Visite de Marine Le Pen au Sénégal: "une honte" selon l’ancienne ministre sénégalaise Aminata Touré
Aminata Touré, ancienne Première ministre du Sénégal et militante des droits humains répond à TRT Français au sujet de la visite de Marine Le Pen au Sénégal.
Aminata Touré, ancienne Première ministre du Sénégal et militante des droits humains répond à TRT Français au sujet de la visite de Marine Le Pen au Sénégal. (Others)

Marine Le Pen s’est rendue au Sénégal pour 3 jours, en tant que parlementaire française, mais pas que puisqu’elle est candidate Rassemblement National. Comment analysez-vous cette visite, à quoi sert-elle ?

J’imagine qu’elle veut se rendre fréquentable auprès de pays dont elle a insulté les ressortissants en France pendant des décennies, et avant elle son père l’a fait. J’ai moi-même été étudiante en France, je ne comprends absolument pas qu’elle ait pu venir ici, c’est même inacceptable. Qu’une politicienne qui a bâti sa carrière sur le racisme, la xénophobie et la haine de l’autre, soit accueillie et autorisée à venir en Afrique, je trouve ça scandaleux.

Vous pensez que c’est une faute de l’avoir accueillie ?

Elle aurait dû être déclarée persona non grata. C’est ma position je suis une militante contre le racisme depuis très longtemps. C’est une erreur de l’avoir acceptée au Sénégal. Les autorités sénégalaises ont manqué l’occasion symbolique de lui dire comment nous avions été dégoutés par ses positions racistes et xénophobes. Et voilà ce qui banalise le racisme dont souffrent depuis des décennies, pour ne pas dire des siècles, les populations d’origines africaines dans plusieurs pays du monde. Et c’est ça qui me choque et que je trouve scandaleux. Le racisme ne peut pas être acceptable sous aucune de ses formes. Marine le Pen est l’incarnation de la politicienne raciste sur la scène politique française. Et c’est ça, son fond de commerce, c’est très connu. , Son parti a été traduit en justice sur des faits de violence verbale et physique à l’encontre de populations africaines et maghrébines.

Le fait de l’accepter sur le sol sénégalais ça normalise sa présence politique, ça la rend présidentiable ?

Qu’elle soit présidentiable ou pas c’est l’affaire des Français, ça ne me regarde pas. En ce qui me concerne comme militante qui lutte depuis des décennies contre le racisme, la xénophobie et la haine, je considère que Marine le Pen en est l’incarnation, et qu’on aurait dû lui dire son fait en lui refusant l’entrée sur le territoire sénégalais. Ce qu’en pensent les Français ou autres c’est l’affaire des Français, ce n’est pas mon affaire.

Les discours qu’elle a eu l’occasion de tenir durant sa visite, les idées qu’elle a pu développer notamment en ce qui concerne l’agriculture locale, les partenariats pour plus d’indépendance africaine, ses positions qu’elle avait développées en 2017 contre "la Françafrique" et notamment contre le Franc CFA, qu’en pensez-vous ?

C’est de la fumisterie, c’est du double langage, c’est une opération de séduction envers des populations qu’elle a toujours méprisées, haïes etc. D’ailleurs l’un de ses députés à l’assemblée nationale a réaffirmé ce qui a depuis toujours été l’ADN du front national : le racisme. En traitant son collègue et en l’invectivant de rentrer chez lui en Afrique, son propre collègue français comme lui, il a réaffirmé avec force ce qui était le fond de commerce du Front national.

En ce qui concerne Marine le Pen, elle est très mal placée pour s’occuper de ce que l’Afrique devrait faire ou ne pas faire. C’est un double langage qui entre dans l’opération de charme à laquelle personne ne croit.

Moi j’ai été étudiante en France, dans les années où le groupe violent GUD était très connu et dangereux. Ses liens avec le front national étaient directs, ils terrorisaient les étudiants pendant des années sur les campus, les étudiants d’ailleurs d’origine immigrée. Ces responsables sont encore proches du FN, deux d’entre eux étaient dans les campagnes présidentielles de Marine le Pen. Donc, rien n’a changé sous le soleil. Je considère qu’elle pense qu’elle peut venir tromper son monde. Nous la connaissons bien Marine le Pen, nous qui avons suivi la politique française. Elle veut être en tenue de camouflage, pour se rendre acceptable. Elle ne l’est pas. Elle ne l’est absolument pas, et c’est une honte qu’elle ait été acceptée et qu’elle ait pu fouler le sol du Sénégal.

Comment a réagi la population locale, est-ce que vous avez eu des remontées des réactions de citoyens Sénégalais?

Elle n’est même pas connue ici, elle n’est absolument pas connue. Elle est connue de ceux qui ont vécu en France, de ceux qui suivent l’actualité française, mais c’est pas la tasse de thé du Sénégalais moyen. Si vous demandez qui est Marine le Pen, les gens vont vous répondre ‘on sait pas’. C’est pas une question centrale pour le sénégalais lambda. Mais pour nous qui la connaissons, nous qui avons vécu en France, nous qui suivons l’actualité internationale et française, nous la connaissons très bien, nous l’avons entendue exprimer ses propos racistes et xénophobes comme son parti pendant des décennies. Donc, elle n’aurait jamais dû être acceptée ici au Sénégal.

Selon le journal le Point elle aurait rencontré le président Macky Sall, vous avez des informations à ce sujet ?

Je n’ai pas d’information, je ne peux pas vous confirmer cela mais si elle a rencontré le président, je le dénonce vigoureusement et toute la population immigrée sénégalaise devrait en être scandalisée. Mais je ne peux pas vous confirmer ni vous infirmer cette information.

Ça aurait été fort symboliquement de lui refuser l’accès au territoire ?

Elle s’exprime sur la liberté de circuler, d’aller et de venir, qu’elle veut restreindre. Que ce soit le Sénégal ou la France, ces pays interdisent leur territoire à des personnes qu’ils considèrent comme non fréquentables et c’était le cas de Marine le Pen. Elle est non fréquentable, elle a violé pendant toute sa carrière les dispositions de la convention contre le racisme. Elle aurait même dû être mise dans le prochain avion avec la destination qu’elle se serait choisie.

TRT Francais