Gaza: Israël ferme la porte à des ONG internationales

Parmi les organisations refusées figurent Save the Children, présente de longue date dans l’enclave et apportant une aide à plus de 120 000 enfants, ainsi que l’American Friends Service Committee (AFSC), selon une première liste officielle.

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Israël ferme la porte à des ONG internationales / AP

Alors que la bande de Gaza traverse l’une des pires crises humanitaires de son histoire, Israël a refusé l’enregistrement de 14 organisations non gouvernementales internationales, les empêchant de poursuivre leurs activités sur le territoire palestinien. Une décision qui alimente les craintes d’un durcissement politique du contrôle de l’aide humanitaire.

Depuis la mise en place, en mars dernier, de nouvelles procédures d’enregistrement obligatoires, les ONG redoutaient un blocage de leurs opérations. Leurs inquiétudes se confirment à l’approche de la date butoir du 31 décembre, à laquelle toutes doivent être fixées sur leur sort. Sur près d’une centaine de demandes déposées, quatorze ont été rejetées à ce stade, selon le ministère israélien de la Diaspora et de la Lutte contre l’antisémitisme, en charge du dispositif.

Le ministère assure que les autres dossiers ont été validés ou sont toujours à l’étude, affirmant qu’Israël “encourage l’action humanitaire” tout en refusant que des organisations jugées “hostiles”, liées au “terrorisme”, à “l’antisémitisme” ou accusées de “délégitimer l’État d’Israël” puissent opérer sous couvert d’aide humanitaire.

Une aide déjà largement insuffisante

Cette décision intervient dans un contexte de pénurie aiguë. Malgré les engagements pris dans l’accord de cessez-le-feu du 10 octobre, qui prévoyait l’entrée de 600 camions d’aide par jour à Gaza, seuls 100 à 300 convois humanitaires franchissent quotidiennement les points de passage, selon les ONG et les Nations unies. Le reste concerne principalement des marchandises commerciales, hors de portée de la majorité de la population.

Le départ forcé de certaines ONG internationales aurait des conséquences lourdes sur le terrain. Médecins sans frontières, par exemple, assure aujourd’hui la gestion d’environ un tiers des 2 300 lits hospitaliers encore fonctionnels à Gaza.

Parmi les organisations refusées figurent Save the Children, présente de longue date dans l’enclave et apportant une aide à plus de 120 000 enfants, ainsi que l’American Friends Service Committee (AFSC), selon une première liste officielle.

Les ONG concernées disposent de 60 jours pour retirer leur personnel international de Gaza, de la Cisjordanie occupée et d’Israël. Elles ne pourront plus acheminer d’aide, ni accéder au système bancaire israélien indispensable au paiement des loyers et des salaires.

Israël invoque la notion de “délégitimation” de l’État, un critère que dénoncent de nombreux acteurs humanitaires. “On ne sait même pas ce que signifie ce terme”, explique à l’AFP l’avocat israélien Yotam Ben-Hillel, qui accompagne plusieurs ONG dans leurs recours devant la Haute Cour de justice. “Les autorités ne fournissent aucune preuve, ce qui rend toute défense extrêmement difficile”.

Save the Children affirme de son côté “explorer toutes les voies de recours possibles”, y compris judiciaires, et réaffirme son engagement à fournir une aide vitale aux enfants et aux familles des territoires palestiniens occupés.

Pour Jean-François Corty, président de Médecins du monde, la situation est préoccupante. “Si documenter les témoignages des populations ou décrire la réalité sur le terrain est considéré comme contraire aux intérêts d’Israël, et conduit à une interdiction d’exercer, c’est extrêmement grave”, dit-il.

Plusieurs ONG assurent s’être conformées à la majorité des exigences israéliennes, mais certaines ont refusé de transmettre des informations jugées sensibles concernant leur personnel palestinien, estimant franchir une « ligne rouge ».

Crainte d’un bouleversement humanitaire début 2026

À l’approche de 2026, les acteurs humanitaires redoutent un vide opérationnel. Certains s’inquiètent de voir sélectionnées des organisations peu expérimentées ou sans présence historique à Gaza, tandis que d’autres affirment n’avoir “jamais entendu parler” de certaines ONG récemment accréditées, pourtant intégrées, selon plusieurs sources, dans un plan soutenu par l’administration américaine de Donald Trump.

“Il y a un risque de conditionnalité de l’aide, de tri des bénéficiaires, voire d’une gestion exclusivement militaire”, alerte Jean-François Corty.

Une source diplomatique européenne résume la situation. “Les États-Unis semblent vouloir repartir d’une page blanche sur la coordination humanitaire. Avec cette nouvelle procédure, des ONG vont partir. Et le 1er janvier, il est possible que personne ne soit prêt pour les remplacer”.