Prendre les chefs des mouvements terroristes pour cibles peut les affaiblir, voir décimer leurs structures dirigeantes, mais reste incapable de les détruire complètement à cause de leur capacité de se régénérer et se reconstituer.

Le rideau est tombé sur la première génération des dirigeants d’Al-Qaïda, de l’entité connue sous l’appellation “groupe de Khorasane”, avec l’élimination d’Al-Zawahiri. L’opération américaine suscite une interrogation fondamentale sur le devenir de l’organisation terroriste après la mort de son chef. Al-Qaïda en sera-t-elle fatalement affectée ? Sera-t-elle en mesure de reconstituer ses rangs ?

La mort d’Al-Zawahiri ne marque pas le déclenchement de la phase de déclin d’Al-Qaïda. Il faudra remonter à l’attaque contre l’USS Cole et aux attentats du 11 septembre 2001, avec la guerre en Afghanistan qui s’en est suivie et la chute du régime de Taliban, pour situer les circonstances qui ont acculé à la clandestinité le leadership d’Al-Qaïda tracké par les frappes américaines. Ainsi commença la lente descente de l’organisation dont la structure centrale s’est évanouie après avoir perdu le refuge du mouvement Taliban et, par la même, sa capacité de planifier et d’exécuter de grandes opérations.

A partir de là, le rôle des dirigeants s’en trouvait réduit à la coordination entre les branches de l’organisation et leur fournir des orientations générales ; ce qui a été mis en évidence par les documents d’Abbottabad tombés entre les mains des services de renseignements américains en 2011 lors du raid sur le complexe résidentiel où Oussama Ben Laden s’était réfugié. Par conséquent, les branches locales ont visiblement gagné en ampleur, au détriment du centre.

Les enquêtes et poursuites internationales contre les réseaux de financement d’Al-Qaïda et l’élimination de Ben Laden, son principal bailleur de fonds, ont fini par tarir sérieusement ses ressources.

Un autre facteur de taille fût l’apparition sur la scène de Daesh qui, en recrutant les éléments les plus sanguinaires, a su orchestrer une propagande plus influente que celle d’Al-Qaïda dont nombres de branches ont fini par rejoindre le rang de la nouvelle organisation terroriste. Ainsi affaiblie militairement, privée d’ascendant doctrinaire nécessaire au recrutement, Al-Qaïda avait commencé à perdre ses capacités financières, humaines et idéologique, devant l’ascension fulgurante de Daesh et sa rhétorique plus extrémiste.

S’il est vrai que la fonction des structures organiques est essentiellement idéologique, elles n’en détiennent pas moins une importance cruciale dans la cohésion de l’organisation. D’où la gravité de la crise de leadership dans laquelle s’enfonce la nébuleuse terroriste

A ce stade, le nom de l’ancien officier égyptien Saif Al-Adel refait naturellement surface comme potentiel successeur étant donné sa grande expérience militaire. Or, sa présence en Iran limite sa capacité de resserrer les rangs de l’organisation ou lui insuffler un nouvel élan.

L’état de léthargie d’Al-Qaïda est de plus en plus manifeste à travers son incapacité de représenter aucune menace sérieuse sur les intérêts occidentaux depuis les attaques du 11 septembre et les attentats à la bombe dans les métros de Londres et de Madrid. Le champ est d’ores et déjà libre aux dirigeants américains qui, seules, peuvent se targuer d’avoir éliminé des personnalités d’Al-Qaïda comme d’un exploit politique à chaque échéance électorale.

Il convient ici de rappeler qu’en vertu de l’accord de Doha qui avait fixé un calendrier pour le retrait des forces américaines d’Afghanistan, le mouvement Taliban s’était engagé à empêcher toute attaque à l’encontre des Etats-Unis à partir des territoires afghans, notamment de la part d’Al-Qaïda qui a voué allégeance au mouvement et s’est engagé à suivre ses orientations.

Une autre question surgit ici concernant l’efficacité des opérations américaines à l’encontre des dirigeants d’Al-Qaïda dans la lutte contre le terrorisme.

Force est de constater que les Etats-Unis perdurent dans une approche militaire et sécuritaire dans cette lutte, dépourvue de toute vision politique en mesure de traiter les fondements socio-politiques du phénomène de terrorisme et qui, d’ailleurs, a fourni le terroir pour l’éclosion d’une version encore plus extrémiste et violente qu’Al-Qaïda avec l’apparition de Daesh qui sévit à Afghanistan, Pakistan, Sinaï et les pays du Sahel.

Il est devenu clair que la lutte contre le terrorisme suivant la stratégie américaine peut contribuer à délocaliser ces organisations d’une aire géographique, sans les empêcher de s’implanter dans un autre terroir comme ce fut le cas en Syrie où Daesh continue d’être actif, notamment dans les zones rurales où il a pu regrouper ses rangs.

En effet, prendre les chefs des mouvements terroristes pour cibles peut les affaiblir, voir décimer leurs structures dirigeantes, mais reste incapable de les détruire complètement à cause de leur capacité de se régénérer et se reconstituer, dans un environnement de désordre et de déroute de l’approche du tout sécuritaire à l’américaine.

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