Sofiane Lesage fait partie d'une jeune génération d'entrepreneurs binationaux qui montent des entreprises dans leur pays d'origine (Others)

Depuis maintenant dix ans, l’Afrique a réussi à réaliser une croissance annuelle du PIB d’une hauteur de 5%, selon la revue spécialisée Dynamique Mag. Le continent est considéré comme le “foyer de croissance du XXIe siècle”.

Le développement inclusif de l’Afrique repose sur les jeunes de 15 à 35 ans qui sont estimés à environ 420 millions, une couche importante de la population, déterminée à s’affirmer au-delà des frontières.

Longtemps, les diasporas africaines ont été vues comme de simples pourvoyeuses d’argent pour les familles restées au pays. Cependant, une part croissante des expatriés africains crée des entreprises avec pour ambition de participer au développement économique des deux côtés de la Méditerranée.

Les jeunes issus de l’immigration qui montent des entreprises dans leur pays d’origine, cela ne date pas d’hier. Pourtant, de plus en plus de jeunes affichent leurs convictions de rendre à leur autre pays la prospérité qu’ils connaissent. Par leur business, ils veulent faire connaître les richesses qu’ils mettent en valeur, au monde entier. C’est le cas de Sofiane Lesage, Franco-Algérien, 27 ans, cofondateur de Riwaya: “J’ai lancé avec deux associés une agence de tourisme éco-responsable. J'avais rencontré un de mes associés, un Franco-Algérien, en Malaisie où il avait vécu pendant deux ans et nous étions surpris de la facilité de se déplacer et de constater à quel point en Algérie c’était plus compliqué.”

Sofiane a alors décidé de se lancer avec Merwan, 28 ans, et Zaira, 36 ans: “Malgré la forte demande, l’offre était quasi inexistante. Nous savions, en nous lançant, que le retour sur investissement se ferait plutôt à cinq ans après notre début”.

Après avoir attendu la fin de la phase Covid, l’année 2022 a été exceptionnelle pour Sofiane et ses associés. Son invitation à prendre part au déplacement d’Emmanuel Macron en Algérie présageait de beaux horizons. Toutefois, il a dû attendre trois mois pour obtenir l’agrément octroyé par le ministère du tourisme algérien. “Je voyageais avec un salaire d’étudiant toutes les deux semaines pour qu’on puisse me la donner”, raconte-t-il. Ce qui ne l’empêche pas de réclamer, avec une pointe d’humour, sa double culture: “J’ai passé la moitié de mon enfance en Algérie, l’autre moitié en France. Je suis bi-nationaliste, comme dit Rachid Arhab”.

Relever des défis énergétiques

Selon la Banque africaine de développement (BAD), 11 millions de jeunes Africains arrivent chaque année sur le marché du travail. Et on estime à trois millions de postes l’offre globale des entreprises, ce qui crée un fossé d’environ huit millions d’emplois à combler chaque année. Si l’entreprenariat s’avère être une solution pour juguler le problème du chômage des jeunes, la question est comment amener les jeunes à entreprendre pour véritablement impacter et créer un changement de paradigme sur le continent? C’est le cas de Saïd Medella, Franco-Tchadien, fondateur de Sahel Solar, Inc. “J’ai un bureau d’étude Sahel Solar Inc., spécialisé dans le solaire photovoltaïque. Je l’ai monté en 2018 mais je travaille sur la question depuis 2017”.

Le Tchad est un pays électrifié à hauteur de 5% seulement, donc très peu par rapport à ses voisins qui sont plutôt à 50 % comme le Cameroun, explique Saïd qui s’est rendu compte qu’il était plus facile de tisser des liens dans son pays d’origine : “Si vous passez 10 ans en France, l’adjoint du maire de votre commune vous ne le connaissez pas. Ici, vous pouvez sympathiser facilement avec un ministre en fonction. Les relations humaines sont plus développées”, et cela l’aide à construire son business. Les réalités logistiques l’obligent toutefois à tempérer son enthousiasme. “Le climat des affaires est plus intéressant ici même si on est dans un pays où il y a un retard de développement, des coupures de courant, de l’insécurité, un accès au soin qui peut être difficile…”, décrit-il sans se défaire d’un optimisme à toute épreuve: “Nous sommes privilégiés parce qu’en cas de besoin, on peut retourner en Europe”.

“Partager les ressources naturelles”

La Tunisie offre les atouts d’une économie prometteuse malgré les contretemps de la dernière décennie. Situé au sud de la Méditerranée, le pays est une porte d'entrée économique pour l'Afrique et le Maghreb. Les principaux secteurs d’emplois sont le tourisme, qui fonctionne tant bien que mal en raison des aléas des troubles politiques et des retombées de la pandémie du Covid. Les technologies de l'information sont également des secteurs porteurs, au même titre que les énergies renouvelables, l'industrie électronique et électrique ainsi que l'agriculture.

Une donne que Nour Borgi, 28 ans, entend mettre en valeur en tablant sur les ressources naturelles du pays. “C’est une offre pour la bonne santé de la peau des femmes. Je propose de l’huile de figue de barbarie sous la forme d’un soin anti-âge”. Produite en Tunisie et conditionnée (mise en bouteille) en France, cette huile essentielle n’est pas encore très connue du grand public malgré ses nombreux bienfaits.

La fondatrice de Nuressence a commencé par des recherches approfondies. “Ma première difficulté était de centraliser les informations. Il y a pas mal de réglementations et l’importation est très spécifique. J’ai eu du mal à tout comprendre. Quand tu connais le processus, cela prend une semaine.”

Mais elle ne tarde pas à prendre le pas. “Je n’ai en revanche pas eu de difficulté à trouver des fournisseurs. Il existe des structures en Tunisie où ils centralisent toutes les données sur les fournisseurs”, explique-t-elle.

Le pari est-il gagné pour autant? Loin s’en faut: “Je conclurai en disant que le gros du travail est dans la communication, dans le but de faire connaître cette huile rare au monde entier”.

TRT Francais