Après l’énorme succès de “Dix pour cent”, qui relatait la vie d’agent artistique, Fanny Herrero, scénariste et directrice de série, revient sur Netflix, avec sa nouvelle série “Drôle”.

Réalisée par le duo Farid Bentoumi-Bryan Marcian en six épisodes, cette série met en scène quatre jeunes humoristes Parisiens, Aïssatou (Mariama Gueye), Bling (Jean Siuen), Nazir (Younès Boucif) et Apolline (Elsa Guedj), qui tentent tant bien que mal de s’implanter durablement dans le milieu des humoristes. Quatre points cardinaux pour peindre une fiction où tout le monde veut prendre sa place.

« “Drôle”, il faut le prendre dans tous les sens du terme : “Drôle” comme ce qui fait rire, évidemment, mais aussi “Drôle” comme ”étrange”, “singulier”, et “qui ne ressemble pas aux autres” », explique Fanny Herrero, dans les notes de production.

La série met avant tout le quotidien des humoristes, au plus proche du réel. Au restaurant et au comedy club Drôle, où tout se joue, les jeunes talents s’aventurent sur cette scène que Bling gère avec sa sœur et qui est devenue la deuxième maison des artistes. Après un casting de 80 jeunes filles pour Apolline et 70 jeunes hommes pour Nezir, la série s’annonce à succès.

Portrait d’une jeunesse française

« Et pourtant, chaque soir, des dizaines de filles et de garçons arpentent les comedy-clubs de Paris et ne vivent que pour ça. Ils prennent le micro pour raconter les galères de leur vie avec humour. Ils ont trouvé dans le monde du one-man-show plus qu’une façon de vivre, une façon de survivre », relate Fanny Herrero.

L’idée lui est venue après avoir suivi l’un des plus grands humoristes de la scène française, Gad Elmaleh. Le Paname, l’un de ces plus anciens établissements de la capitale, où de jeunes humoristes se produisent, est son décor de création. « Je ne pensais pas que les humoristes travaillaient autant leurs vannes. Ils font et refont, afin de trouver la formule magique. Cela m’a fait découvrir les coulisses de ce métier », expose Younes Boucif, incarnant Nezir.

L’une des spectatrices, Nejwa Mimouni, enseignante, s’est rapidement fait un avis : « Il y a du relief. Bling est loin du modèle asiatique que l’on peut nous présenter. Rien n’est acquis. La série a réussi à me faire oublier les différentes origines de la diversité aussi, paradoxalement. Appoline est très attirante par sa fragilité. J’ai bingewatché la série. Il y avait un côté très frais. C’est un milieu très parisien, qui est très intéressant à analyser par cette série. Le lien aussi avec le monde de la télévision, avec l’animateur qui me fait penser à Thierry Ardisson... »

Avec cette nouvelle production, Fanny Herrero sonde le contemporain et fédère autour de thèmes dont la société peine à s'emparer : la liberté d'expression, les diversités, la galère des premiers jours, le manque de considération des jeunes artistes, les producteurs qui s’appuient trop sur eux... La scénariste se concentre sur des personnages du terrain, à Paris et en banlieue parisienne. Aucun ne sort du lot.

« L’un des points que j’ai le plus aimé, c’est la diversité des acteurs. Il n’y a pas que des Noirs et des Arabes qui veulent faire du stand-up et surtout, ce n’est pas parce que l’on vient d’un milieu aisé que l’on ne peut pas tenter sa chance. La ligne de départ est la même pour tous. Avec cette série, on arrive à comprendre pourquoi le monde humoristique est compliqué, notamment avec les conflits d’intérêts portés sur la jalousie ou le remplacement d’un passage », indique Mohamed-Karim Saber, en double licence droit-philo à Nanterre.

Seuls les artistes les plus résistants à la pression, au vol d'idée et à l’égo des uns et des autres arrivent à trouver le bon ton pour recommencer le lendemain. « J’ai surtout aimé le personnage d’Apolline et sa relation avec sa mère, qui la pousse à poursuivre ses études, comme moi quand mes parents m’ont forcé à finir ma licence en sciences politiques. Elle me ressemble beaucoup», commente Anne Mariotti, en master M1 MEEF documentation.

Des humoristes à l’écriture

Fanny Herrero s’est d’abord entourée de l’auteur et comédien Hervé Lassïnce. « J’ai préféré écrire les dialogues. Nous avons fait apparaître les échanges par texto à l'image. C’est vraiment un écho de notre quotidien », commente-t-il.

C’est à la scénariste Camille de Castelnau et aux humoristes Thomas Wiesel, Fanny Ruwet, Jason Brokerss et Shirley Souagnon (qui ont écrit des sketchs et sont des humoristes de longue date), que la "showrunneuse" a fait appel. Il a fallu s’entourer d’humoristes, puisque comédien et humoristes sont deux métiers différents. « Pour les stand-uppers , c’était plus dur d’écrire car ils ne devaient pas écrire sur eux, comme ils le font habituellement, mais sur des personnages fictifs », précise Hervé Lassïnce.

Par l’écriture, les penseurs de la série ont pu dépeindre un pan du quotidien de certains humoristes, qui est la très grande précarité. Dans le premier épisode, nous voyons Nezir et son père invalide qui font les comptes. Nezir ne gagne pas suffisamment de sa profession et vit donc de livraisons de repas à domicile et de missions ici et là. A quelles aides ont-ils droit ? Quelle est la part des courses dans leurs dépenses ?

« J’ai aimé que mon personnage ne soit pas “cliché”, c’est assez rare en France. J’ai trouvé que c’était juste, enfin du bon travail, sans être grossier. C’était agréable de pouvoir jouer dans ces conditions », précise Younes Boucif, qui joue le rôle de Nezir.

Concernant son rôle dans l’écriture, il poursuit ainsi : « Je n’éprouvais pas le besoin de corriger le texte, j’ai juste ajouté le moment où Nezir arrive chez Apolline pour la première fois et où il enlève ses chaussures ».

Toujours en écriture, une saison 2 devrait voir le jour. Chacun y trouvera le personnage qui lui correspond et s'y attachera, à ses risques et périls pour les blagues.

TRT Francais