Conflit Azerbaïdjan-Arménie : “La médiation du groupe de Minsk a un peu failli”
Dans une interview accordée à TRT Français, le politologue Emmanuel Dupuy a pointé du doigt la responsabilité du Groupe de Minsk dont la médiation "a un peu failli" parce qu'elle n'a pu empêcher le conflit ni en 2020 ni en 2022.
Conflit Azerbaïdjan-Arménie : “La médiation du groupe de Minsk a un peu failli” (Others)

Reprise des hostilités ces derniers jours entre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie malgré la signature d’un cessez-le-feu en 2020, chaque partie accusant l’autre d’avoir tiré la première alors que le consensus ne règne pas dans la communauté internationale quant aux responsabilités effectives des deux belligérants. Le conflit a repris il y a quelques jours. Quelles sont les causes qui ont provoqué cette escalade de violence ?

Alors déjà, la première chose qu'il faut avoir à l'esprit, c'est que c'est une résurgence de violence, mais beaucoup moins violente que la précédente. On évoque, et c'est triste et hélas pénible, 50 soldats azerbaïdjanais morts et 130 morts côté arménien. À la différence des précédents conflits, là, il s'agit de victimes exclusivement militaires, car c'était sur le long d'une ligne de front. La Russie a demandé des explications à Bakou et Erevan pour savoir qui a commencé. Parce que la vraie question est celle-ci : qui a commencé les hostilités provoquant la bascule ou la remise en cause du fragile cessez-le-feu ? La communauté internationale mène son enquête, l'ONU a été saisie par la France et la Russie est en train de vérifier qui est responsable.

Quelle est la position de la France dans ce conflit ?

Théoriquement, la France est de facto un médiateur du conflit depuis 1992, année où a été institué le groupe de Minsk. La France est de facto la puissance qui représente aussi l'Union Européenne. Malheureusement, la médiation du groupe de Minsk a un peu failli parce qu'elle n'a pas empêché le conflit ni en 2020 ni en 2022. Les quatres résolutions de l'ONU (votées en 1993 et 1994) ne suffisent, hélas, plus à garantir la stabilité entre les deux pays. Il conviendrait donc de faire voter une nouvelle résolution afin de clairement décréter à qui appartient le territoire disputé depuis trente ans, au prix de trop vies. La position de la France, qui préside actuellement le conseil de sécurité de l’ONU, ne peut être que celle d'une modération ou d'un rapport d'équilibre pour terminer très rapidement le conflit. Comme le groupe de Minsk n'existe plus, on se tourne vers quelque chose de nouveau et qui s'appelle l'Union européenne. Ainsi, depuis plusieurs semaines, des tentatives de médiation s’organisent sous l'égide du président du Conseil européen, Charles Michel. Est-ce que la résurgence de ce conflit a un lien avec le conflit en Ukraine ?

Oui évidemment. Le président Poutine, tout en menant une guerre en Ukraine, cherche à fédérer son “étranger proche”, c’est-à-dire la Biélorussie, le Kazakhstan, l'Ukraine, les Etats baltes. La Russie veut tenir son rang dans la résurgence du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. C'est en effet une situation très compliquée, très paradoxale, un peu schizophrène, dans laquelle on appelle la Russie à la rescousse et en même temps les pays faisant partie de son “étranger proche” ne la soutiennent pas dans sa guerre contre l’Ukraine depuis le 24 février. En 2020, lors de la deuxième guerre du Haut-Karabagh, il y a eu aussi un cessez-le-feu sous l'égide de la Russie. Que disait-il ?

Ce cessez-le-feu n'est pas un accord de paix. Il faut quand même rappeler qu'il y a eu 6500 morts durant ce conflit. Ce dernier a duré 44 jours mais il a endeuillé les familles des deux côtés. Les deux forces armées, azerbaïdjanaise et arménienne, ont eu à pâtir et à souffrir de ce conflit. Ainsi, le 10 novembre, à Moscou, sous l'égide de Vladimir Poutine, le Premier ministre arménien Nikola Pashinyan et le président d'Azerbaïdjan Ilham Aliev ont accepté neuf points avec la présence d’environ 2000 soldats russes pour les faire respecter. Or, force est de constater que cet accord a été piétiné d’une certaine façon avec, il y a quelques jours, la reprise des hostilités. La Turquie est un soutien, de longue date, de l'Azerbaïdjan et en même temps, depuis deux ans, on observe un réchauffement des relations turco-arméniennes. Quelle est la position actuelle de la Turquie ? C'est une position très diplomatique. La Turquie a armé l'Azerbaïdjan et continue de le faire par le biais notamment de ses drones Bayraktar. Ces derniers ont eu un effet militaire majeur, ils ont fait gagner l’Azerbaïdjan. L'Arménie ne disposait pas de ces drones et donc il y a eu une débandade de l'armée arménienne, un peu comme ce qui est en train de se passer en Ukraine. La Turquie qui, comme vous l'avez très justement fait remarquer, veut avoir les meilleures relations du monde avec ses voisins. Aussi, la normalisation des relations avec l'Arménie fait partie de sa politique.


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