, la censure s’étend désormais au domaine académique et scientifique, dans une fuite en avant dangereuse pour la démocratie.