Vue générale de Marseille / Photo: Reuters (Reuters)

Pour Chems, consulter un médecin dans les quartiers nord de Marseille, là où elle habite, relève parfois du parcours du combattant. "Il y a beaucoup de monde dans la salle d’attente. Des personnes âgées peuvent attendre parfois 5 h", nous confie-t-elle. Chems et sa cousine Lilya habitent dans le quartier de La Maurelette, dans le 15e arrondissement. Elles affirment qu’il y a seulement un médecin pour plus de 2 000 habitants. "Mon père est très malade. Comme il y a beaucoup de queue, c’est nous qui sommes obligés d’y aller pour qu’il puisse nous rejoindre", ajoute Lilya.

Un constat partagé par Yacine, un infirmier qui habite dans le 10e arrondissement de la ville. Il fait remarquer que les médecins partis à la retraite ne sont pas remplacés et les conséquences sont directes pour les patients. Face aux "carences dans la prise en charge du patient", il préconise que "certaines professions soient revalorisées" et que l’État "facilite l’installation des jeunes médecins dans les quartiers sensibles".

Des médecins mobilisés

Le manque de professionnels de santé dans ces quartiers prioritaires de la ville, Saïd Ouichou, médecin généraliste dans le 15e arrondissement de Marseille, le dénonce depuis des années. "Est-ce qu’on a envie que les choses s’améliorent dans les quartiers nord ?", interpelle-t-il. Il y a un an et demi, le professionnel de santé décide de fermer les portes de son ancien cabinet, après une énième altercation violente avec l’un de ses patients.

Rapidement, il décide de rejoindre une maison de santé collective, toujours dans le 15e arrondissement. "Tous les quartiers nord ne sont pas difficiles et il y a surtout des gens qu’il faut soigner. J’ai fait le choix de juste changer de quartier."

Les quartiers nord, un "désert médical"

Depuis, il milite pour une meilleure accessibilité à la santé pour tous. "Les quartiers nord de Marseille sont considérés comme un désert médical. Il y a de moins en moins de médecins qui s’y installent. Au-delà des médecins généralistes, il n’y a pas de médecins spécialistes. Il n’y a pas de consultation de chirurgie dans les quartiers nord."

Même problème du côté des hôpitaux. "Tous les hôpitaux sont dans les quartiers sud, dénonce Saïd Ouichou. Il y en a un dans les quartiers nord qui est submergé. Les gens vont là-bas pour attendre des heures, c’est intenable."

Il pointe du doigt les pouvoirs publics, responsables, selon lui, de la situation. "Il y a une volonté d’abandonner ces quartiers. Il n’y a pas de plan pour apporter les soins à la population", regrette le médecin. D’autant plus que les personnes habitant dans des quartiers précaires ont "plus de problèmes de santé".

Selon l’Insee, en 2021, 37,5% des personnes ont déclaré souffrir d’un problème de santé chronique ou durable, et 45% parmi les personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale.

Ouverture de centres de santé

Pour améliorer l’offre de soins dans les quartiers nord de Marseille, des centres de santé ont ouvert. Le premier a fait son apparition en 2015 aux Aygalades, dans le 15e arrondissement. "L’objectif c’était de désengorger les urgences et de se rapprocher des habitants qui sont en précarité", nous confie Rambo Roukia, adjointe administrative à l’AP-HM, qui travaille dans ce centre de santé.

Le centre est pluridisciplinaire. Trois médecins généralistes, une endocrinologue, une pneumologue, une infirmière spécialisée en diabétologie se relaient dans ce cabinet. Une médiatrice accompagne aussi les patients. Elle traduit les consultations pour les étrangers et accompagne les plus âgés pour les rendez-vous à l’hôpital. Des consultations gratuites sont aussi proposées par une diététicienne et une psychologue. Pour accueillir cette population précaire, le tiers payant est pratiqué et les personnes en situation irrégulière peuvent bénéficier de l’AME (aide médicale de l’État). "On s’est demandé si les patients allaient revenir et ça a très bien fonctionné." Forts de ce succès, ces centres de santé se sont développés à travers les quartiers nord. Le dernier en date, à André-Roussin, dans le 16e arrondissement de la ville, a ouvert cette année.

Attirer les professionnels de santé dans les quartiers nord

Ces centres de santé ont été ouverts en partenariat avec l’ARS Paca et le CRES (Comité régional d’éducation pour la santé) dans le cadre du Plan "Marseille en grand". Huit structures existaient déjà en 2021. Aujourd’hui, il y en a 12 dans le 2e, 3e, 13e, 14e et 15e arrondissements de la ville et une dizaine de projets sont en cours. Selon l’ARS, ce plan a pour objectif de « développer l’offre de soins dans les quartiers prioritaires », mais de rendre également "ce territoire plus attractif".

"On arrive à faire en sorte que les professionnels de santé interviennent", explique Isabelle Wawrzynkowski, directrice adjointe à la délégation départementale des Bouches-du-Rhône. Et c’est dès l’université que l’ARS Paca sollicite les futurs médecins, en organisant des journées de sensibilisation dans les quartiers nord. Une trentaine d’internes vient sur place une fois par an rencontrer les professionnels de santé déjà installés.

TRT Francais