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C’est bien entendu l’hostilité à l’Islam des concurrents de Macron les plus à droite qui a été stigmatisée par le dirigeant turc. Erdogan a ajouté : « Maintenant, nous connaissons bien Macron. Nos relations sont arrivées à un certain point. Par conséquent, la victoire électorale de Macron sera beaucoup plus bénéfique pour les relations Turquie-France ».

Il a révélé que « Juste avant l’élection présidentielle, nous avons eu une
entrevue privée avec [Emmanuel Macron], qui a duré environ une heure, lors de
la réunion de l’OTAN ». Les deux présidents avaient décidé d'agir ensemble
pour secourir les civils bloqués dans la ville de Marioupol. Ils avaient également
annoncé un nouveau départ dans les relations stratégiques entre Paris et Ankara.
Et le chef de l’Etat turc a conclu qu’il espère « que les résultats de cette élection,
se traduiront par une bien meilleure perspective pour les relations entre nos deux
pays ».

C’est ce qui s’appelle la politique de la main tendue alors que Macron a
pris des positions antiturques sur plusieurs dossiers comme la Libye, la Syrie, la
Méditerranée orientale en soutenant la Grèce, oubliant que la Turquie est, avec
Paris, la principale puissance de notre Mer commune. Depuis l’élection de
Biden aux Etats-Unis, M. Erdogan veut recentrer les relations diplomatiques de
son pays vers les Etats européens, d’où son appel à Macron qui avait, contre
toute raison, mis en garde sur la chaine de télévision France 5, en mars 2021,
contre « les tentatives d’ingérence » de la Turquie dans la prochaine élection
présidentielle française de 2022, sans pour autant fermer la porte à une
amélioration des relations avec Ankara En effet, Macron avait ajouté, se
défendant de toute « animosité à l’égard de la Turquie : « J’ai noté depuis le
début de l’année une volonté d’Erdogan de se réengager dans la relation. Je veux
croire que c’est possible ». Les thuriféraires d’Emmanuel Macron verront dans
ces déclarations un signe de l’habituel double jeu du président.

En tout cas deux facteurs sont indispensables en politique étrangère. Le
premier consiste à connaitre l’Histoire. Le second à aimer la France.

Une politique d’amitié multiséculaire

En premier lieu, l’Histoire. Pour ce qui concerne la Turquie, il convient de
souligner que la Turquie est l’une des rares nations, avec le Maroc et la Grande-
Bretagne, avec qui la France entretient des relations diplomatiques
multiséculaires. On sait qu’après la bataille de Pavie, le Roi François 1er sollicitale soutien du Sultan Soliman le Magnifique. En 1536, un Traité d’Alliance fut
conclu entre François Ier et Soliman. De 1673-1715, l’alliance franco-ottomane
conclue sous le règne de Louis XIV se concrétisa par de multiples avancées.
Après les désordres de la période révolutionnaires ( 1792 et années suivantes)
l’alliance franco-ottomane fut réactivée par Bonaparte et, de 1852 à1870,
Napoléon III relança la politique avec l’Empire ottoman d’Abdülmecid Ier puis
d’Abdülaziz. En 1867, le Sultan Abdülaziz effectua ure visite en France à
l’occasion de l’Exposition universelle. L’année suivante, l’école impériale de
Galatasaray était transformée en Lycée impérial où l’enseignement se fit en
français. En 1869, l’Impératrice Eugénie fit une visite de retour au Sultan
Abdülaziz à Istanbul.

Le 20 octobre 1921fut signé l’accord d’Ankara au terme duquel la
France était la première puissance de l’Entente à reconnaître le gouvernement de
la Grande Assemblée Nationale de Turquie, dirigé par son président Mustafa
Kemal. La France ouvrait ainsi la voie à la reconnaissance internationale de la
Turquie nouvelle. Par le Traité de Lausanne (24 juillet 1923), les Puissances
alliées reconnurent la légitimité du gouvernement de Mustafa Kemal.

La visite du Général de Gaulle en Turquie en Octobre 1968 fut un des
temps forts de la relation franco-turque. Le Général établit un parallèle entre la
situation géographique de la Turquie et celle de la France, deux pays situés sur
des zones de contact et d'échanges. Il souligna l'importance stratégique des deux
nations, et la responsabilité qui en découle, quant au maintien de leur intégrité et
de leur indépendance. Au passage, il condamna le système des blocs divisant
l’Europe et le Général répéta son message : à l'intérieur des alliances imposées
par les circonstances, l'indépendance de chacun doit être maintenue et affirmée.

Cette visite sera suivie de la visite de François Mitterrand en 1992, de
celle de Nicolas Sarkozy en 2011 et de François Hollande en 2014. Si M
Erdogan est venu de nombreuses fois en France durant les dernières années
(2018, 2015, 2014...), on ne peut que déplorer l’absence du président Macron
sur les rives de la rivière Ankara Çay.

Le second point qui doit être souligné, est qu’une diplomatie éclairée
repose sur l’amour de la France et non des États-Unis, de l’Allemagne ou de la
mythique Union européenne. Elle repose sur le fait qu’un dirigeant digne de ce
nom doit toujours choisir la grandeur et l’indépendance de son pays, quoi qu’il
en coûte. Cela a été la politique des rois de France et du général de Gaulle
durant 1000 ans et il est souhaitable de renouer avec cette tradition.

Pour un nouvel accord d’Ankara

Avec l’Accord d’Ankara de 1921, signé après les tourments de la
Première Guerre mondiale, la France et la Turquie avaient renoué le fil de leur
amitié multiséculaire. Aujourd’hui, il est évidemment souhaitable que les deux pays réactivent cette alliance utile à la paix et la sécurité en Méditerranée et bénéfique pour les deux nations.

Il est temps que les dirigeants français prennent conscience que tout dans
la vie est une question de Volonté et qu’ils sortent d’une sorte de pétainisme
prudent pour reprendre la ligne nationale intransigeante du général de Gaulle qui
fut véritablement le héros du XXème siècle. Sinon ces dirigeants démontreront
qu’ils n’aiment pas la France et lui préfèrent soit la soumission soit des
chimères, en tout cas une idéologie du renoncement. C’est au nom de ces
principes qu’il est urgent de rétablir une amitié multiséculaire. M. Erdogan tend
la main, espérons que M. Macron fasse de même....

Dr Charles Saint-Prot - Directeur général de l’Observatoire d’études géopolitiques

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