Avec la crise du carburant en France, les plateformes de covoiturage font le plein (AFP)

"Des niveaux record" d'utilisateurs des plateformes de covoiturage en France: entre pénuries de carburants et annonces de grève des transports en commun, les Français s'organisent de plus en plus collectivement pour les trajets du quotidien.

"C'est très pratique" et bénéfique pour tous, dit à l'AFP Adbelhakim, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille. Il s'est installé il y a deux mois en Isère (sud-est) et était d'abord "dépendant de [sa] voiture", proposant des trajets en covoiturage vers Grenoble.

Mais la pénurie de carburants lui a permis de franchir le pas et de devenir passager à son tour. "Cela m'a permis de dépenser moins d'essence, de faire plus d'économies et de moins polluer", se félicite-t-il. Et il compte continuer sur cette lancée même après la pénurie: "Je suis flexible, je n'ai pas d'obligation à rentrer tôt ou tard".

"Pour beaucoup de Français, l'essence est devenue un produit de luxe", estime Nicolas Michaux, porte-parole de la plateforme de covoiturage BlaBlaCar.

Le réseau BlaBlaCar Daily, qui propose des trajets quotidiens courts, observe une hausse de 30% des demandes pour être passager depuis les grèves dans les raffineries françaises et les pénuries de carburants qui en découlent.

Un phénomène toutefois "visible depuis l'an dernier. Les Français se mettent de plus en plus au covoiturage, mais avec l'inflation et la pénurie de carburants, on a atteint des niveaux records d'utilisateurs", explique M. Michaux.

Lundi, à la veille d'une journée de "mobilisation et grève" dans tout le pays, le mouvement a été reconduit dans trois raffineries sur sept et cinq gros dépôts de TotalEnergies, aggravant les tensions sur l'approvisionnement en carburant.

Même son de cloche du côté de Karos, qui compte 600.000 utilisateurs en France. La plateforme a constaté un pic d'inscription le weekend du 8 octobre, explique à l'AFP son porte-parole Tom Attias.

Vers un "changement structurel"

Elle a même constaté 44% de nouveaux utilisateurs le lundi 10 octobre au matin, des "personnes qui ne trouvaient plus de carburant" ou d'autres, qui en avaient toujours "et voulaient en faire profiter les autres, par élan de solidarité", souligne M. Attias.

L'entreprise a d'ailleurs lancé une campagne de communication par SMS, courriels et notifications, "pour inciter les conducteurs qui ont de la place dans leur véhicule à prendre des passagers", relève-t-il.

Patrick Robinson Clough, patron de Citygo, une application de covoiturage urbaine basée dans les métropoles de Paris et sa périphérie, Lille, Lyon et Marseille, a quant à lui observé une augmentation de 42% des inscriptions et un doublement du nombre de conducteurs entre le 3 et le 10 octobre. La dynamique "continue encore", affirme-t-il à l'AFP.

Les trajets domicile-travail représentent un quart de ceux réalisés par les deux millions d'utilisateurs de la plateforme, les autres étant consacrés "à des déplacements privés, de loisir, en famille, vers des activités culturelles" ou pour des rendez-vous médicaux, relève M. Robinson Clough.

Pour Ecov, qui a créé une cinquantaine de lignes de covoiturage autour de métropoles françaises, la semaine dernière aura été une semaine record (+15% de covoitureurs face à leur précédent pic), selon Harald Condé Piquer, responsable du développement d'Ecov.

Quelques conducteurs ont dû se lancer "en tant que passager" du fait de la pénurie et un covoitureur a également signalé "ne pas avoir suffisamment d'essence" pour se rendre sur l'aire de covoiturage, détaille Patrick Robinson Clough.

Mais pour M. Condé Piquer, les crises, comme les périodes de pénuries ou de hausse des prix du carburant, "peuvent provoquer des usages ponctuels" que les entreprises du secteur veulent "transformer en changement structurel".

"Le covoiturage est une solution d'avenir", abonde Tom Attias. Lors des grèves des transports en commun en 2019, "une personne sur deux qui s'était mise à Karos (...) est restée après".

AFP