Sud français : champ de bataille d'extrême droite aux législatives
Saint-Tropez, petit port select de la Côte d'Azur française, toujours noir de monde l'été, quand les yachts les plus extravagants y sont appontés. Ce printemps, un affrontement inédit s'y prépare à l'extrême droite pour les législatives de juin.
Sud français : champ de bataille d'extrême droite aux législatives (AFP)

Mais il n'aura pas tâche aisée. Car dans le département du Var, dont Saint-Tropez fait partie, Marine Le Pen est arrivée en tête au 2e tour de la présidentielle (55,1/44,9% face au président sortant). Et son parti, le Rassemblement national (RN), présente son propre candidat, Philippe Lottiaux, face à Eric Zemmour.

Les deux rivaux d'extrême droite devront en outre ferrailler face à la députée de la majorité Sereine Mauborgne, qui, portée par la réélection d'Emmanuel Macron, brigue un second mandat. A gauche, Sabine Cristofani-Viglione vise également le second tour.

Dans la station balnéaire du Lavandou, à une quarantaine de kilomètres de Saint-Tropez, quelque 150 personnes applaudissent vendredi l'analyse zémourienne des débordements survenus lors de la finale de la Ligue des champions le 28 mai au Stade de France.

“Grand remplacement” Ce qui s’est passé au Stade de France est évidemment la conséquence du grand remplacement", affirme le polémiste, reprenant cette théorie conspirationniste selon laquelle les Européens blancs sont remplacés par des immigrants d'Afrique et du Moyen-Orient.

Les autorités françaises et l'UEFA, la fédération européenne de football, invoquent, elles, un très grand nombre de faux billets ayant provoqué un agglutinement aux portes du stade et l'intervention de la police. Quelque 48 personnes avaient été placées en garde à vue, la plupart pour vol.

"On a été ridiculisé dans le monde entier. Il faut du changement", opine Jacques, 84 ans, présent au meeting du candidat Zemmour. "Dans l’équipe de France, il n’y a pas de blancs. Pourquoi dire que c’est la France ?", poursuit ce retraité, provocateur.

Un argumentaire factuellement faux mais particulièrement audible dans le sud de la France, où "la désindustrialisation, la précarisation, le chômage", couplés à une forte immigration, provoquent de longue date un vote élevé d'extrême droite, explique la politologue Virginie Martin, qui enseigne à l'école de commerce Kedge.

Le Front national, ancêtre du RN, y a ainsi conquis ses trois premières grandes villes en 1995, dont Toulon, le chef-lieu du Var. Les "pieds noirs", ces Français ayant fui l'Algérie après l'indépendance de cette ex-colonie en 1962, très présents dans le Sud, seraient particulièrement sensibles à ses sirènes.

"Beaucoup de pieds noirs ici savent ce qui s'est passé en Algérie. Un électeur m'a dit : +J'ai déjà perdu un pays, je ne veux pas en perdre un autre+", affirme à l'AFP M. Zemmour, dont les parents sont également nés en Algérie, vendredi à Sainte-Maxime, à quelques kilomètres de Saint-Tropez.

Concurrent direct L'ancien éditorialiste a fait de la lutte contre l'immigration son principal cheval de bataille. Sans réussir à prendre trop d'électeurs au Rassemblement national, qui, lui, joue désormais la carte de la dédiabolisation et de la lutte pour le pouvoir d'achat des Français.

Si l'électorat d’Eric Zemmour est selon Virginie Martin "plus bourgeois" et celui de Marine Le Pen "plus populaire", la stratégie du Rassemblement national est toutefois de "tuer dans l'œuf" les ambitions du polémiste, car "c'est un concurrent direct", observe de son côté Félicien Faury, docteur en science politique de l'Université Paris Dauphine.

Samedi, le président par intérim du RN Jordan Bardella tenait ainsi un meeting à Cavaillon, dans le Vaucluse, département voisin du Var, où Stanislas Rigault, le protégé de Zemmour, est candidat, avec comme suppléante Marion Maréchal, la nièce de Marine Le Pen, dont elle a fait sécession.

Son propos a séduit Gérard Marcaggi, 71 ans, électeur de longue date d'extrême droite. "C'est primordial le pouvoir d'achat. Je suis retraité ouvrier, mes revenus baissent régulièrement. Mes enfants et petits enfants ont du mal à joindre les deux bouts", raconte-t-il à l'AFP.

Quant à la stratégie de la dirigeante du RN, Marine Le Pen: "J'aurais aimé qu'elle insiste un peu plus sur la question de l'immigration, poursuit-il. Mais nous savons qu'elle l'a dans sa manche et qu'elle ne l'a pas oubliée".

AFP