À la veille des élections législatives qui auront lieu demain en France, tous les experts s’interrogent sur le score qu’obtiendra le parti d’extrême-droite, le Rassemblement national (RN).

Les cadres et hauts responsables du RN espèrent réitérer l’exploit, réalisé lors du second des élections présidentielles de mai 2022, durant lesquelles dans de très nombreuses circonscriptions, leur candidate, Marine Le Pen avait réussi à récolter plus de 60% des suffrages. Tous sont convaincus qu’il est possible de capitaliser sur le bon score obtenu lors de cette élection. D’autant que depuis de nombreuses années, « les efforts de la présidente du parti à faire de son organisation une force politique mainstream, a payé en intégrant des personnalités issues du système (hauts-fonctionnaires, hauts gradés de l’armée, etc) » déclare El Yamine Soum, sociologue et maître de conférence au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).

Néanmoins, les derniers sondages ne partagent pas cet optimisme. En effet, ils créditent le RN d’un score qui est certes important, mais qui ne lui permettrait pas d’obtenir la majorité à l’Assemblée nationale et d’être à la tête du gouvernement.

Selon une enquête réalisée par Ipsos Sopra Steria pour le Monde (3 et 6 juin 2022), le parti n’obtiendrait que 20% des intentions de votes au premier tour des élections législatives, contre 28% pour la majorité présidentielle et 27,5% pour la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES), rassemblant les écologistes, les socialistes et la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. Même si cela reste un sondage, ce résultat permet d’avoir une idée de la place qu’occupe le parti de Marine Le Pen dans le cœur des Français : il ne deviendrait que la troisième force politique du pays.

Comment expliquer que le RN qui a réussi à récolter près 14 millions de suffrages lors du second des élections présidentielles, n’arrive pas à capitaliser ce succès, à l’occasion des élections parlementaires ? Plusieurs éléments de réponse peuvent être avancés pour expliquer ce « paradoxe électoral ».

En premier lieu, ce résultat pour le moins décevant pour le RN, s’explique par les prestations médiatiques de certains de ses candidats que d’aucuns qualifieraient de catastrophique, renvoyant, ainsi une image d’un parti peu professionnel et dont les membres ne maîtrisent peu ou pas les dossiers. Ces derniers, souvent novices en politiques et pas connus de leurs fédérations elles-mêmes, ont créé malaises et moqueries, à l’image de Mélanie Fortier, candidate de Côte d’Or (région Bourgogne-Franche-Comté), incapable de répondre en direct, aux questions, pourtant bienveillantes des journalistes de la chaîne France 3 sur les services publics.

Mais, cela a surtout renvoyé une image peu rassurante, y compris pour l’électorat habituellement réceptif au discours du parti de Marine Le Pen. Cet épisode est loin d’être unique, puisque d’autres candidats se sont trouvés dans l’incapacité de faire face, sans dommage, à des journalistes. Des candidats ont ainsi brillé par leur impréparation et leur incompétence, écornant l’image d’un parti aspirant, pourtant à gouverner et dont la stratégie lors de la campagne présidentielle, était de démontrer qu’il était apte à diriger le pays.

En deuxième lieu, ce score que le RN réalisera possiblement, est également imputable au mode de scrutin. Le mode de scrutin à deux tours qui régit les élections parlementaires en France, est clairement défavorable au RN. Structurellement, il favorise les logiques majoritaires. Dans ce cadre, il est très difficile, voire impossible de gagner un scrutin sans tisser d’alliances avec des partis adversaires.

Or, pour le RN, il se trouve dans la quasi-impossibilité de le faire, non pas parce qu’il ne le veut pas, mais en raison du refus explicite des partis de droite de faire des alliances avec lui. Même avec le parti d’extrême-droite, Reconquête d’Eric Zemmour, crédité de 5% des intentions de vote avec lequel aucune entente semble être possible de l’aveu de beaucoup d’observateurs.

En troisième et dernier lieu, l’ancrage territorial -qui est de l’avis de nombreux experts, une condition sine qua non pour gagner les scrutins législatifs-, semble être le talon d’Achille du RN. Cette analyse est confirmée par un rapport de l’Institut Jean-Jaurès, « Défaut d’implantation, l’épine dans le pied du Rassemblement national », publié en juin 2022, affirmant que le RN « ne semble pas disposé à miser sur son ancrage territorial qui conditionne (la) fidélité de ses électeurs » et donc la réussite à des élections où la prime au local est centrale. L’effet « ancrage territorial » est par conséquent déterminant pour les élections où les logiques locales et la proximité avec les électeurs jouent à plein.

En dépit de cette analyse, le RN reste et restera un parti qui compte dans le paysage politique. Il n'est pas à exclure qu'il deviendra la première force politique française dans les années à venir. Le politiste, docteur Seghier, chercheur en science politique nuance l’échec probable du RN : « l’organisation disposera néanmoins entre 100 et 150 députés à l’Assemblée nationale, de quoi lui permettre de constituer un groupe parlementaire ».

TRT Francais