La Turquie s’oppose à l’entrée dans l’OTAN de la Suède et la Finlande. Le motif est clair : Aucune des 33 demandes d'extradition envoyées par Ankara n'a reçu de réponse positive de la part de Stockholm, ni de Helsinki au cours des 5 dernières années.

Il convient de rappeler que toute demande d’entrée dans l’OTAN doit être acceptée à l’unanimité des membres de l’alliance. Ainsi, la Grèce avait pu bloquer la demande de la Macédoine en raison d’un différend sur le nom du pays puisqu’une province grecque porte déjà le nom de Macédoine.


Donc la parole turque doit être prise au sérieux puisque la Turquie est parfaitement en mesure de bloquer l’adhésion de la Suède et de la Finlande. En effet, les deux pays scandinaves doivent convaincre l’intégralité des membres de l’organisation – actuellement une trentaine de pays – du bien-fondé de leur candidature à l’alliance qui fonctionne sur le principe du consensus. Chaque membre peut donc mettre son veto.


Le beurre et l’argent du beurre


A l’appui de sa décision, la Turquie fait valoir que la Suède et la Finlande ne donnent pas suite à ses demandes d'extradition des membres d'organisations terroristes, soit le PKK et le réseau de Fethullah Gülen qui a tenté de fomenter un coup d’État militaire en juillet 2016 : « Nous ne dirons pas oui» à l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'Otan, assure le président turc Recep Tayyip Erdogan.


Le président Erdogan a reproché à la Finlande et à la Suède de servir d’«auberge aux terroristes du PKK». La Turquie reproche à la Suède et à la Finlande - et surtout à Stockholm - de faire preuve d'un véritable laxisme vis-à- vis du PKK, bien qu'il figure sur la liste des organisations terroristes de l'Union européenne et des Etats-Unis.


Selon les Turcs, les deux pays nordiques ne peuvent avoir le beurre et l’argent du beurre ; c’est-à-dire, d’une part, afficher leur neutralité pour accueillir les terrorises et, d’autre part, vouloir adhérer au pacte militaire de l’OTAN qui comporte des obligations à l’égard de ses membres. D’où la question posée par les dirigeants turcs : « Comment allons-nous faire confiance à ces deux pays ? La Suède est la pépinière des organisations terroristes (...) ».


Le sale jeu suédois

Dimanche 15 mai, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, avait reproché à la Suède de tenir des propos « provocants » lors des discussions à Berlin sur l'adhésion des deux pays à l'alliance atlantique. La Suède a, en effet, une place spécifique puisque, depuis les années 1980, ce pays social-démocrate a accueilli un grand nombre d’associations litigieuses dont une bonne partie des partisans du PKK. C’est un contentieux ancien entre Stockholm et Ankara qui considère que si le PKK existe encore c’est parce qu’il dispose de ces « bases arrière» en dehors de la Turquie.


De fait, le contentieux turco-suédois remonte à l’assassinat du Premier ministre, Olaf Palme, en 1986. Le 28 avril 1988, la chaine de télévision CBS révélait que le journal d’Istanbul Sabah affirmait que c’est Abdullah Ocalan (depuis emprisonné en Turquie) qui avait ordonné l’assassinat d’Olaf Palme pour le punir d’avoir fait extrader huit membres du PKK terroriste. Le 29 avril, le quotidien libanais, L’Orient-le Jour, généralement bien informé, écrivait: « L’assassinat de l’ancien Premier ministre suédois Olof Palme, en 1986, a été l’œuvre du PKK, selon un ancien commandant de cette organisation terroriste, Semdin Sakik ». L’écrivain britannique Jan Boudeson a mis en cause la responsabilité du PKK dans son livre Blood on the Snow: The Killing of Olof Palme (2015).


La Turquie reproche à la Suède son impuissance et sa lâcheté. En 2020, les autorités suédoises ont annoncé que le dossier sur l’assassinat d’Olaf Palme, avait été clôturé. Ainsi, cette affaire a rejoint tous les autres meurtres « non élucidés » de l’Histoire...

Le mythe des contreparties


Certains font valoir que la Turquie attendrait des contreparties, en particulier des États-Unis qui ont imposé des sanctions à l’industrie de défense turque en représailles à l’achat d’anti-missiles à la Russie. Mais c’est bien mal connaitre la Turquie que se livrer à ce genre de petits calculs politiciens.


La Turquie est d’abord un poids lourd de l’OTAN, la deuxième armée de l’alliance et cela ne peut être négligé. Par ailleurs, le patriotisme turc est une donnée essentielle et il y a des lignes rouges qu’il ne faut pas franchir. Comme le disait récemment à Berlin le ministre turc des Affaires étrangères, « La grande majorité du peuple turc est contre l'adhésion de ces pays qui soutiennent l'organisation terroriste PKK et ils nous demandent de bloquer cette adhésion ».


En tout cas, l’affaire permet de rappeler la constante des données géopolitiques, celle que ni les événements en Ukraine, ni rien d’ailleurs, ne peuvent effacer : la dignité des nations.

TRT Francais