La baguette française a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco / Photo: Reuters (Reuters)

“J'étais étonnée de voir la baguette dans une liste de patrimoine (rire). Je consomme trois baguettes par semaine. En arrivant de Iakoutie au Nord Est de Sibérie ici, j’avais déjà cette idée de la France mais je me suis rendue compte que c’était vrai. J'ai vu que les Français en consommaient beaucoup. J'étais impressionnée par la taille des sandwiches aussi”, raconte Tuya 32, enseignante de langue russe, en sortant de sa boulangerie de quartier dans le 18e arrondissement.

Tous les jours, douze millions de consommateurs poussent la porte d’une boulangerie et plus de six milliards de baguettes sortent des fournils chaque année en France. Sur Twitter, le président Emmanuel Macron a salué “250 grammes de magie et de perfection dans nos quotidiens. Un art de vivre à la française”, ajoutant: “nous nous battions depuis des années avec les boulangers et le monde de la gastronomie pour sa reconnaissance.

“C’est une reconnaissance pour la communauté des artisans boulangers-pâtissiers. (…) La baguette, c’est de la farine, de l’eau, du sel, de la levure et le savoir-faire de l’artisan”, s’est félicité le président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française, Dominique Anract, dans un communiqué.

“C’est une fierté. Je voyage un peu et la baguette française, c’est réputé dans le monde entier. L’important c’est vraiment la farine. La farine française est importée de l’étranger. Une baguette française ne peut se faire qu’avec la farine française. Le métier sera mis en valeur. Ce n’est pas que de la farine, du sel, de l’eau et de levure. C’est simple et technique à la fois”, indique Smain Yahiaoui, boulanger-pâtissier, établi aux Etats-Unis.

Avec cette inscription, “l’Unesco souligne qu’une pratique alimentaire peut constituer un patrimoine à part entière, qui nous aide à faire société”, a déclaré Audrey Azoulay, directrice générale de cette agence des Nations unies.

Une baguette réglementée

Apparue au début du XXe siècle à Paris, la baguette est aujourd’hui le premier pain consommé en France. Le choix de présenter la candidature de la baguette de pain avait été effectué au début de 2021 par la France, qui l’avait préférée aux toits de zinc de Paris et à une fête vinicole jurassienne. Cette reconnaissance est particulièrement importante compte tenu des menaces qui pèsent sur ce savoir-faire, comme l’industrialisation et la baisse du nombre de boulangeries-pâtisseries, surtout dans les communes rurales.

“Tout le monde passe au congelé, or la baguette doit être faite sur place. La réglementation des baguettes, c’était pour protéger les artisans. Ce que l’industriel ne pouvait pas faire, ça lui coûte plus d’argent. Avec la réglementation, il y a un poids sur la baguette. On retrouve plus ou moins la même baguette selon les boulangeries”, précise Smain Yahiaoui.

En 1970, on comptait quelque 55 000 boulangeries artisanales (une boulangerie pour 790 habitants) contre 35 000 aujourd’hui (une pour 2 000 habitants). En constante évolution, la baguette “de tradition” est strictement encadrée par un décret de 1993, qui vise à protéger les artisans boulangers et leur impose en même temps des exigences très strictes, comme l’interdiction des additifs.

La baguette est utilisée dans “les jeux vidéo, il y a le mot French baguette. Notre expertise est reconnue jusque dans ce monde-là”, se targue Paul, gérant de Cargonautes, qui vient de livrer des baguettes dans le 15e arrondissement parisien.

Et la baguette fait aussi l’objet de concours nationaux, lors desquels les baguettes sont tranchées en longueur pour permettre au jury d’évaluer l’alvéolage et la couleur de la mie, “crème” dans l’idéal. Pourtant “la baguette c’est plus une forme qu’une spécificité. C’est un mot général. On ne peut pas appeler une baguette, une tradition. Sur le plan nutritif, la baguette tradition est bien meilleure car la fermentation est assez longue. Les enzymes ont fait leur travail. Il n’y a pas vraiment de réglementation sur le pain complet”, avance Smain Yahiaoui. Il rejoint le propos de l’historien Steven Kaplan qui estime qu’en unifiant sous un terme générique des produits de qualités très inégales, cela ajoute à la confusion.

TRT Francais