Très attendu par la classe politique et sociale camerounaise, le président français Emmanuel Macron a achevé la partie camerounaise de sa visite ce 27 juillet 2022. Depuis qu'il est à la tête de l'État français, il était attendu sur plusieurs sujets.

L'Élysée avait prévenu: les sujets de gouvernance et d'État de droit, tout comme les situations individuelles, allaient faire l'objet d'échanges entre les deux chefs d'État. Maximilienne Ngo Mbe, directrice du Réseau des défenseurs des droits humains d'Afrique centrale (Redhac) espérait qu’Emmanuel Macron prenne le temps d'écouter la voix de la société civile camerounaise et les solutions qu'elle préconise pour apaiser un climat socio-politique tendu. Elle a été satisfaite.

Ces sujets et bien d’autres ont été abordés lors de la conférence de presse conjointe de Paul Biya et Emmanuel Macron au palais de l’Unité, la présidence du Cameroun, mais aussi au club Noah à l’ouest de la capitale, en présence d’une centaine de jeunes camerounais. La crise qui sévit dans la partie anglophone n’était pas en reste.

"Les enfants ne vont plus à l'école, les familles ne peuvent plus se réunir. Cela fait des années que ça dure. C'est quelque chose qu'Emmanuel Macron, en tant que chef d'État de la France, ne peut pas ignorer. Il faut un dialogue ! Ça n'a pas de sens de voir des gens tués, jour et nuit, nuit et jour... Il faut se mettre à la table des négociations. J'espère qu'il ne va pas venir et repartir sans appuyer pour que les problèmes qu'on traverse soient résolus", a lancé Peter Angwafor, un entrepreneur exerçant dans cette zone, qui a demandé au président français d’être sensible aux difficultés vécues dans les régions anglophones.

Lumière sur l'action française au Cameroun

Lors de la conférence de presse conjointe avec Paul Biya, Emmanuel Macron n’a pas manqué de souligner que le Cameroun est "un partenaire stratégique en Afrique centrale", une région à laquelle le président français souhaite consacrer plus de temps lors de son second mandat.

Cette visite intervient alors que la France, ancienne puissance coloniale, voit son influence diminuer en Afrique, en particulier sur les plans économique et commercial, face à la Chine, l'Inde, l'Allemagne ou la Turquie. Les entreprises françaises ne pèsent plus qu'environ 10 % de l'économie contre 40 % dans les années 1990.

Le but affiché de cette visite a également été de nouer de nouveaux partenariats agricoles avec le Cameroun, première économie d'Afrique centrale, alors qu'une crise alimentaire, provoquée par la guerre en Ukraine, menace le continent.

L'enjeu est aussi stratégique. La Russie courtise le Cameroun, et les deux pays ont signé un accord de coopération militaire en avril dernier. Même si Paul Biya a estimé que "cet accord est juste un accord de routine".

Ouverture des archives françaises

Emmanuel Macron a demandé à des historiens de "faire la lumière" sur l'action de la France au Cameroun pendant la colonisation et après l'indépendance du Cameroun, annonçant l'ouverture "totale" des archives françaises sur les "moments douloureux" et "tragiques" qu'a connus le Cameroun. "Je souhaite que nous puissions avoir et lancer ensemble un travail conjoint d'historiens camerounais et français. Je prends ici l'engagement solennel d'ouvrir nos archives en totalité à ce groupe d'historiens qui nous permettront d'éclairer ce passé. Il convient d'établir factuellement des responsabilités", a déclaré Emmanuel Macron.

Après la défaite de l'Allemagne en 1918, la Société des Nations (SDN, ancêtre de l'ONU) avait confié la majeure partie de la colonie allemande du Cameroun à la tutelle de la France et le reste, la partie occidentale bordant le Nigeria, à la Grande-Bretagne.

Avant l'indépendance du pays en 1960, les autorités françaises avaient réprimé dans le sang les maquis de l'UPC (Union des populations du Cameroun), un parti nationaliste fondé en 1948 et engagé dans la lutte armée contre le colonisateur et ses alliés camerounais, particulièrement en Pays bamiléké.

Plusieurs dizaines de milliers de militants pro-UPC, dont le leader indépendantiste Ruben Um Nyobè, ont été massacrés par l'armée française.

Au cours de la dernière visite d'un président français à Yaoundé, François Hollande avait concédé en 2015 qu'il y avait eu "des épisodes extrêmement tourmentés, tragiques même". "Nous sommes ouverts pour que les livres d'histoire puissent être ouverts et les archives aussi", avait-il ajouté.

"C’est une annonce qui m’enchante beaucoup. Au moins on aura un peu de transparence. Pour une fois, nous allons connaître réellement ce qu’il s’est passé pendant la période d’occupation de la France. C’est une période douloureuse pour le Cameroun. On a perdu des dizaines de milliers de nos parents. Ce que je souhaite c’est que ceci ne reste pas que des annonces, mais que ça se concrétise", explique à TRT Français, Fabrice Anongal, historien camerounais. Une opinion partagée par la plupart des Camerounais de toutes générations et âges confondus.

L’initiative FARM

C’est la Food and Agricultural Resilience Mission, une initiative qui a été lancée par l'Elysée il y a quelques semaines, et qui repose sur trois piliers: le commerce, la solidarité et la production. Elle vise à garantir la transparence sur les marchés agricoles et à encourager des comportements responsables, en appelant à éviter toute mesure de restriction aux exportations agricoles, afin d’empêcher toute volatilité des prix qui pourrait exclure certains pays de l’achat des denrées nécessaires. Il prévoit selon Paris, de venir en aide aux pays et aux populations les plus touchés par les effets de la guerre en Ukraine et à soutenir la production et l’exportation des denrées agricoles ukrainiennes, notamment dans le cadre de l’initiative européenne des corridors de solidarité.

"L’objectif visé est d’aider les pays africains à investir dans leur propre agriculture et à développer des modes de production durables pour renforcer à long-terme leur souveraineté alimentaire et leur résilience face au réchauffement climatique et aux déstabilisations extérieures", a affirmé le président français.

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