(Reuters)

Les contenus produits par la plateforme en turc du média public allemand Deutsche Welle (DW Türkçe) fait périodiquement l'objet de débats en Turquie.

En effet, il est possible de voir le nom "DW Türkçe" dans différents médias de masse, en particulier sur les réseaux sociaux. Les utilisateurs de Twitter réagissent souvent en partageant du contenu préparé par DW Türkçe, le critiquent et affirment que cette plateforme a "une approche partiale envers la Turquie par rapport à DW".

Le positionnement idéologique de DW Türkçe se fait généralement en établissant un lien entre l'État allemand et DW. Cela vient du fait que DW est l’établissement officiel de diffusion de l'État allemand et de sa capacité de diffusion dans divers pays dans la langue locale et ce, avec le soutien de l'Allemagne. Nul doute, ceux qui connaissent un peu mieux la question, fondent cette approche sur l'identité et le contexte historique de DW.

Par conséquent, lorsqu'une émission est faite par DW Türkçe, l'audience établit
automatiquement une connexion avec l'Allemagne. Les dirigeants de DW peuvent protester contre cette perception et affirmer qu'il n'y a aucune relation entre leurs politiques générales de diffusion et l'État allemand.

Ils peuvent même souligner qu'ils sont un organe médiatique indépendant isolé de tous les centres de pouvoir, qu'ils tirent leur capital du journalisme et qu'ils ont établi des services de journalisme dans différents pays grâce à ces revenus. Ils ont droit à une telle approche. En fin de compte, c’est le public qui décide de ce qui est juste ou non, et qui fait son choix.

Cependant, il y a actuellement une situation bien réelle pour le peuple turc: DW Türkçe est perçu comme le site de diffusion officiel de l'Allemagne aux yeux de la société, et lorsqu'un contenu est publié sur cette plateforme, une relation s'établit automatiquement entre ce contenu et la politique étrangère de l'État allemand. Selon les dirigeants de DW, même si cette approche ne reflète pas la vérité et qu'il ne s'agit que d'une perception, c'est à eux d'y remédier.

"Deux poids deux mesures"

L'un des points les plus frappants dans les nouvelles préparées par DW Türkçe est le "deux poids deux mesures". Il est démontré avec des exemples que DW Türkçe a une approche positive vis-à-vis des événements-processus qui se déroulent en Allemagne ou dans un autre pays, mais qu’il adopte une approche négative quand il s'agit de la Turquie. Par exemple, lorsque les réglementations légales concernant les publications des entreprises de réseaux sociaux sont à l'ordre du jour, des nouvelles positives sont publiées sur le projet de loi relatif en Allemagne.

Dans la nouvelle publiée le 30 juin 2017, il utilise un langage positif et établit le contenu de l'actualité dans ce cadre avec les phrases suivantes : "Le Parlement allemand a approuvé la loi qui impose des responsabilités plus strictes aux sites de réseaux sociaux dans la lutte contre les publications de contenu haineux. Maintenant, Facebook et Twitter doivent lutter plus durement contre la haine".

Il convient de noter qu'il existe une approche différente dans les nouvelles publiées dans DW Türkçe concernant le projet de loi similaire élaboré en Turquie. Avec la phrase"des milliers de personnes risquent des poursuites" comme titre de l'information publiée le 18 juin 2022, le projet de loi est avant tout partagé dans sa dimension négative.

L’accroche "l'expert en cyberdroit Yaman Akdeniz qui a évalué à DW Türkçe la Loi sur la Désinformation, a averti que des milliers de personnes seront traduites en justice en raison du crime de +diffusion publique d'informations trompeuses+ condamné par cette loi" vient soutenir le titre de la nouvelle.

La totalité de la nouvelle, y compris l’attaque, le corps et la chute, est basée sur un contenu soutenant le projet de loi en question. La nouvelle ne laisse aucune place au point de vue des avocats qui soutiennent ce projet de loi et ignore les opinions en faveur de la promulgation de celui-ci.

En outre, l’image utilisée dans la présentation sur Twitter des actualités vidéo de DW Türkçe, a été incluse dans cette nouvelle. L’une des deux accroches écrites dans l’article est "L’amendement connu sous le nom de +Loi sur la Désinformation+ a des fins électorales selon l’expert en cyberdroit", tandis que l’autre vise directement la politique interne de la Turquie avec cette phrase: "à l’approche des élections de 2023, des centaines, voire des milliers de personnes feront l’objet d'enquêtes ou de poursuites en raison de cette nouvelle typologie de crime".

Dans une autre nouvelle datant du 2 juillet 2020, DW Türkçe a publié un article similaire avec le titre "La liberté d'Internet en Turquie sous l'emprise de la législation".

Les expressions d'une capture d'écran, partagée depuis le compte Twitter de DW Türkçe et intégrée dans cette nouvelle, semblent avoir été choisies volontairement pour faire connaître au public le sujet de manière plus sensationnelle.

Bien que les propos utilisés dans le titre soient l'opinion d'un avocat, cela n'exclut pas DW Türkçe dans le cadre de l’analyse de discours. Dans le journalisme, les décisions sur le contenu qui sera présenté en avant-plan, le titre, les points de vue inclus ainsi que la manière par laquelle tout cela sera transmis au lecteur, reflètent la politique éditoriale générale.

La conception du contenu est façonnée par rapport à cela. Par conséquent, DW Türkçe adopte une approche positive concernant la législation sur les réseaux sociaux pour l'Allemagne et une approche négative pour la Turquie. Cette approche qui est suivie attentivement par les internautes en Turquie, est évaluée comme deux poids deux mesures.

Contraire à l’amitié Turquie-Allemagne

Le sujet des "travailleuses du sexe" est au centre d'un autre contenu qui a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. La nouvelle qui a d'abord été diffusée sur la chaîne Youtube +90 avec les titres "Être une travailleuse du sexe" et "Yasemin est une travailleuse du sexe et aime son travail", a ensuite été diffusée par la plateforme DW Türkçe.

Selon le contenu de l’information, les femmes qui se livrent au travail du sexe et à la prostitution en Turquie gagnent très bien leur vie et mènent une bonne vie. En regardant le contenu de l’information, on peut voir qu'il y a une incitation à faire ce travail. Après la publication de la même nouvelle par DW Türkçe, des internautes ont partagé des informations montrant que le même DW considérait ce problème de manière positive pour la Turquie et négative pour l'Allemagne.

Dans l'un de ces exemples datant du 22 juin 2018, l’accroche contient des informations selon laquelle les prostituées sont battues et peinent à payer leur loyer en Allemagne, DW a donc adopté ici une approche négative. Une photo humiliante a également été utilisée pour cette nouvelle. Entre-temps, rappelons que la chaîne +90 a été créée conjointement par 4 groupes de médias, basés en Allemagne, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France, pour diffuser en turc en 2019, et DW est au centre de l'organisation.

De ce fait, il est possible de citer d'autres exemples de tels deux poids deux mesures. En raison des contenus de ce type, DW Türkçe est critiqué par les internautes en Turquie pour son incohérence dans le journalisme. En raison de la connexion automatique qui se fait entre DW Türkçe et l'Allemagne, et des informations de ce type, les citoyens commencent à s’interroger sur la politique étrangère de l'Allemagne vis-à-vis de la Turquie.

Peut-être que l'Allemagne-même ignore la présence de tous ces contenus et de cette approche, parce que les liens entre la Turquie et l'Allemagne se fondent sur des relations profondément enracinées et une amitié remontant au sultan Abdülhamid II, à Atatürk et de là, jusqu'à nos jours.

Étant donné que de nombreux internautes connaissent la dynamique historique de l'amitié entre la Turquie et l'Allemagne, ils n’arrivent pas à donner de sens à un tel contenu basé sur des doubles standards contre la Turquie. Pour en revenir au titre, il semble que la question de savoir qui représente vraiment DW Türkçe et à quel nom il produit du contenu, sera probablement posée plus fortement dans la période à venir.

DW Türkçe revient à l’actualité de l’opinion publique non seulement à cause de ces nouvelles biaisées, mais aussi parce qu'il ne tient pas compte des réglementations légales qui déterminent les principes de publication des institutions concernées en Turquie.

Dans ce sens, le 30 juin, la justice a annoncé une décision suspendant l'accès à DW Türkçe. Le Conseil suprême de la radio et de la télévision (RTÜK) avait annoncé en février que les sites d'information internationaux diffusant en turc feront l’objet d’inspections. RTÜK a accordé 72 heures aux sites d'information Voice of America, DW Türkçe et Euronews pour s’octroyer une licence, et a déclaré que l’accès aux sites qui n'auront pas déposé de demande, sera bloqué. La décision de la justice du 30 juin a été rendue précisément parce que cette règle n’a pas été respectée.

On ne peut comprendre pourquoi DW Türkçe ne respecte pas les réglementations légales qui régissent les principes de diffusion en Turquie.

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