Une cérémonie à l'université hébraïque de Jérusalem / Photo: AA (AA)

L’Université hébraïque de Jérusalem, a finalement suspendu la professeure Nadera Shalhoub-Kevorkian de la Faculté de droit de l’université hébraïque de Jérusalem.

Mardi, lors d’une intervention à la Quatorzième chaîne de télévision, elle accusait ouvertement Israël de commettre un génocide à Gaza, plaidant pour“l’abolition du sionisme”.

Lundi, un jour avant sa suspension, la professeure avait remis en question l’argumentaire d’Israël qui tente de discréditer le Hamas : "Ils sont prêts à utiliser n'importe quel mensonge, a-t-elle lancé. Ils ont commencé avec des bébés, ont continué avec des viols, et ils poursuivront avec un million d'autres mensonges. Nous avons arrêté d'y croire et j'espère que le monde arrêtera d'y croire".

Indépendante, libre d’esprit, Nadera Shalhoub-Kevorkian, titulaire de la chaire Lawrence D. Biele en droit de l'Université hébraïque de Jérusalem et de la chaire mondiale de droit de l'Université Queen Mary de Londres, exaspérait de plus en plus les autorités universitaires. L’accusation de “génocide” de l’armée israélienne à Gaza devenait insupportable pour l’université hébraïque de Jérusalem, mais aussi pour des politiciens issus des rangs du Likoud, le parti de Benjamin Netanyahou.

Réagissant aux accusations de “génocide à Gaza” proférées contre l’armée, le président de l’Université hébraïque, le professeur Asher Cohen, et le recteur, Tamir Shafer avaient déjà brandi la menace d’un renvoi.

"Votre terrible affirmation concernant l'extermination de personnes qu'Israël serait en train de mener ces jours-ci n'est pas loin des délits d'incitation et de sédition - des délits qui pourraient nous contraindre à engager une procédure disciplinaire, et exiger votre suspension ou votre renvoi de l'Université hébraïque”, avaient-ils menacé, rejetant les accusations de “génocide”.

“ L'opération militaire qu'Israël mène ces jours-ci dans le but de vaincre l'organisation (...) Hamas ne s'approche pas de la définition du génocide, selon le droit international (...)", ont insisté ces enseignants qui, en février dernier, s’étaient déjà désolidarisés de l’enseignante de criminologie.

Présentant les résultats des travaux de recherche à la Colombia university de New-York, elle affirmait qu’Israël testait des armes à Gaza sur des enfants palestiniens pour être concurrentiel, afin d’accroitre les ventes. Pourtant, l’armée israélienne admet sur son site internet que l’opération militaire de Gaza lui permet de tester son arsenal militaire.

L’Université au centre du système

L'université israélienne est considérée comme partie intégrante du système d'oppression des Palestiniens, en collaborant étroitement avec l'appareil militaire. Les courants de pensée subversifs sont réprimés. Il en est ainsi des “nouveaux historiens” qui privilégient un examen critique de la naissance d’Israël. Ils refusent la manipulation de l’histoire et démontrent, preuves scientifiques à l’appui, que le départ des arabes de Palestine est le fruit d’une stratégie bien pensée qui ne doit rien au hasard.

C’est cet argumentaire que soutient l’historien Ilan Pappe, l’une des figures les plus en vue du mouvement des “nouveaux historiens”. Dans son livre “Le nettoyage ethnique en Palestine”, il revient sur la naissance d’Israël.” Entre 1947 et 1949, plus de 400 villages palestiniens ont été délibérément détruits, des civils ont été massacrés et près d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants ont été chassés de chez eux sous la menace des armes. Ce nettoyage ethnique a été passé sous silence pendant plus de soixante ans et peine encore aujourd’hui à être considéré dans sa pleine mesure”, indique la présentation de l’éditeur La Fabrique.

En 2007, un an avant la sortie de son essai “Le nettoyage ethnique de la Palestine”, se sentant menacé pour sa sécurité et régulièrement harcelé par l’administration de l’université d’Haïfa ou il enseignait, il s’exila en Grande-Bretagne. Il enseigne désormais l'histoire à l'université d’Exter et dirige le Centre européen d'études sur la Palestine.

C’est peut-être le même itinéraire qui attend Nadera Shalhoub-Kevorkian, titulaire par ailleurs de la chaire mondiale de droit de l'Université Queen Mary de Londres.

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