A même le bitume, les SDF "écrasés" par la canicule (AFP)

"C'est le Graal, vous êtes top les gars !" Coiffé de dreadlocks rouges, Baptiste accueille avec soulagement les bouteilles d'eau fraîches distribuées par des bénévoles de la Croix-Rouge à Toulouse, dans le sud-ouest de la France, suffoquant en pleine canicule avec une température de 40 degrés à l'ombre.

"Il y a une fontaine pas loin, mais l'eau est tiède. Là, d'un coup, j'ai l'impression de revivre. Même mes chiens vous disent merci !", poursuit avec un grand sourire ce jeune homme de 23 ans, aux joues rougies par le soleil de plomb qui écrase la ville depuis plusieurs jours.

Au volant de son camion, où il a stocké au frais une soixantaine de bouteilles d'eau, Hugues Juglair, 67 ans, parcourt inlassablement grands axes et ruelles, à la recherche de personnes sans-abris.

"Il y a plus de mortalité de gens dans la rue en été qu'en hiver", déplore ce retraité, qui consacre bénévolement plusieurs heures par semaine aux maraudes de la Croix-Rouge.

"On leur parle, leur donne des conseils qui peuvent sembler évidents, mais qui ne le sont pas pour certains, surtout les plus jeunes: boire régulièrement, se mettre à l'ombre, etc".

Un groupe de jeunes assis à même le sol sur un grand boulevard, accompagnés de leurs chiens et d'un chat en laisse, se jettent sur une bouteille d'eau offerte par un passant.

En période de canicule, "quand les capacités d 'adaptation sont dépassées, un coup de chaleur équivaut à une grosse fièvre avec des douleurs articulaires et musculaires", explique à l'AFP Vincent Bounes, patron des services médicaux d'urgence à Toulouse.

Le nombre de personnes sans domicile fixe ou vivant dans des squats de fortune à Toulouse avoisinerait les 1.140, selon M. Bounes.

A l'ombre d'un platane au bord du canal du Midi, une famille albanaise est surprise de la visite de la Croix-Rouge.

Mais les visages des parents s'éclairent à la vue des bouteilles glacées. Leur bébé fiévreux dort sous la tente familiale.

Un peu plus loin, un homme âgé portant un bonnet en laine s'avance vers les bénévoles, mécontent: "Vous ne passez jamais là-bas", grommèle-t-il, indiquant un petit chemin arboré.

Hugues et son collègue lui tendent deux bouteilles d'eau. Le vieil homme s'apaise et leur souhaite "une bonne journée quand même".

En quête de fraîcheur

Adossée à la vitre d'un supermarché, dans une avenue passante du centre-ville, Marinette, 53 ans, a les yeux cernés.

Ses mains tremblantes tiennent un parapluie gris qui la protège un peu du soleil.

Elle n'a pas eu la chance de croiser les équipes de la Croix-Rouge.

"Je suis fatiguée, je n'ai pas dormi de la nuit, il n'y avait pas une brise d'air dans le squat", dit-elle.

Pendant la journée, cette femme à la voix rauque erre dans les rues, à la recherche d'un peu de fraîcheur, portant un lourd sac dont elle ne se sépare jamais.

"Même les coins habituels les plus frais, les parcs, les berges de la Garonne, ne suffisent plus. Quand je n'en peux plus, je rêve d'entrer dans un centre-commercial pour me rafraîchir, mais je sais que je serais mise dehors, ou au mieux, dévisagée comme un être dégoutant", murmure-t-elle.

AFP