En Grèce, le débat sur l'impunité policière est relancé
L'arrestation musclée par la police d'un photographe de presse Nikos Pilos lors d'une opération dans un squat à Athènes la semaine dernière, a relancé le débat sur l'impunité policière en Grèce.
En Grèce, le débat sur l'impunité policière est relancé (Others)

Lorsque ce photographe indépendant a brandi sa carte de presse, la police anti-émeute l'a embarqué au poste, l'accusant de coups et blessures, et de possession illégale d'armes.

"C'est la première fois que je montre ma carte et que des poursuites sont engagées contre moi", confie à l'AFP Nikos Pilos, 55 ans, qui se trouvait lors de son arrestation dans un des bâtiments squattés où la police avait été attaquée par des jeunes en tentant d'interpeller une personne soupçonnée d'incendie criminel.

En 35 ans de carrière dans des zones de guerre, il n'a jamais été blessé, mais en Grèce, il assure l'avoir été deux fois par la police.

Cette affaire est la dernière d'une longue série d'opérations policières brutales.

"La police grecque... est régie par l'éthique démocratique, le respect des droits humains et se tient proche des citoyens", s'est défendu sur la radio municipale d'Athènes le ministre adjoint à la Protection civile, Lefteris Oikonomou, le 25 novembre.

Aucun responsable de la police, sollicité par l'AFP, n'a souhaité s'exprimer.

Les associations du barreau grec constatent une "augmentation constante des cas de violence policière" même contre des avocats.

Dans son rapport de 2021, le médiateur grec du citoyen a noté avoir reçu plus de 300 plaintes pour violences policières, une hausse de 17% par rapport à 2020.

Dans de nombreux cas, l'organisme indépendant a constaté que les policiers chargés d'enquêter en interne sur ces plaintes "n'ont pas recherché les témoins clés, y compris les médecins légistes, et n'ont pas évalué de manière adéquate les résultats médicaux" ou d'autres preuves d'abus présumés.

En octobre, une affaire retentissante a secoué les forces de l'ordre quand une jeune femme de 19 ans a accusé deux policiers de l'avoir violée dans un poste de police d'Athènes.

L'avocat représentant l'un des agents, libres dans l'attente du procès, a estimé que la victime présumée avait "flirté" avec les suspects.

Le 5 novembre, des images filmées depuis un balcon d'Athènes montraient la police anti-émeute en train de frapper un groupe de supporters de football, apparemment sans provocation.

Des enquêtes de police ont été ouvertes. Jusqu'à présent, la plupart d'entre elles aboutissent rarement.

Interrogé après qu'un Rom a été tué par balle par des policiers en 2021, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis avait affirmé que "la police fait simplement son travail".

"Bien-sûr, il existe une marge de progression très importante possible... avec plus de formation, de transparence et de moyens", avait-il ajouté.

Le rapport du médiateur du citoyen révèle également que les migrants sont "systématiquement" pris pour cible par la police, et que les passages à tabac sont souvent "étouffés".

Sur près de 140 affaires ayant fait l'objet d'une enquête l'année dernière, seules 22 ont abouti à des sanctions, selon ce rapport.

"Robocops cagoulés"

En 2019, la police a pris d'assaut la maison du réalisateur grec Dimitris Indares lors d'un raid effectué pour évacuer un squat illégal situé à côté. Dimitris Indares avait alors assuré que des "Robocops cagoulés" l'avaient frappé lui et ses deux fils.

L'indignation suscitée par l'incident, filmé, avait entraîné la mise en place d'une commission d'enquête spéciale.

Un an plus tard, elle a fait état d'un niveau alarmant d'"impunité" policière en Grèce.

La formation de la police est "très légère" souligne Nikos Alivizatos, l'un des plus grands juristes du pays, qui dirigeait cette commission.

"Les formateurs de la police eux-mêmes auraient besoin de se reformer", poursuit-il.

Lors du procès en novembre du réalisateur et ses fils, acquittés après avoir été accusés de s'être opposés à leur arrestation, le procureur de la République a reconnu que la famille avait été soumise à une "violence policière aveugle, brute et arbitraire".

En Grèce, la police reste associée aux souvenirs de la répression de 1973 contre les étudiants.

AFP