Des joyaux architecturaux qui ''méritent d’être conservés et entretenus'' (Reuters)

La Tunisie jouit d'une identité cosmopolite et regorge d'un patrimoine architectural somptueux. Avec ses bâtisses datant de plusieurs époques historiques, Tunis se dote d'une architecture palatiale, d'un charme majestueux et intemporel. L'Agence Anadolu est revenue sur l'histoire des plus incontournables palais beylicaux à La Marsa.

En plein cœur de La Marsa, plusieurs monuments emblématiques de cette ville balnéaire de la banlieue nord de Tunis, témoignent de l’époque beylicale. Des joyaux architecturaux uniques en leur genre racontent le passé d'une Tunisie beylicale. Malheureusement, plusieurs palais ont disparu et d'autres ont pu résister aux temps.

Kobbet el Houa, Essaada (Palais du bonheur), el Abdalliya ou encore Dar el Bey, sont des palais beylicaux situés à La Marsa.

La dynastie beylicale qui régna sur la Tunisie de 1705 à 1957 a vu se succéder 19 Beys qui ont possédé de nombreuses résidences à Tunis ainsi que dans ses environs, à savoir au Bardo, à La Manouba, à La Marsa et à Carthage.

Au milieu du 19ème siècle, la ville de La Marsa, située entre la colline de Sidi Bou Saïd et la falaise de Cap Gammarth, est devenue une résidence de la dynastie husseïnite.

''Muhammad Pacha Bey (1855-1859), avait établi un vaste domaine beylical composé de plusieurs édifices dans le palais Dar Ettaj (la maison de la couronne)'', a indiqué Mohamed Ali Bey, descendant de la famille beylicale.

Des palais chargés d'histoire

Kobbet el Houa, avec sa fameuse coupole ornant la plage, est un témoin de la vie tunisoise, particulièrement pendant la période estivale.

Symbole de La Marsa, ce palais féérique alliant nostalgie et authenticité est un palais beylical construit dans les années 20, selon la municipalité de La Marsa.

Cependant, certains historiens indiquent que la construction remonte au règne de Ali Bey III (1882–1902). D'autres estiment que cette bâtisse a été construite au début des années 30, alors que d'autres attestent que ce pavillon avait été établi à l'ère d’Ali ben Hussein Bey, vers la deuxième moitié du XIX siècle.

''Cet endroit aussi particulier permettait à la famille beylicale de profiter de la mer pendant la saison estivale mais surtout de se baigner loin des regards'', a précisé Mohamed Ali Bey, vice-président de l'Association Histoire et Réconciliation.

''Pas loin de la Kobba, on peut apercevoir la 'Maawma' (une maison de vacances), qui possédait une trappe permettant aux femmes (les princesses) de se baigner tranquillement, à l'abri des regards'', a-t-il ajouté.

Le palais est en effet bâti dans un style éclectique, un mélange des périodes avec une fusion de styles d’origines diverses, où l’art déco et le style mauresque se mêlent.

''Ce pavillon beylical ainsi que d'autres palais ont fait l’objet de plusieurs conversions et connu plusieurs transformations (restaurants/projets commerciaux..) qui ont, entre autres, défiguré leur authenticité'', a-t-il regretté.

Palais Essaada ou le Palais du Bonheur

A quelques mètres de Kobbet el Houa, se trouve Essaada, devenu au milieu du XIXe siècle une résidence de la dynastie husseïnite. A l'époque, le bey Muhammad Pacha Bey y a installé un vaste domaine beylical composé de plusieurs bâtisses dans le palais Dar Ettaj (la maison de la couronne, un palais beylical aujourd'hui disparu). Ali Bey y avait résidé en permanence de 1859 jusqu’à sa mort en 1902.

Le palais qui abrite aujourd'hui le siège de la municipalité, a été le théâtre de la signature de la convention entre la Tunisie et la France en juin 1883. Suite à quoi, les deux parties ont concrétisé le Traité du Bardo du 12 mai 1881 instaurant le protectorat français en Tunisie.

''Le Palais du Bonheur fut aussi l'endroit où le premier président de la République, Habib Bourguiba, accueillait des personnalités en visite officielle en Tunisie'', a encore noté notre intervenant.

Essaada est bâti dans le centre d'un grand jardin boisé, agrémenté par des plantes, arbustes et arbres concoctés de toutes origines. Il abrite aussi une galerie de peinture répartie sur trois salles, où se déroulent des expositions.

Son parc immense et merveilleusement orné de fleurs et de plantes variées est ouvert au public venu flâner et profiter du zéphyr marsois. Cette cité balnéaire située au Nord de Tunis a été au fil des années, le lieu de résidence des Beys, plus particulièrement après la construction de nombreux palais et demeures, et ce, jusqu’à la veille de la proclamation de la République en 1957.

Palais El Abdeliya : un chef d'œuvre hors pair

Classé monument historique depuis le 3 mai 1923, l'histoire du palais El Abdeliya et ses origines demeurent jusqu'à nos jours floues. Son entrée principale s'ouvre sous un portique à trois arcs posé sur des colonnes en pierre et des chapiteaux turcs.

A l'entrée, la porte est clouée sous un arc brisé. La première pièce d'entrée, appelée ''Driba'', était utilisée comme salle d'audience ou de justice.

Selon des informations recueillies sur le site ''Musée sans frontières'' ( Meusum without borders), El Abdeliya possède ''une coupole sur trompes en coquilles, décorée de plâtre sculpté du bouquet husseïnite''.

Quant aux murs, ''ils sont couverts de faïences italiennes du XIXe siècle avec un escalier qui conduit vers la cour et les appartements''.

En effet, sa fondation remonte au XVIe siècle et ''constitue le seul témoignage d’architecture civile à usage d’habitation d’époque hafside'', a écrit Mohamed El Aziz Ben Achour, l'historien et universitaire tunisien spécialiste de l'histoire urbaine, sociale et culturelle de la Tunisie moderne et de la civilisation islamique dans un article paru dans le magazine Leaders.

Selon lui, le nom du palais est ''dérivé du nom du sultan qui avait ordonné la construction de ce joyau architectural. Il s'agissait de Abou Abdallah Mohamed (1494-1526), ''émir de la dynastie hafside qui régna sur l’actuelle Tunisie et une partie de la Tripolitaine et de l’ouest algérien du XIIIe au XVIe siècle''.

Toujours d'après la même source, cette résidence beylicale se composait de trois palais reliés entre eux par un vaste parc qui s’étendait de la zone des cultures irriguées d’Al Ahouèche (une ville à la Marsa) jusqu’à la mer'', a-t-il précisé.

Il faut dire que la première Abdalliya se trouvait dans le secteur appelé Al Hafsî, dans la zone de l’actuelle gare du TGM, à La Marsa Corniche.

''C'est l'ancien Palais d'Ismael Bey, rénové en 1900'', a rassuré le président de l'association, rappelant en ce sens que ''la seconde se situait à proximité du café du Saf-Saf''.

''En ce qui concerne la troisième Abdalliya, ou Al Abdalliya al Kobra, elle est située à La Marsa-Ville'', a fait savoir Mohamed Ali Bey.

Dar el Bey en ruine

Il est difficile de croire que ce bâtiment vivait à une époque sa pleine gloire. Aujourd'hui, le Palais Ahmed Bey est en péril. Reconstruit par le sultan hafside Abu Abdallah Mohamed vers l'année 1500, face au Saf-Saf, le palais a été par la suite reconstruit par Hussein Ben Ali (1705-1735) et par son fils Ali Bey (1759-1782).

''Entre 1814-1824, Mahmoud Bey y avait résidé et c’est par la suite qu'Ahmed Ier Bey ( 1835–1855) a cédé ce palais à son oncle maternel le Comte Raffo en 1847'', se souvient encore notre interlocuteur.

D'après ce descendant du Bey, ''ces joyaux architecturaux sont aujourd'hui jetés aux oubliettes. Et pourtant, l’architecture palatiale de la Tunisie beylicale témoigne d'un passé si riche''.

Selon lui, ces joyaux architecturaux ''méritent d’être conservés et entretenus''. Les générations futures devront connaître ''la véritable histoire de la Tunisie'' et découvrir davantage ''la vie des Beys''.

''Quand on passe devant certains palais, certaines bâtisses demeurent méconnues. Je reproche aux autorités tunisiennes d'avoir fermé les yeux sur une histoire de plus de 250 ans de règne de la dynastie beylicale'', a-t-il conclu.

AA