Le général Abdourahamane Tiani, chef du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP)  au Niger (Others)

La petite corde raide qui liait le Niger et les États-Unis s’est finalement brisée samedi dernier. Le Niger a en effet décidé, de dénoncer “avec effet immédiat” l’accord de coopération militaire le liant à Washington depuis 2012, soulignant que la présence des soldats américains est désormais “illégale”.

Si la France avait critiqué, avec véhémence, le coup d’État qui avait renversé le président Mohamed Bazoum le 26 juillet dernier, au point d'entraîner la fin de la coopération militaire, les États-Unis s’étaient montrés réservés.

Washington avait simplement gelé la coopération militaire, attendant la suite des événements, pour entrevoir la normalisation.

Remonté, Niamey s’était activé entre temps à la recherche de nouveaux partenariats militaires, amplifiant davantage la méfiance entre les deux partenaires.

La visite à Niamey la semaine dernière de Molly Phee, la sous-secrétaire d’État américaine aux affaires africaines, a contribué à envenimer une situation bien précaire entre les deux partenaires.

“L’arrivée de la délégation américaine n’a pas respecté les usages diplomatiques“, a dénoncé samedi Amadou Abdramane, relevant que le gouvernement américain avait informé Niamey de “façon unilatérale“ de sa date d’arrivée et de la composition de sa délégation.

La position “molle” des Etats-Unis agaçait même certains pays comme la France, plutôt partisans d’une ligne forte.

“Subtilement, les Américains montrent qu’ils n’ont de leçons à recevoir de personne et qu’ils poursuivent leur propre agenda”, expliquait alors le diplomate camerounais Paul Batibonak dans une interview à TRT Français.

"Tout en donnant une chance à la diplomatie, nous continuerons également d'étudier toutes les mesures futures qui donneront la priorité à nos objectifs à la fois diplomatiques et sécuritaires", précisait le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin.

Loin des regards, les États-Unis et la Russie mènent une guerre à distance visant le contrôle d’une région stratégique pour leurs intérêts respectifs. “Les Américains redoutent que le Niger ne rentre dans le giron des Russes comme le Mali ou le Burkina-Faso qui se sont rapprochés de Moscou ces derniers mois”, analyse Seidik Abba, spécialiste du Sahel et auteur d’une dizaine d’ouvrages sur la région.

“Le départ des Américains favoriserait un appel d’air des Russes. Il est question de leur barrer la voie”. Du reste, le général Abdourahamane Tiani, chef du CNSP, dans le message de félicitation à Vladimir Poutine pour sa réélection, a dit compter sur son “engagement personnel et la coopération avec la fédération de Russie pour réussir son combat patriotique.”

La Russie, une obsession

S’adressant à des journalistes en janvier dernier, en prélude à la tournée africaine d’Antony Blinken, la sous-secrétaire d'État pour l'Afrique, Molly Phee, qui s'est rendue au Niger en décembre, a mis ce pays en garde contre le fait de suivre la voie du Mali.

“Ce n'est pas un modèle que je voudrais suivre”, a-t-elle affirmé. “Nous avons fait nos preuves là-bas. Ils en sont bien conscients et nous espérons qu'ils prendront la bonne décision”.

La rencontre en janvier entre les vice-ministres russes de la Défense, Yunus-Bek Yevkurov et Alexandre Fomine, à Moscou et le ministre nigérien de la Défense Salifou Modi, à l’occasion d'une visite en Russie du Premier ministre Ali Mahamane Lamine Zeine, n’a pas été appréciée à Washington.

D’où les accusations des États-Unis contre le Niger, à qui il est reproché d’avoir signé des accords militaires secrets avec la Russie et l’Iran. “Le Niger n’a jamais signé d’accords secrets avec ces pays partenaires”, dément le porte-parole du CNSP qui parle “d’allégations mensongères” et d’une “approche cynique” qui rappellent “les mensonges de la guerre d’Irak”.

Le porte-parole du CNSP a également reproché “l’attitude condescendante “ de Molly Phee, “ une attitude de nature à saper “ les relations entre les deux pays, d’autant plus que le Niger dénonce des “accords militaires déséquilibrés”.

Treize ans après son entrée en vigueur, la coopération militaire entre le Niger et les États-Unis est à la croisée des chemins…Beaucoup de cadres militaires du Niger, formés aux États-Unis devraient aussi commencer à s'interroger sur leur sort ; à commencer par le chef d’état-major des Forces Armées nigériennes, le général Moussa Salaou Barmou.


TRT Francais