Les forces russes contrôlent désormais 70% de Severodonetsk, ville stratégique du Donbass. (AFP)

Après 98 jours de guerre, les forces russes "contrôlent désormais 70% de Severodonetsk", a déclaré mercredi Serguiï Gaïdaï, gouverneur de cette région du bassin du Donbass, sur sa chaîne Telegram.

S'il a ajouté qu'ils "n'occupent pas entièrement" cette ville industrielle, il semblait s'y préparer: "Si dans deux-trois jours, les Russes prennent le contrôle de Severodonetsk, ils vont y installer de l'artillerie et des mortiers et vont bombarder de façon plus intense Lyssytchansk", la ville voisine située de l'autre côté de la rivière Donets, selon lui plus difficile à prendre car "située sur des hauteurs".

Severodonetsk est devenue la capitale administrative de la région de Louhansk pour les autorités ukrainiennes, depuis la prise de la ville même de Louhansk en 2014 par les séparatistes prorusses appuyés par Moscou.

La situation à Severodonetsk est "très compliquée", avec des "combats dans les rues", a reconnu le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, Oleksander Motouzianyk.

Selon lui, les forces russes essaient de "prendre le contrôle total de Severodonetsk et d'encercler Lyssytchansk", et d'atteindre la frontière administrative séparant Louhansk et Donetsk, les deux régions qui composent le Donbass.

Annexions en juillet ?

La région de Donetsk est également sous le feu russe. Des journalistes de l'AFP ont vu des immeubles détruits par des missiles mardi à Sloviansk - à quelque 80 km à l'ouest de Severodonetsk - où trois personnes sont mortes et six autres ont été blessées.

Et mercredi, une frappe de missile à sous-munitions a fait au moins un mort et deux blessés à Soledar, située entre Sloviansk et Severodonetsk, a constaté l'AFP.

Dans la banlieue de la ville de Donetsk, un bastion rebelle, les séparatistes prorusses ont de leur côté affirmé mercredi avoir engrangé une petite victoire tactique en coupant l'une des deux routes permettant d'approvisionner la ville proche d'Avdiïvka, contrôlée par les forces ukrainiennes.

Lorsque le conflit en Ukraine a débuté en 2014, Avdiïvka a été conquise par les séparatistes puis reprise par les forces de Kiev. Elle est restée un théâtre d'affrontements sporadiques jusqu'au déclenchement de l'offensive russe le 24 février dernier. Moscou s'est fixé pour objectif de prendre le contrôle de la totalité du Donbass.

Dans le sud de l'Ukraine, dans la région de Kherson majoritairement occupée par les Russes, Kiev affirme en revanche avoir lancé une contre-offensive et remporté des "succès partiels". Les Ukrainiens s'inquiètent d'une possible annexion de cette région, comme d'autres conquises militairement par les forces russes.

Un des négociateurs russes sur le conflit en Ukraine, Léonid Sloutski, a indiqué mercredi à l'agence Ria Novosti que tous ces territoires "libérés" pourraient organiser des référendums dès juillet en vue d'une annexion par la Russie.

"De l'huile sur le feu"

Dans ce contexte, les forces ukrainiennes attendent avec impatience les livraisons des systèmes de lance-missiles les plus puissants promis par les Etats-Unis. Le président américain Joe Biden a annoncé mardi dans le New York Times que son pays allait "fournir aux Ukrainiens des systèmes de missiles plus avancés et des munitions qui leur permettront de toucher plus précisément des objectifs clé sur le champ de bataille en Ukraine".

Selon un haut responsable de la Maison Blanche, il s'agit de systèmes Himars (High Mobility Artillery Rocket System), des lance-roquettes multiples montés sur des blindés légers, d'une portée de 80 kilomètres environ. Aucune date de livraison n'a toutefois été précisée.

Ces équipements font partie d'un nouveau volet plus large d'assistance militaire américaine à l'Ukraine, de 700 millions de dollars au total, dont le détail doit être donné mercredi. Certains spécialistes estiment que les Himars pourraient changer le rapport de force militaire sur le terrain.

Soucieux d'éviter que les États-Unis soient considérés comme cobelligérants, le président américain Joe Biden a néanmoins insisté sur le fait qu'il "n'encourage pas" et "ne donne pas à l'Ukraine les moyens de frapper" sur le territoire russe.

Mercredi, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a assuré que l'Ukraine avait donné aux États-Unis des "assurances" pour garantir qu'elle n'utilisera pas ces nouveaux systèmes de missiles pour frapper des cibles en Russie.

Le Kremlin a néanmoins accusé Washington de "jeter de l'huile sur le feu" et de décourager les Ukrainiens de s'impliquer dans des pourparlers de paix, au point mort depuis plusieurs semaines.

Débloquer les ports ukrainiens

Les Occidentaux essaient aussi de débloquer les ports ukrainiens de la mer Noire, notamment le grand port d'Odessa (sud), principale porte de sortie de la production agricole du pays, pour relancer les exportations de céréales dont l'Ukraine est l'une des grandes productrices mondiales.

Au moins 20 millions de tonnes de céréales ukrainiennes ne peuvent actuellement être exportées à cause d'un blocus russe, faisant planer le risque d'une crise alimentaire mondiale.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov devrait discuter de l'instauration de "couloirs sécurisés" pour le transport de céréales lors d'une visite en Turquie le 8 juin, selon Ankara.

Les Européens voudraient placer l'ouverture de ces corridors sous l'égide des Nations unies, afin d'offrir des "garanties légitimes de sécurité" à l'Ukraine qui devrait procéder au déminage d'Odessa, le premier port ukrainien.

Ces discussions sur de possibles corridors ont contribué à faire refluer ces derniers jours les cours du blé et du maïs, qui s'étaient envolés depuis le début du conflit. M. Lavrov a néanmoins rejeté mardi toute responsabilité du blocage des ports sur les Occidentaux, dû selon lui aux sanctions contre Moscou, que les dirigeants de l'Union européenne ont décidé lundi de durcir en ajoutant un embargo sur le pétrole russe.

AFP