Les réseaux sociaux et plateformes numériques ont un impact énorme sur la "Génération Z" (AP)

Cette cohorte d’ados hantant la cité comme des zombies, le nez enfoui dans un portable… eh bien ça a atteint l’âge de vote et ça porte même un nom : Génération Z. Néologisme américain qui décrit la tranche démographique ayant fait subitement son apparition dans le sillage des milléniaux et couvrant tous ceux qui sont nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, qui constitueront bientôt le tiers de la population des pays occidentaux.

Lettre "Z" pour zoomers, mais aussi habilement reprise dans le contexte de la présidentielle en France par la campagne électorale du candidat Éric Zemmour. Un stratagème marketing qui, ironiquement, tente de soudoyer la génération la plus ethniquement diversifiée de l’histoire (la moitié étant issue de parents non-blancs).

Ayant ouvert les yeux en pleine révolution numérique, c’est la première génération qui a manié les smartphones avant de pouvoir composer des mots et, par conséquent, dont le comportement fut davantage façonné par les algorithmes des réseaux sociaux que par l’école.

De "Z" pour zoomer à "Z" pour Zemmour

Les médias grand public ont pris conscience des mutations du corps électoral qui ne manqueront pas d’influencer les présidentielles et le paysage politique français. Un support médiatique officieux avait donné l’alerte en diffusant dernièrement un reportage sur le cas représentatif d’une adolescente radieuse qui atteindra ses 18 ans juste à temps pour voter le 10 avril. Contrastant avec le boycottisme chronique de ses parents, elle appelle de ses vœux les date et heure du scrutin. « Je ne manquerai ça pour rien au monde (…) voter c’est important, chaque voix compte », donnant ainsi l’ampleur de son engagement.

Son parcours décrit la ligne médiane d’une génération qui a enduré la précarité sociale des parents malmenés par les crises économiques répétitives des deux dernières décennies et à la recherche d’une stabilité financière. Étudiante en littérature moderne à la Sorbonne, elle ne regrette rien d’une enfance incommode à changer constamment d’adresse au gré des revirements des carrières de ses parents, dont elle rejette le désengagement politique : « Ma mère s’est systématiquement abstenue de voter, mon père a toujours déposé des bulletins blancs. »

Elle a rejoint l’autre Génération Z, un mouvement fort d’une dizaine de milliers de déçus des organisations de jeunesse des partis ou d’indifférents acquis à la politique à coups de hashtags et de vidéos virales, convaincus de la capacité du chroniqueur incendiaire à délivrer la France de ses maux.

Pourtant, ce sont leurs parents qui l’ont vu évoluer, après avoir raté à deux reprises le concours de l’ENA (comme Macron d’ailleurs !), de journaliste de tabloïds parisiens à invité de prédilection de shows télévisés à l’américaine, remplissant le rôle – peu envié alors – de débiteur de demi-vérités sur l’immigration, la diversité ethnique et culturelle et les fondamentaux de l’État providence qu’il n’hésite pas à définir alors comme "open bar".

L’éclaireur de l’extrême-droite n’avait suscité que pieds-de-nez d’une part de ladite "génération X" élevée par les "Boomers", ces enfants de l’après-guerre épouvantés par les récits sur les atrocités des fachos, et mépris d’autre part auprès des Milléniaux, une génération qualifiée par la chaîne américaine MTV de "Daltoniens", étant indifférente à la couleur de peau. En arriver là, en si peu de temps, à une jeunesse dont une grande partie vire visiblement à droite et se montre réceptive au discours du populisme opportuniste, appelle à une réflexion sérieuse.

Algorithmes et ingénierie politique

On est bien loin de mai 1968, lorsque la révolte étudiante dénigrait la classe politique en comble et dressait des barricades pour défendre des idéaux progressistes. L’une des explications avancées est l’impact énorme des réseaux sociaux et plateformes numériques transnationales sur cette génération qui boude les médias traditionnels et évolue, par conséquent, indépendamment des débats publics.

Retour à notre cas-témoin qui, catholique pratiquante issue de parents athéistes, fait le vœu de « prier fort » pour Zemmour le jour du vote avant de rejoindre un groupe de congénères voués à la même cause pour célébrer la victoire. « Même si nous perdons, nous aurons fait tellement de bruit qu’on ne pourra plus nous ignorer », confie-t-elle, convaincue que le phénomène Zemmour est là pour durer. Elle envisage déjà la perspective d’une campagne tenace pour les élections législatives, en vue de porter autant de candidats que possible à l’Assemblée nationale.

Une opiniâtreté à prendre au sérieux : au lieu de déclarer la chasse ouverte aux faux comptes attribués à Moscou, il serait temps de prendre en considération l’efficacité d’outils virtuels dans l’ingénierie de l’électorat dans le monde réel. En effet, se résigner à abandonner les jeunes aux mains d’applications cools est aussi irresponsable que de confier ses enfants à des baby-sitters sans scrupules.

TRT Francais