Kenza Isnasni, rescapée de l'assassinat raciste de ses parents il y a 22 ans, plaide pour que la rue Vanderlinden à Schaerbeek (Bruxelles) porte les prénoms de ses parents Habiba et Ahmed  (Others)

Dans la nuit tragique du 7 mai 2002, le destin de la famille Isnasni bascula dans l'horreur. Hendrik Vyt, un voisin affilié à l'extrême droite, fit irruption en pleine nuit dans leur appartement avec une arme. Il assassine les parents Ahmed Isnasni et Habiba El Hajji en les criblant de balles, sous les yeux terrifiés de leurs enfants. Deux des cinq enfants, Yassine et Walid, furent gravement blessés, tandis que leur bourreau, Hendrik Vyt, périt dans les flammes de l’incendie qu’il a déclenché.

“C’est un miracle d’avoir échappé à ça”, déclare Kenza Isnasni, rescapée et fille aînée des victimes. Depuis, Kenza Isnasni lutte pour préserver la mémoire de ses parents. Elle transmet leur histoire à travers la Habiba Ahmed Foundation.

Une commune empoisonnée par l'extrême droite

Hendrik Vyt, on le sait aujourd’hui était un vieil homme proche de l’extrême droite flamande, le Vlams Blok. Ses discours haineux et ses actes menaçants étaient bien connus des autorités, mais les signalements des Isnasni et d'autres voisins étaient ignorés ou minimisés.

“Avec la crise du logement, il fallait absolument qu'on emménage dans cet appartement. Nous nous sommes vite rendus compte de la dangerosité de cet homme parce qu'on découvre qu'il est impliqué dans un parti d'extrême droite, qu'il y est actif, très actif”, se souvient Kenza Isnasni.

Un "conflit de voisinage" plutôt qu'un crime raciste

À Schaerbeek, la commune bruxelloise où l’assassinat a eu lieu, le terreau politique était également propice à la montée de la haine. Des figures connues pour être ouvertement xénophobes, telles que le bourgmestre (maire) Roger Nols, entretenaient un climat de ségrégation et d'intolérance. Le responsable local a ainsi accueilli Jean-Marie Le Pen, le fondateur du Front National, le parti d’extrême droite français pour un meeting en 1984. Malgré ce contexte, l'assassinat des Isnasni ne fut pas traité comme un crime raciste, mais comme un simple "conflit de voisinage" par les autorités.

Kenza Isnasni évoque les souvenirs douloureux de sa famille et la lutte pour obtenir justice. Elle décrit une vie paisible interrompue par la violence insensée d'un voisin nourri par la haine raciale.

Avec la création de la Habiba Ahmed Foundation, elle montre un engagement résolu à perpétuer la mémoire des Isnasni. Avec les mots-clés "mémoire, transmission et paix", la fondation veut transmettre les leçons apprises et promouvoir l'harmonie et le “faire-ensemble” dans la société.

Vers une reconnaissance symbolique : La “rue Habiba Ahmed”

Dans un geste symbolique, la Habiba Ahmed Foundation travaille à renommer une partie de la rue Vanderlinden en "rue Habiba Ahmed". Par cet hommage, Kenza Isnasni souhaite rendre hommage à toute une génération de parents immigrés qui sont venus travailler en Belgique il y a 60 ans pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants.

“Une rue Habiba Ahmed, ce serait vraiment une reconnaissance de toutes ces générations. Quand on regarde le nom des rues à Bruxelles, il n'y a pas une seule rue qui commémore cette génération de parents. Nous commémorons les 60 ans des accords bilatéraux entre le Maroc et la Belgique cette année. Une rue Habib Ahmed, ça a toute sa place”.

“ Chaque fois que je passe dans cette rue, je visualise cette plaque-là, rue Habiba Ahmed. Et j'espère vraiment que ce message va être compris. Je veux mettre quelque chose de beau dans cet espace. C’est de la beauté de pouvoir inscrire les prénoms de mes parents dans cette rue. Pour tous les autres qu'ils représentent ”, poursuit la jeune femme.

TRT Francais