10 personnes ont été tuées par des bombardements israéliens lors du second jour de la fête de l'Eid à Gaza / Photo: AFP (AFP)

Ces trois démarches distinctes devant la justice ont été concertées. Elles émanent de syndicats et ONG convaincus qu'”il existe clairement un risque que les armes et les équipements militaires français soient utilisés pour commettre de graves crimes contre des populations civiles dans la bande de Gaza”.

On trouve parmi ces signataires ATTAC, Amnesty International, le syndicat Solidaires, l’association Action Sécurité Ethique et Républicaines ainsi que la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) et l’Association des Marocains de France (AMF).

Ces saisines interviennent après les révélations du média Disclose, indiquant que l'armée française a autorisé, fin octobre 2023, la livraison à Israël d'au moins 100.000 pièces de cartouches pour des fusils-mitrailleurs susceptibles d'être utilisés contre des civils à Gaza. Benoit Muracciole, président d' ASER (Action Sécurité Éthique Républicaines) s'est dit confiant à TRT Français: "Nous sommes une petite association de juristes mais cette fois nous avons des grandes associations avec nous."

La France complice de génocide ?

Dans leur communiqué commun, les associations soulignent que “la France viole les règles internationales relatives notamment au Traité sur le commerce des armes et risque de devenir complice de violations du droit international – y compris de crimes de guerre – et d’un possible génocide”.

Le ministère de la Défense français a affirmé après la publication de l'enquête du média Disclose que la France exporte uniquement du matériel “défensif” ou destiné à la “réexportation”.

Sébastien Lecornu a ainsi expliqué fin mars à la presse qu’il s’agit toujours de composants, jamais d’armes constituées, “des composants qui peuvent être fournis à des industries israéliennes qui ensuite vendent à des pays tiers.” En temps de guerre, cette réexportation a-t-elle bel et bien eu lieu ? C’est en tout cas une question que le tribunal pourra poser. Saisi en référé suspension, le tribunal a en principe quarante-huit heures pour statuer si la France doit stopper ses exportations.

L'avocat Vincent Brengarth représente six des associations impliquées. Il confie à TRT Français que l'argument "exportation" n'est pas recevable : "Le fait que ce soit des composants ne change pas le fait que ces pièces vont avoir une utilisation militaire. De plus le fait que ce soit "offensif" ou "défensif" ne change rien au fait que ce sont des composants de matériel militaire."

Des armes oui, mais des pièces détachées

Benoît Murriacole président d'ASER (Action Sécurité Éthique Républicaines) tient également à souligner que la réexportation est en principe interdite par le Traité sur le commerce des armes que la France a signé. "Le traité est clair, les Etats ont l'obligation de vérifier que les armes vendues ne sont pas détournées de leur objet initial. Et le gouvernement pour l'instant ne veut pas vérifier."

Sous la pression, plusieurs pays ont déjà pris des mesures vis-à-vis d’Israël : la Belgique a annoncé la suspension temporaire de deux licences d’exportation de poudre vers Israël. Le Canada, l’Espagne et l’Italie ont eux aussi suspendu temporairement leurs transferts d’armes vers l’État hébreu.

Quant à la question du génocide ou pas à Gaza, le juriste Benoît Murraciole rappelle que la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (CPRCG) signée par la France enjoint les pays à prévenir la perpétuation d'un génocide. "Il y aura le temps des juristes pour déterminer si oui ou non il y a eu génocide mais on parle déjà de crimes de guerres répétés. Et la Cour internationale de justice (CIJ) a reconnu fin janvier le "risque plausible de génocide. "

L'avocat Vincent Brengarth est bien conscient que le tribunal de Paris peut se déclarer incompétent, ou rejeter la demande de référé. "Si la décision va en notre faveur c'est-à-dire demande la suspension des ventes d'armes, le gouvernement peut faire appel sans pour autant pouvoir continuer à exporter vers Israël. Mais pour nous, le but est déjà atteint quand on va forcer le gouvernement à justifier sa position actuelle. On souhaite un débat public sur la vente d'armes à un pays en guerre."

Les contrats de vente d’armes vers Israël représentent 15 millions d’euros, c’est-à-dire 0,2% du volume global des exportations d’armes françaises, selon le ministre de la Défense. Pour rappel, l’offensive d’Israël sur Gaza a fait 33 545 morts, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé de l’enclave.

TRT Français et agences