Retour sur les principales réussites du président turc Erdogan en matière de politique étrangère

Retour sur les principales réussites du président turc Erdogan en matière de politique étrangère

Le président Recep Tayyip Erdogan a été le fer de lance de la puissance douce et dure de la Turquie dans le monde.
Retour sur les principales réussites du président turc Erdogan en matière de politique étrangère / Photo: AA (AA)

Située à l'intersection du Moyen-Orient et de l'Europe, la Turquie a dû naviguer dans les eaux troubles d'un ordre mondial instable et en rapide évolution - des changements d'alliances internationales aux catastrophes humanitaires déclenchées par les guerres civiles, le terrorisme transfrontalier et les migrations.

Dans ce contexte compliqué, Ankara a dû manœuvrer habilement et mener une politique étrangère pragmatique qui a renforcé la position de la Turquie dans l'ordre mondial au cours des deux dernières décennies.

Lorsque le président Recep Tayyip Erdogan a pris ses fonctions en 2003, c’est d’un pays en proie à une crise économique paralysante qu’il a hérité.

Au fil des ans, à la faveur des réformes économiques visant à attirer les investissements étrangers et à promouvoir la privatisation et la facilitation des secteurs créateurs d'emplois tels que la construction, la Turquie a été apte à consacrer des ressources à ses objectifs de politique étrangère.

Toutefois, sur le front extérieur, l'équilibre des relations dans un voisinage marqué par la guerre et les conflits a engendré une nouvelle série de défis et d'opportunités.

Force est de constater que l'une des incursions diplomatiques les plus audacieuses et les plus réussies d'Ankara a eu lieu en Afrique.

Une relation fondée sur le respect mutuel

"Le tournant dans les relations entre la Turquie et l'Afrique s'est produit en 2008, lorsque la Turquie a été acceptée comme partenaire stratégique de l'Union africaine. Peu de pays ont obtenu ce statut", explique Elem Eyrice-Tepeciklioglu, qui enseigne les études africaines à l'université ASBU d'Ankara.

Quelques années plus tôt, en 2005, le président Recep Tayyip Erdogan, alors premier ministre, était devenu le premier dirigeant turc à se rendre en Afrique subsaharienne, en Éthiopie et en Afrique du Sud.

"Je pense que l'on néglige souvent le fait que la Turquie et les pays africains partagent un point de vue commun sur les questions internationales. Le discours de la Turquie en faveur d'un monde multipolaire et plus juste trouve un public en Afrique, sachant que les Africains demandent depuis longtemps à avoir leur mot à dire dans les questions relatives aux institutions de gouvernance internationale", explique Eyrice Tepeciklioglu à TRT World.

En effet, la Turquie soutient le continent africain, qui compte plus d'un milliard d'habitants, dans sa demande de sièges permanents et non permanents au Conseil de sécurité des Nations unies.

Les deux parties recherchent également la diversité en ce qui concerne la représentation des pays dans les organismes internationaux tels que la Banque mondiale, les Nations unies et l'Organisation mondiale du commerce.

Il convient de noter à ce sujet que la Turquie est devenue membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies en 2008 grâce au soutien des pays africains.

Par ailleurs, après la visite historique d'Erdogan en Afrique subsaharienne en 2005, Ankara a considérablement augmenté le nombre de ses ambassades sur le continent, passant de 12 en 2002 à 44 en 2019.

En dehors de l’Afrique, l'empreinte de la Turquie est également visible dans d'autres domaines de la politique étrangère.

Trouver l'espoir dans les moments de désespoir

Navire chargé de maïs en provenance d'Ukraine (AA)

Depuis le début du conflit en Ukraine en février 2022, les dirigeants du monde entier sont sur leurs nerfs. Les retombées de la guerre sur l'économie mondiale et les craintes qu'elle ne se transforme en un conflit plus large n’ont fait qu’aggraver les inquiétudes.

Au cours de ce conflit qui a duré un an, la seule question sur laquelle l'Ukraine et la Russie se sont entendues a été l'accord sur les céréales de la mer Noire, une initiative lancée par le président Recep Tayyip Erdogan et les Nations unies.

Cet accord a permis à l'Ukraine d'expédier des millions de tonnes de céréales, qui étaient bloquées dans les ports maritimes en raison d'un blocus naval russe. La reprise des expéditions a allégé la pression sur les prix des denrées alimentaires, qui avaient alimenté l'inflation dans le monde entier.

Sur ce dossier, Erdogan a proposé à plusieurs reprises de jouer le rôle de médiateur entre la Russie et l'Ukraine pour mettre fin aux hostilités. Contrairement à d'autres membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), la Turquie s'est abstenue d'imposer aveuglément des sanctions économiques à la Russie, l'un de ses principaux partenaires commerciaux.

En outre, Ankara a non seulement défendu fermement l'Ukraine en refusant d'accepter l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, mais a également réagi rapidement pour aider ses alliés lorsque le besoin s'en faisait sentir.

Une affaire de drones

Dans le Caucase du Sud, lorsque des affrontements frontaliers ont éclaté entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, la Turquie a envoyé ses drones pour assurer la défense de Bakou.

Ce coup de main turc a aidé l'Azerbaïdjan à repousser les forces arméniennes de la région du Karabakh, qui était au cœur de l'escalade militaire.

Les drones Bayraktar, fabriqués par la société turque Baykar et vendus à 28 pays, ont ainsi joué un rôle important dans la mise en avant de l'industrie de la défense turque sur la carte du monde.

Dans le même temps, le président Recep Tayyip Erdogan n'a pas laissé les conflits régionaux entraver l'objectif plus large recherché par Ankara et qui est l’établissement de la paix et de la stabilité. La normalisation des relations entre la Turquie et l'Arménie l'année dernière, avec la mise en place de vols directs et l'ouverture des frontières terrestres aux citoyens d'autres pays, en est la preuve.

Rapprocher les frères

Sous la direction de Recep Tayyip Erdogan, la Turquie a joué un rôle actif au sein de l'Organisation des États turcs (OET), qui comprend l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Turquie et l'Ouzbékistan, et la Hongrie en tant qu'État observateur.

Cet organisme intergouvernemental vise à promouvoir une coopération plus approfondie entre des pays qui parlent la même langue et partagent un programme économique commun.

Dans le contexte du conflit entre l'Ukraine et la Russie, l'OTS a acquis une position importante, car les pays amis alignent leurs intérêts économiques et de sécurité.

À la fin de l'année dernière, la République turque de Chypre du Nord (RTCN) a été admise à l'OTS en tant que membre observateur, ce qui pourrait être considéré comme une nouvelle réussite diplomatique d'Ankara.

Depuis les années 1970, l'île de Chypre est divisée entre la Chypre grecque et la RTCN, qui n'est reconnue que par la Turquie.

Sécuriser les frontières

La guerre civile qui dure depuis dix ans en Syrie a créé de nouveaux défis sécuritaires pour Ankara. Les YPG, émanation de l'organisation terroriste PKK, mènent depuis des années des attaques transfrontalières contre les troupes et les civils turcs. Le PKK est reconnu comme un groupe terroriste par la Turquie, les États-Unis et l'Union européenne.

Profitant de l’affaiblissement du contrôle de Damas sur le territoire du pays, les YPG et d'autres groupes terroristes, dont Daesh, ont renforcé leur emprise. Cette situation était inacceptable pour le gouvernement turc.

A cet effet, la Turquie a lancé, depuis 2016, quatre opérations militaires dans le nord de la Syrie, principalement pour repousser les YPG, tout en faisant preuve à la fois de tact diplomatique, mais aussi d'une grande fermeté fondée sur l'intérêt national de la Turquie.

Les YPG se sont rebaptisées "Forces démocratiques syriennes" (FDS) et bénéficient d'un soutien militaire et financier constant de la part des États-Unis.

Bien que la Turquie fasse partie de l'alliance de sécurité de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) dirigée par les États-Unis, Washington a rejeté les demandes répétées d'Ankara de couper les liens avec les YPG.

Et c'est là que le président Recep Tayyip Erdogan a pris de nouveau le taureau par les cornes. L'engagement d'Ankara à rester sur ses positions s'est manifesté clairement lorsqu'elle a bloqué l'entrée de la Suède et de la Finlande dans l'OTAN.

Les pays nordiques permettaient au PKK d'organiser des rassemblements et des campagnes où ils affichent ouvertement les drapeaux et la littérature du groupe terroriste.

On peut ainsi affirmer que la diplomatie de la Turquie visant à contrer la menace du PKK-YPG s’est avérée efficace, car la Finlande a pris des mesures pour répondre aux préoccupations d'Ankara en matière de sécurité. En réponse à la coopération d'Helsinki, le parlement turc a voté en mars en faveur de l'adhésion de la Finlande à l'OTAN.

Un équilibre maritime

Au cours de la dernière décennie, une douzaine de pays, dont la Grèce et Israël, se sont lancés dans une course à la recherche de réserves de pétrole et de gaz dans la mer Méditerranée. Mais pendant de nombreuses années, la Turquie s'est heurtée à des obstacles pour entrer dans cette arène de l'exploration pétrolière offshore.

C'est d'autant plus étrange que le pays possède le plus long littoral de tous les pays situés sur le pourtour de la Méditerranée.

La Turquie, puissance économique régionale, a été exclue des accords maritimes, notamment de ceux que la Grèce, Israël et le sud de Chypre ont utilisés pour délimiter entre eux les blocs de gaz offshore.

De même, la Grèce a cherché à faire respecter les droits relatifs à la zone économique exclusive (ZEE) autour de ses nombreuses petites îles de la mer Égée. Une ZEE est une zone exclusive d'un pays qui s'étend sur 200 milles nautiques à partir de son littoral.

Par conséquent, la Turquie devait se contenter d'une petite zone offshore et de presque rien en Méditerranée orientale, ce qui est inacceptable pour Ankara.

Pour protéger ses droits, la Turquie a signé un accord maritime avec le gouvernement libyen soutenu par l'ONU et basé à Tripoli en 2019. Cet accord fournit un cadre juridique pour l'exploration pétrolière et gazière en mer, que la Turquie et la Libye ont l'intention de mener à bien.

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