Un rassemblement en hommage à Aaron Bushnell à Paris (Others)

"Génocide à Gaza, Aaron est mort pour stopper ça !", "Aaron Bushnell s’est sacrifié pour l’humanité !", "Aaron, tu n’es pas mort pour rien, mais pour la vie des Palestiniens !". Vendredi midi, sous une pluie éparse et dans un froid mordant parisiens, des slogans résonnent en hommage à Aaron Bushnell, le soldat américain de 25 ans qui s’est immolé par le feu devant les grilles de l’ambassade d’Israël à Washington le 25 février dernier, en criant trois fois "Free Palestine" avant de s’effondrer au sol.

Son acte, filmé en direct, visait à protester contre la mort des civils palestiniens à Gaza, tués par l’armée israélienne et dénoncer la "complicité" des Etats-Unis dans le "génocide". Le jeune spécialiste des opérations de cyberdéfense dans l’armée de l’air américaine a succombé à ses blessures quelques heures après.

A Paris, à un kilomètre à vol d’oiseau de l’ambassade des Etats-Unis en France, ils sont quelques 80 manifestants à avoir répondu à l’appel de l’association française CAPJPO-EuroPalestine, par ailleurs menacée de dissolution par le ministère de l’Intérieur, "pour saluer le courage de ce héros de 25 ans qui a donné sa vie pour réveiller les consciences".

Parmi eux, Khadija, 30 ans, qui participe à toutes les manifestations depuis les bombardements israéliens incessants et l'invasion terrestre menés à Gaza en représailles à l’attaque du Hamas du 7 octobre dernier. "Aaron Bushnell s’est sacrifié pour les Palestiniens et les Palestiniennes. C’est pour ça qu’on est là aujourd’hui. Parce que sa voix compte et on ne lâchera pas", lance la jeune femme, drapeau palestinien sur le dos, qui ressent "de la colère, de la tristesse et beaucoup de compassion" face à cet "acte de bravoure". "Franchement, je suis Française mais j’ai honte de l’être", dit encore Khadija, en évoquant les réactions officielles françaises face à la situation humanitaire dans la bande de Gaza.

Nadia, jeune retraitée, également de toutes les manifestations pour un cessez-le-feu à Gaza, estime “qu’"on ne peut pas rester indifférent devant ce massacre". "On ne peut pas laisser l’humanité mourir, ce n’est pas possible. Je ne supporte pas l’injustice", renchérit-elle, keffieh autour du cou et drapeau accroché en tablier.

Des slogans en anglais ont aussi été scandés, pour que "notre cri et notre solidarité soient connus au-delà des océans et jusqu’aux Etats-Unis", explique un militant, au micro, avant de lancer : "Biden can you see, Palestine will be free" [Biden, voyez-vous, la Palestine sera libre] et "Biden you can’t hide, we charge you with génocide !" [Biden, vous ne pouvez pas vous dissimuler, nous vous accusons de génocide], slogans repris ensuite par les manifestants.

Laura, jeune artiste peintre de 28 ans, est venue représenter le collectif Stop Arming Israël. "C’est important pour nous d’être là à ce rassemblement en hommage à Aaron Bushnell car il s’est immolé par le feu en déclarant qu’il ne voulait plus être complice du génocide en cours. C’est particulièrement prenant pour quelqu’un qui vit aux Etats-Unis parce que les Etats-Unis sont le pays qui fournit la majorité des armes d’Israël, estime la jeune femme qui rappelle que "sans les livraisons d’armes des Etats-Unis vers Israël, les bombardements sur Gaza s’arrêteraient au bout de trois jours".

"C’est important de rendre hommage à Aaron Bushnell et de rappeler que cette complicité des Etats-Unis n’est pas seulement diplomatique, politique, mais aussi militaire, en donnant matériellement des armes qui permettent de tuer des Palestiniens".

Sur le bord de la route, Yasmine tient dans ses mains une pancarte en hommage à Aaron "pour montrer un visage que les gens ne connaissent pas, puisque les médias l’ont complètement occulté". Elle, qui milite pour les droits des Palestiniens depuis 1975-1976, regrette “l’omerta" des médias : "on a affaire à l’immolation d’un jeune américain devant l’ambassade d’Israël à Washington et nos médias n’ont même pas été capables de donner l’info".

Quelques instants plus tard, au micro, un organisateur mentionne l'immolation de l'étudiant Jan Palach à Prague en 1969 pour protester contre la répression soviétique qui s'était abattue sur la Tchécoslovaquie après le printemps de Prague, et celle du jeune marchand tunisien de fruits et légumes, Mohamed Bouazizi, le 7 décembre 2010, qui a déclenché le printemps arabe. "Il y a plein de cas de jeunes qui se sont immolés par le feu. Et dans la plupart des cas, ça a fait le buzz médiatique. Lui (Aaron Bushnell) a peut-être tenté de faire ça mais pour le coup, en tout cas en France, on ne l’a même pas évoqué, ce qui est un scandale monstrueux. C’est une deuxième mort pour lui. Donc on est là pour dire : "non non, il était là, et il s’est exprimé".

Le jeune militaire aurait, selon le New York Times, partagé le lien de sa vidéo dans un post sur Facebook qui résume sa pensée : "Beaucoup d’entre nous aimons nous demander : “Qu’est-ce que j’aurais fait si j’avais vécu pendant l’esclavage ? Ou les lois de Jim Crow dans le Sud ? Ou pendant l’apartheid ? Qu’est-ce que je ferais si mon pays était en train de commettre un génocide ?” La réponse, c’est que c’est déjà le cas. En ce moment même."

En effet, les chiffres sont parlants. L’offensive israélienne a fait plus de 30 000 morts d’après le ministère de la Santé gazaoui. Le Pentagone estime que "plus de 25 000" femmes et enfants palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre 2023.

TRT Francais