L'Espagne se rend aux urnes pour décider de son avenir politique
L'Espagne se rend aux urnes ce dimanche afin de décider si elle renouvelle le mandat du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez ou si, comme tous les sondages le prédisent, elle ramène au pouvoir la droite, et sans doute avec elle l'extrême-droite.
L'Espagne se rend aux urnes pour décider de son avenir politique / Photo: Reuters (Reuters)

A l'approche des élections européennes de 2024, le basculement à droite de la quatrième économie de la zone euro, après celui de l'Italie l'an dernier, constituerait un coup de tonnerre pour les gauches européennes.

Cela serait d'autant plus symbolique que l'Espagne exerce actuellement la présidence tournante de l'UE.

Toutes les enquêtes d'opinion publiées jusqu'à lundi estimaient quasi-certaine une victoire du Parti populaire (PP, droite) d'Alberto Núñez Feijóo, 61 ans, mais le fait que leur publication soit interdite pendant les cinq jours précédant le scrutin incite à la prudence.

D'autant qu'il restait de nombreux indécis en début de semaine (environ un électeur sur cinq) et qu'on ignore l'effet que la date de cette élection - en plein été, avec des températures très élevées - pourrait avoir sur la participation.

En raison des vacances, près de deux millions et demi d'électeurs, sur un total de quelque 37,5 millions d'inscrits, ont voté par correspondance, soit un nombre record, a annoncé samedi la Poste espagnole.

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Malgré tout, "ce serait une énorme surprise que le PP ne soit pas le vainqueur, mais quant à savoir s'il pourra former un gouvernement, c'est autre chose", déclare à l'AFP le politologue Pedro Riera Sagrera, professeur à l'université Carlos III de Madrid.

M. Feijóo a pour objectif d'atteindre le chiffre magique de 176 députés, qui lui donnerait la majorité absolue des 350 sièges du Congrès des députés. Mais pas un seul sondage n'a conclu à un tel score pour le PP.

Il devrait donc avoir recours à une alliance. Or, son seul partenaire potentiel est Vox, un parti d'extrême-droite, ultranationaliste et ultraconservateur, né en 2013 d'une scission du PP.

Et c'est là où le bât blesse pour M. Feijóo, dont la campagne a été perturbée par les tractations du PP avec Vox pour établir des pactes dans plusieurs régions prises à la gauche lors des élections locales du 28 mai. Car le parti d'extrême-droite n'a fait aucun compromis sur ses priorités, notamment le refus du concept de violence de genre, le rejet des transgenres et la négation du changement climatique.

Le leader de Vox, Santiago Abascal, a averti le PP que le prix de son soutien serait une participation à un gouvernement Feijóo, ce qui marquerait le retour de l'extrême-droite au pouvoir, près d'un demi-siècle après la fin de la dictature franquiste.

"Pas l'idéal"

Jusqu'au bout, M. Feijóo a maintenu le flou sur ses intentions concernant Vox. "A deux jours du scrutin, un candidat ne doit pas dire avec qui il va s'allier", affirmait-il vendredi dans une interview au quotidien El Mundo, ajoutant qu'un gouvernement de coalition avec Vox "n'est pas l'idéal".

Donné battu après la déroute de la gauche lors des élections locales, qui l'avait convaincu de convoquer ce scrutin anticipé, M. Sánchez, 51 ans, a fait de la peur d'une arrivée au pouvoir de Vox son principal argument électoral.

Dénonçant "le tandem formé par l'extrême-droite et la droite extrême", qu'il considère comme bonnet blanc et blanc bonnet, le Premier ministre sortant, qui a beaucoup mis en avant la carte européenne, a affirmé lors du débat télévisé de mercredi qu'un gouvernement de coalition PP/Vox "serait non seulement un recul pour l'Espagne" sur le plan des droits, "mais aussi un sérieux revers pour le projet européen".

Pour lui, la seule alternative à un gouvernement PP/Vox est le maintien au pouvoir de la coalition de gauche actuelle, mise sur pied en 2020, entre son parti socialiste et la gauche radicale, qui n'est plus représentée par Podemos.

Partenaire incommode de M. Sánchez depuis trois ans, Podemos a été absorbé et remplacé cette année par Sumar, formation dirigée par la ministre sortante du Travail, la communiste et très pragmatique Yolanda Díaz.

M. Riera Sagrera estime toutefois que les chances pour la coalition de gauche de se maintenir au pouvoir sont très faibles.

En revanche, l'éventualité d'une assemblée sans majorité, qui rendrait nécessaire un nouveau scrutin dans quelques mois, constitue, dit-il, "un risque important".

Les bureaux de vote ouvrent à 09H00 locales (07H00 GMT) et fermeront à 20H00 (18H00 GMT). En l'absence de sondages de sortie des urnes, il faudra attendre les premiers résultats pour avoir une tendance.

AFP