La CEDEAO face à l’épreuve nigérienne: l’option militaire est-elle réaliste?
La CEDEAO privilégie la diplomatie pour le retour à l’ordre constitutionnel au Niger mais n’écarte pas pour autant l’option militaire. Une intervention militaire contre les putschistes nigériens ne serait pourtant pas un précédent.
Niger / Photo: Reuters (Reuters)

Les pays membres de la CEDEAO se réunissent jeudi à Abuja pour essayer de trouver une issue à la crise politique au Niger, suite au coup d'État du 26 juillet qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum.

Créée en 1975, la CEDEAO a "pour mission déclarée de promouvoir l’intégration économique dans la région", lit-on sur son site. La libéralisation des échanges, la libre circulation des personnes ou encore l’harmonisation des réglementations figurent donc parmi les objectifs de la communauté.

Mais l’organisation régionale a également inscrit dans ses principes fondamentaux la "promotion et la consolidation d'un système démocratique de gouvernement dans chaque État membre". C'est au nom d'une "tolérance zéro pour les changements anticonstitutionnels de gouvernement" que les pays membres de la CEDEAO envisagent l’option militaire comme dernier recours si les putschistes au Niger refusent de restituer le pouvoir aux civils, ont-ils fait savoir dans leur communiqué du 30 juillet.

En cas d’intervention militaire au Niger, la CEDEAO devra donc mettre sur pied une force ad hoc.

L’ossature des troupes qui seront engagées sur le terrain proviendra sans doute du Nigeria qui est, selon la Banque d’investissement et de développement et de la CEDEAO, la plus grande économie de la région avec près des deux tiers du PIB régional. Selon le Global Fire Power, un site américain spécialisé dans les questions de défense, l'armée nigériane compte 135 000 militaires actifs en 2023.

Les autres pays vont apporter chacun leurs contributions en matière logistique, d’équipement.

Une intervention militaire de l’organisation au Niger ne sera nullement un précédent. L’organisation sous régionale est intervenue dans le passé dans certains pays du continent en vue de rétablir l’ordre. Ci-après les principales opérations militaires menées par la CEDEAO.

LIBÉRIA

En 1990, les dirigeants ouest-africains ont envoyé une force militaire neutre au Libéria pour intervenir dans la guerre civile entre les forces du président Samuel Doe et deux factions rebelles.

Le déploiement sans précédent d'une force régionale, le Groupe de surveillance de la CEDEAO (ECOMOG), a contribué à rétablir une certaine sécurité, mais les troupes ont été complices d'une série d'atteintes aux droits humains signalées par Human Rights Watch.

Le nombre de soldats était d’environ 12 000 et les derniers ont quitté le Libéria en 1999, deux ans après l'élection de l'ancien chef rebelle Charles Taylor à la présidence.

Les forces ouest-africaines ont été à nouveau déployées à la fin du violent conflit de 14 ans, qui s'est terminé en 2003. Quelque 3 600 de ces soldats ont ensuite été réaffectés à une opération de maintien de la paix de l'ONU qui s'est déroulée jusqu'en 2018.

SIERRA LEONE

En 1998, une force de l'ECOMOG (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) dirigée par le Nigéria est intervenue dans la guerre civile en Sierra Leone pour chasser une junte et des alliés rebelles de la capitale Freetown et réintégrer le président Ahmad Tejan Kabbah, qui avait été renversé par un coup d'État un an plus tôt.

En 2000, la force s'est retirée, confiant les opérations de maintien de la paix à une mission de l'ONU. La guerre qui a duré une décennie a pris fin en 2002.

GUINÉE-BISSAU

En 1999, la CEDEAO a envoyé environ 600 soldats de l'ECOMOG pour préserver un accord de paix en Guinée-Bissau sujette aux coups d'État. Les rebelles ont pris le pouvoir à peine trois mois plus tard et la force a été retirée.

La CEDEAO a déployé une autre mission de 2012 à 2020, après un autre coup d'État, pour aider à dissuader les militaires d'intervenir dans la politique et pour protéger les dirigeants politiques.

En 2022, un autre contingent de 631 personnes en 2022 a été envoyé pour aider à stabiliser le pays après un coup d'État manqué cette année-là.

CÔTE D'IVOIRE

Une force ouest-africaine a été déployée en Côte d'Ivoire en 2003 pour aider les troupes françaises à faire respecter un accord de paix précaire entre rebelles et loyalistes qui a en fait divisé le pays en deux pour les huit prochaines années. En 2004, cette force a intégré” à une force de maintien de la paix de l'ONU.

MALI

Le bloc a envoyé des soldats au Mali en 2013 dans le cadre d'une mission visant à chasser les combattants liés à Al-Qaïda. Comme cela s'était produit ailleurs, la force a été transférée plus tard cette année-là à une mission de maintien de la paix de l'ONU.

Le centre et le nord du Mali sont désormais envahis par des militants liés à Al-Qaïda et à Daesh, dont l'insurrection vieille de dix ans s'est étendue au Burkina Faso et au Niger voisins.

GAMBIE

En 2017, la CEDEAO a dépêché 7 000 soldats en Gambie depuis le Sénégal voisin pour contraindre le président Yahya Jammeh à s'exiler et céder la présidence à Adama Barrow, qui l'avait battu lors d'une élection.

Les forces de sécurité de Jammeh n'ont opposé aucune résistance à la mission, baptisée Operation Restore Democracy

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