Allocution du président français Emmanuel Macron pour les voeux de fin d'année 2022 / Photo: Reuters (Reuters)

La réforme des retraites

L’une des réformes les plus redoutées par les syndicats et l’une des plus redoutables pour le gouvernement concerne les retraites et devrait voir le jour en 2023. Elle sera présentée le 10 janvier par le gouvernement, comme stipulé par le président français lors de ses voeux de fin d’année, "comme je m’y suis engagé devant vous, cette année sera en effet celle d’une réforme des retraites qui vise à assurer l’équilibre de notre système pour les années et décennies à venir". L’opposition a fermement répondu à Emmanuel Macron rappelant que les débats sur ce projet de loi seraient très tendus à la rentrée. À gauche et dans les organisations syndicales, le discours du chef de l’État a été unanimement critiqué. Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT, a ironisé au micro de BFMTV : "L’année de la réforme des retraites ? Ce sera plutôt l’année des grèves, des mobilisations et des manifestations !"

Mardi et mercredi, la Première ministre Elisabeth Borne doit recevoir les partenaires sociaux pour "poursuivre le dialogue" et "finaliser le projet de réforme", selon les services de la cheffe du gouvernement.

En résumé, la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron et son gouvernement c’est :

1- L’augmentation de l’âge légal du départ à la retraite de 62 à 64 ans en 2027, voire à 65 ans en 2031, à raison de quatre mois par an à partir de l’été 2023.

2- Les "catégories actives", les fonctionnaires qui occupent un emploi présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles conservent leurs droits de départ dit précoce.

3- Le dispositif "carrières longues" qui permettait aux personnes ayant travaillé quatre ou cinq trimestres avant leurs 20 ans de partir à la retraite deux ans avant l’âge légal, devrait être maintenu.

4- La suppression des régimes spéciaux (qui concernent les retraités de la fonction publique qui regroupe entre autres les militaires et la police nationale, les régimes des entreprises et organismes publics comme EDF/GDF, la RATP/SNCF etc, et enfin les organismes tels que la comédie française, l’opéra, les clercs de notaires, la banque de France etc…).

La crise énergétique et l'inflation

La réforme des retraites souhaitée par l’exécutif risque d’être périlleuse dans un contexte de crise énergétique. Si l’augmentation du prix du gaz et de l’électricité doit être limitée à 15% en ce début d’année (limite fixée par le bouclier tarifaire), certains, notamment des petites entreprises, ont vu leurs factures d’énergie augmenter de +1613%. C’est le cas de ce boulanger de Seine-et-Marne interrogé par le journal Le Parisien, à bout de nerfs alors que sa facture d’électricité est passée de 7,63 centimes par heure à 130,707 centimes. Soit à l’année, en prenant en compte les différents tarifs heures pleines heures creuses, une facture passant de 15 000 euros à 69 000 euros.

Et alors que plane toujours la menace de coupures d’électricité en janvier, en raison de la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, Emmanuel Macron estimait lors de son allocution samedi que "c’est entre nos mains (..) si nous continuons à économiser l’énergie comme nous le faisons depuis quelques mois, et si nous continuons de remettre en service nos réacteurs nucléaires comme prévu, nous y arriverons".

Certaines aides pour les ménages et les entreprises devraient disparaître en 2023 mais plusieurs seront maintenues selon le gouvernement français. Parmi ces aides on trouve notamment le chèque énergie "fioul" et "bois" entre "48 et 277 euros selon les revenus et la composition familiale", détaille le ministère de l’Ecologie. En revanche, fini les 10 centimes par litre de carburant directement pris en charge par l’Etat dans les stations-services. Dès le 1er janvier, la remise à la pompe a pris fin, une indemnité carburant de 100€ pour les "10 millions de travailleurs les plus modestes" sera proposée aux 50% des ménages les plus modestes, ayant besoin de leur véhicule, selon les services de l’Etat.

Le 10 janvier, alors que le gouvernement devra présenter sa réforme des retraites, un vote solennel devrait avoir lieu sur le projet de loi concernant les énergies renouvelables ENR à l’Assemblée nationale. Un projet qui devrait accélérer la production d’énergies renouvelables en France via le réseau éolien.

La loi immigration

Autre sujet très sensible qui devrait être présenté en conseil des ministres début janvier : un projet de loi pour "contrôler l’immigration, améliorer l’intégration". Vaste chantier alors que la France, qui a su mettre en place une véritable politique d’asile et d’accompagnement des réfugiés venus d’Ukraine, est épinglée par de nombreuses associations pour son manque d’humanité dans la gestion des autres demandeurs d’asiles venus d’Afrique ou de Syrie.

Porté par le très contesté ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, ainsi que le ministre du Travail Olivier Dussopt, le texte prévoit d'accélérer les procédures d’expulsion en délivrant une OQTF (obligation de quitter le territoire français) aux demandeurs d’asile, "dès le prononcé de la décision de rejet de l’Ofpra".

Une façon de complexifier les démarches aux demandeurs d’asile, selon Amnesty International, qui dénonce "une énième réforme visant à examiner les demandes d’asile plus rapidement pour pouvoir expulser plus vite". En effet, si aujourd’hui il est toujours possible de contester une décision de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et des Apatrides) devant la CNDA (Cour Nationale du droit d’Asile) avant de recevoir une OQTF, après cette réforme il faudra également contester cette OQTF devant le tribunal.

Selon Amnesty et la Cimade, les conséquences seront entre autre :

1- L’augmentation des risques de refoulement pour les personnes qui n’auraient pas pu déposer un recours dans les temps.

2- La complexification des démarches, car il faudrait faire deux recours dans des délais très restreints : un recours contre le rejet de l’OFPRA, un recours contre le rejet de l’OQTF.

3- La notification d’une OQTF à des personnes reconnues comme réfugiées par la Cour nationale du droit d’Asile (CNDA).

La procédure d’asile a normalement pour but d’éviter le renvoi d’une personne dans un pays où sa vie et sa sécurité sont menacées. "Si on réduit les délais et que l’on renvoie les personnes avant d’avoir terminé l’examen de leur demande d’asile, le droit français devient totalement défaillant. Cette prise de risque est humainement inacceptable et juridiquement contestable", selon Amnesty International. La Cimade dénonce, elle aussi, un projet de loi "mortifère", qui "menace les droits", rappelant que la France a été condamnée l’année dernière par la Cour européenne des droits de l’Homme pour avoir enfermé pendant 11 jours une mère et son bébé de 4 mois au centre de rétention du Mesnil Amelot et leur avoir infligé un traitement inhumain et dégradant.

De son côté, l'UNICEF rappelle que depuis 2012, la France a été condamnée au moins neuf fois pour son traitement des exilés, alors que plus de 33 000 enfants ont été emprisonnés dans des centres de rétention administrative, dont une majorité à Mayotte.

La loi sur l’assurance chômage

Adoptée en novembre 2022, la réforme de l’assurance chômage a elle aussi provoqué la colère de nombreux syndicats. Le texte de loi qui avait été présenté aux députés, prévoyait une baisse de 25% de la durée d’indemnisation pour tous les demandeurs d’emploi, ouvrant des droits à l’assurance chômage à partir du 1er février en métropole.

Mais surprise, le 23 décembre, le projet de décret mettant en œuvre la nouvelle réforme de l'assurance chômage indique que la durée d'indemnisation sera réduite de 40% si le taux de chômage passe sous les 6%. Un nouvel arbitrage dénoncé par les syndicats. "Une fois de plus les plus précaires vont être fortement impactés par cette mesure, notamment les saisonniers et les séniors", dénonce dans son communiqué le syndicat Force Ouvrière. "Les plus de 55 ans pourront perdre jusqu’à neuf mois d’indemnisation (baisse de 36 à 27 mois)", explique le syndicat.

Dès février 2023, la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi se fera en fonction de la conjoncture et les nouveaux inscrits verront d’ores et déjà leurs droits amputés par rapport aux règles actuelles.

En présentant la réforme cette automne, le ministre du Travail avait brièvement évoqué la possibilité d’un durcissement en cas de chômage inférieur à 5% soit le niveau auquel on peut parler de plein emploi. Mais c’est la première fois que le gouvernement précise qu’avec un taux de chômage sous les 6% (il est actuellement à 7,3%), la durée d’indemnisation sera réduite de 40% et non de 25%.

Le système de santé

Autre chantier très sensible, celui de la santé. Alors qu'une refondation du système de santé est, elle aussi, prévue en janvier par le ministre de la Santé et de la Prévention François Braun, de nombreux professionnels du milieu médical sont en grève. Pour le ministre, il s'agit de "prendre en compte la pénibilité et un certain nombre de problématiques remontées par les professionnels du terrain", à l'occasion notamment du conseil national de la refondation consacré à la santé.

Plusieurs syndicats hospitaliers dénoncent la fermeture de lits d’hôpitaux et les difficultés grandissantes de la prise en charge des patients aux urgences. Au moins 21 000 lits ont été fermés depuis 2016, avec des conséquences dramatiques pendant la pandémie de Covid-19.

En dehors de ce projet, Emmanuel Macron a lancé en septembre une convention citoyenne sur l’épineuse question de « la fin de vie ». Les participants devraient rentrer dans le vif du sujet au mois de janvier et dire dès le mois de mars si une loi devrait être votée concernant l’euthanasie. Cette consultation citoyenne n’a qu’une valeur de débat et n’a en réalité aucune obligation d’être suivie.



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