IRM du cerveau/ Photo: Getty Images (Getty Images)

Ces deux dernières années, plusieurs affaires ont éclaté concernant des pratiques commerciales douteuses émanant d’influenceurs envers leur public. La dernière affaire en date est celle de Kenza Benchrif, dite “Poupette” condamnée le 18 août dernier à payer une amende de 50 000 euros. Selon le ministère de l’Economie et des Finances, l’influenceuse est condamnée « pour avoir donné l’impression que la vente d’un blanchisseur de dents de marque Crest 3D white est licite alors qu’il est interdit à la vente sur le territoire français », tandis que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) lui reproche de « ne pas avoir indiqué la véritable intention commerciale des contenus pour lesquels [s]a société a reçu une contrepartie ».

Il y a deux ans, la célèbre influenceuse Nabilla (Nabilla Benattia-Vergara) avait aussi écopé d’une amende de 20 000 euros pour « pratiques commerciales trompeuses » sur Snapchat. En effet, elle avait fait la promotion en 2018 de services boursiers sur le réseau social sans mentionner le fait qu’elle était rémunérée pour cela. Elle a été épinglée par la DGCCRF.

Au-delà des condamnations, il y a lieu de tenter de comprendre pour la société française l’impact des influenceurs sur le public, notamment les jeunes. Ainsi, l’usage des neurosciences pourrait permettre une meilleure compréhension de l'impact de la promotion de produits par les influenceurs sur le cerveau des plus jeunes. Olivia Petit, universitaire spécialiste des neurosciences dans le marketing, observe ainsi, dans une interview donnée à TRT Français, que “quand un influenceur fait la promotion d'un produit en étant énormément suivi sur les réseaux sociaux, cela entraîne une augmentation d'activité dans les aires liées à la récompense”.

Autrement dit, dès qu’une personne célèbre, à laquelle on s’identifie, fait la promotion d’un produit, cela donne beaucoup plus envie notamment aux jeunes de l’acheter. L’universitaire affirme également, dans un mécanisme d’apprentissage par renforcement, que “ la répétition à l'exposition de ce type de promotion par des influenceurs va modifier chez les adolescents ce qu'ils considèrent comme acceptable ou non, appréciable ou non, et modifier ses préférences”.

Impact négatif des influenceurs sur les jeunes

Force est de constater que les études scientifiques, consacrées au cerveau aujourd'hui, démontrent l’impact négatif des influenceurs sur les jeunes. En effet, dès lors qu'un influenceur fait la promotion de comportements risqués pour la santé comme la promotion d'alcool, de cigarettes, de drogue ou simplement de consommation d'aliments fortement caloriques, on observe une diminution d'activité dans les airs associés au contrôle de soi. Cela ne tire pas la jeunesse vers le haut, bien au contraire.

Selon Olivia Petit, “le cerveau des adolescents n’est pas encore mature, il est encore sensible à la récompense, notamment sociale, et pour prendre des décisions, les adolescents vont se référer à des normes. Et aujourd'hui, les influenceurs, grâce au nombre de followers, de like ou de partages, constituent des référents sociaux permettant aux plus jeunes de prendre des décisions.”

En temps normal, les mécanismes d'alerte se mettent en place chez chaque individu lorsque nous sommes exposés à ce type de stimulation. Cependant, devant les influenceurs, ils ne se mettent plus en place, amenant une acceptation du comportement chez un jeune public. Par ailleurs, à l'inverse, lorsqu'un influenceur fait la promotion de comportements plus bénéfiques comme le fait de manger des fruits et des légumes par exemple, on ne voit pas les mêmes effets bénéfiques sur le cerveau des plus jeunes.

Rôle éthique et protecteur des neurosciences

Au regard des dégâts sur la jeunesse, les condamnations pénales des influenceurs sont certes une première étape mais ce n’est pas suffisant. Il y a un vrai besoin pour les pouvoirs publics aujourd'hui de recourir aux neurosciences pour comprendre l'impact réel des influenceurs sur le cerveau des plus jeunes. L’objectif est finalement de mieux les protéger. L’universitaire Olivia Petit précise au sujet des neurosciences qu’on parle d'utilisation d'outils permettant de mesurer directement ou indirectement l'activité cérébrale en vue de mieux comprendre son impact sur le comportement des consommateurs. Et plus particulièrement, c'est de voir potentiellement les impacts dangereux pour le consommateur, les influences négatives des marques ou des influenceurs sur le comportement des consommateurs. Elles permettent aussi potentiellement d’aider les consommateurs à avoir des comportements plus bénéfiques pour leur santé.

Enfin, des questions éthiques sur l'usage des neurosciences à des fins plutôt commerciales demeurent. Doit-on tolérer des usages neurosciences qui poussent à toujours plus de consommation ? Si oui, jusqu’à quelle(s) limite(s) ? Ou alors, doit-on aider les jeunes à comprendre les techniques marketing qui les poussent à acheter ou à suivre des influenceurs afin de se protéger ? Ces questions importantes doivent être échangées dans le cadre d’un comité éthique entre spécialistes mais ses recommandations, aussi pertinentes soient-elles, seront-elles lues par les jeunes ? On peut en douter. Parfois, un artiste comme Booba, à travers les réseaux sociaux et la culture du “clash”, permet de faire prendre conscience beaucoup plus efficacement de l’instrumentalisation et des dégâts au niveau cérébral des influenceurs auprès des jeunes. Ne faudrait-il pas aussi regarder de ce côté-là ?

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