La Suisse cherche à dissuader ses militants pro-Palestine
Depuis deux ans, les militants pro-Palestine multiplient manifestations et conférences pour mobiliser les Suisses, mais depuis plusieurs mois, les autorités helvétiques répriment violemment leurs actions.
Le dossier palestinien est revenu au devant de la scène cette semaine en Suisse avec l’affaire de lamanifestation à 80 000 francs suisses.
En Valais, la manifestation du 1er novembre à Sion, organisée pour dénoncer le génocide à Gaza, n’a pas été autorisée par deux fois. Elle a finalement eu lieu, mais la police a arrêté plusieurs personnes, sans que l’événement ne génère de violences.
Le choc est survenu plus tard lorsque Gaël Ribordy, membre du collectif Valais Palestine a reçu une facture de 80 000 francs suisses pour couvrir les coûts des services de police. La manifestation n’étant pas autorisée, la loi cantonale valaisanne permet dans ce cas de demander le remboursement des frais engagés par le canton.
Cette loi avait été votée à l’origine pour répondre aux violences des supporters du FC Sion, mais elle n’avait jamais été utilisée pour une manifestation politique non-violente.
Le collectif pro-palestinien Valais Palestine a fait opposition à cette amende. “C’est clairement pour nous dissuader d’organiser de nouvelles manifestations, des élus du Grand conseil valaisan [l’assemblée régionale] l’ont clairement dit lors des débats et en cela, cette amende est illégale car contraire à la constitution suisse”, explique Gaël Ribordy.
“Toute mesure qui veut être dissuasive et limiter la liberté d’expression est illégale.”
Le collectif a également déposé un recours devant le tribunal cantonal au sujet de la non-autorisation de la manifestation.
Une manifestation pro-Israël à Lausanne
Les autorités suisses ont également décidé de faire payer les participants à la Flottille pour Gaza qui se sont vus facturés plusieurs centaines de francs par le DFAE (Département fédéral des affaires étrangères) pour “son soutien consulaire”.
Samuel Crettenand, militant neuchâtelois, a reçu une facture de 750 francs pour son vol retour depuis Amman. Les Suisses qui sont rentrés depuis la Türkiye après leur arrestation par les autorités israéliennes n’ont, eux, rien payé, la république turque ayant tout pris en charge.
“Le mouvement palestinien descend dans la rue toutes les semaines depuis deux ans et le discours des lobbys juifs perd du terrain, c’est sans doute pour cela que la pression augmente sur nous,” croit deviner le militant neuchâtelois.
Selon le militant valaisan, le tournant a eu lieu avec la manifestation du 18 septembre à Lausanne, en réponse à une manifestation pro-Israël organisée le même jour. Si la marche en soutien à Israël avait été autorisée, la contre-manifestation organisée par des militants pro palestiniens, elle, ne l'était pas et la police est intervenue pour la disperser.
Le Parti radical suisse et l’ UDC (Union démocratique du centre) — qui est nullement centriste, mais de l’extrême droite — font pression depuis deux années pour faire interdire les manifestations pro-palestiniennes et il semble que leur discours porte dorénavant auprès des cantons.
Des pressions politiques de la droite
Les militants pro-Palestine dénoncent eux des règles d’engagement de la police de plus en plus violentes. Le mouvement Solidarités dit constater une montée de la répression lors des dernières manifestations pro-Palestine qui ont eu lieu en Suisse romande.
Dans le dernier numéro de sa revue Solidarités, le mouvement décrit un changement clair dans les méthodes policières : “La réponse policière à la manifestation pro-palestinienne genevoise du 2 octobre illustre parfaitement le tournant répressif à l’œuvre et les nouveaux outils sur lesquels il repose. L’utilisation de gaz lacrymogène sur le pont du Mont-Blanc et l’impossibilité, pour la foule, de se disperser a entraîné le gazage d’une immense partie du cortège, même très éloignée de la tête de ce dernier.”
Puis il y a eu la répression de la manifestation à Berne le 12 octobre, avec séparation forcée en plusieurs groupes de la manifestation, présence policière impressionnante, camions à eau, et nasses policières pour isoler les manifestants. Des dizaines de personnes ont été blessées.
La Suisse traditionnellement sioniste
L’Etat suisse est resté pendant ces deux dernières années un ardent défenseur de la politique israélienne. Son ancienne cheffe de la police fédérale (Fedpol), Nicoletta della Vall, a récemment rejoint un fonds d’investissement israélien.
Le conseiller fédéral aux Affaires étrangères, Ignazio Cassis, est un ancien membre du groupe parlementaire Israël Suisse.
Le microcosme politique helvétique semble si acquis à la cause que l’association Suisse-Israël (l’ASI) n’a pas hésité à publier sur Instagram : “Puisse la palestinité bientôt appartenir au passé !”, avant de supprimer le message.
Berne ne s’est pas engagée à reconnaître un État palestinien, et n’a pas non plus appliqué de sanctions envers l'État hébreu. Il faut souligner que la république helvétique achète du matériel militaire israélien pour équiper son armée à tel point qu’Elbit Systems a installé une usine dans le Jura. Elle vend aussi à Tel-Aviv des centaines de millions de composants à double usage. Elle a développé de nombreux partenariats civils, notamment sur des drones de surveillance.
Selon un sondage de novembre de l’Institut Somoto, plus de la moitié de la population suisse se dit favorable à la reconnaissance d'un État palestinien. Près de 57 % des personnes interrogées ont répondu "oui" ou "plutôt oui" à la question.