Manifestation à Soueïda fin février 2024 contre les conditions économiques  / Photo: AFP (AFP)

Le 15 mars 2011, une première manifestation a lieu à Damas. Ce fut la première du printemps arabe syrien qui aura finalement coûté la vie à 503 000 personnes, selon un dernier décompte de l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

En outre, des millions de Syriens vont être contraints de fuir le pays, notamment vers la Turquie (3,1 millions), le Liban (1,5 millions) et la Jordanie (700 000), selon les chiffres du HCR. Treize ans après, la majorité d’entre eux n’est pas rentrée. : Dans ces pays, la présence syrienne devient lourde, mais la voie du retour reste très difficile, tout simplement parce que la situation se détériore en Syrie.

Il y a d’abord l’état économique de la Syrie. Une économie en chute libre, 90 % des Syriens sont sous le seuil de pauvreté, selon l’ONU. Le pays a perdu la moitié de sa population après 2011 et compte toujours plus de 7 millions de déplacés à l’intérieur du pays.

La Syrie est toujours sous le coup de sanctions internationales contre l'État et les entreprises qui soutiennent l'État syrien mais de plus en plus de voix s’élèvent pour demander une évolution de ces sanctions pour limiter les effets qu’elles ont sur la population civile.

Par ailleurs, l’aide humanitaire destinée aux Syriens a du mal à atteindre les populations qui en ont besoin, le régime en détourne régulièrement une partie.

Matthew Saltmarsh, responsable des médias pour le Moyen-Orient au HCR est pessimiste; “L’aide internationale décroît alors que la situation se détériore et que les besoins sont croissants. On a été obligé de diminuer le nombre de bénéficiaires de notre aide en cash alors que l’inflation rend la vie quotidienne de plus en plus chère.”

Sur le plan de la sécurité, la situation s’est encore détériorée en 2023. Ainsi en octobre 2023, un attentat contre une école militaire a fait plusieurs morts. L’armée a alors bombardé Homs et 120 000 personnes ont dû fuir leur quartier. À Idlib, plusieurs attaques de l’armée ont conduit à la destruction d’infrastructures civiles.

Peu concernée- par les contestations de 2011, la ville méridionale de Soueïda, chef-lieu de la province du même nom et capitale de la minorité druze, est secouée par des manifestations depuis l’été 2023. Cette fois, les manifestants, épuisés par une économie qui s’effondre, demandent le départ de Bachar el Assad,.

S'ajoutent à cela les incursions d’armées étrangères comme les tirs de missile par Israël sur plusieurs aéroports.

Le retour toujours lointain

La commission d'enquête des Nations Unies sur la Syrie vient de publier (11 mars 2024) un dossier à l’occasion de l’anniversaire du soulèvement de 2011. "La Syrie est le pays avec la plus importante population de déplacés au monde avec 13 millions de syriens qui ne rentrent pas chez eux." souligne t-elle. l’Unicef ne dresse pas un tableau plus engageant: la moitié des enfants qui devraient être scolarisés ne vont pas à l’école et 7,5 millions d’enfants ont besoin d’aide humanitaire.

Matthew Saltmarsh, responsable des médias pour le Moyen-Orient au HCR ne cite que quelques chiffres pour expliquer la situation. En 2019, le HCR a enregistré 100 000 retours volontaires tandis qu’en 2023, il y en a eu à peine 30 000. De même, un sondage réalisé l’année dernière par cette agence onusienne auprès des réfugiés syriens au Liban a révélé que 56% d’entre eux affirment vouloir rentrer dans leur pays un jour, mais seuls 1,1% pensaient pouvoir le faire dans les 12 mois qui suivent. "Le HCR n’encourage pas au retour, il ne l’empêche pas non plus mais il y a encore des problèmes de sécurité, un manque d’équipements publics comme les écoles et une situation économique difficile."

La dégradation des conditions économiques, combinée aux tensions politiques dans les pays hôtes poussent malgré tout certains au retour. Ces rapatriés doivent alors faire face à de nombreux obstacles, retrouver un lieu pour vivre, retrouver un travail. Ils doivent aussi faire face aux soupçons des autorités syriennes.

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme met en garde les pays hôtes: "les rapatriés sont parfois privés de documents d’identité, ces réfugiés de retour sont aussi victimes d’extorsions, de confiscation de leur propriété. Face à ces abus, certains rapatriés ont été finalement contraints de s’exiler une seconde fois."

Dans son rapport annuel sur l’état du monde en janvier 2024 Human Rights Watch résume ainsi la situation syrienne : "Frappés par un effondrement économique, un séisme dévastateur (en 2023) et les abus persistants de tous les belligérants, les civils en Syrie ont un besoin croissant de protection et d’aide humanitaire."

Pour Adam Coogle, directeur adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch : "Aucun pays ne devrait envisager de renvoyer des réfugiés vers la Syrie tant que ces conditions dangereuses sont présentes."

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