Le dernier rassemblement de campagne du groupe "Oui" pour le référendum sur les amendements constitutionnels qui ramèneraient le pays à la règle constitutionnelle, à Bamako. / Photo: Reuters (Reuters)

Les Maliens se sont rendus aux urnes dimanche dernier pour se prononcer sur la nouvelle constitution. Au-delà d'un résultat, du reste prévisible, la question de l'intérêt de cette consultation se pose au sein de l'opinion nationale et internationale.

Renforcement des pouvoirs du président

Les détracteurs du référendum le considèrent comme un projet taillé sur mesure pour un maintien des militaires au pouvoir au-delà de la présidentielle prévue en février 2024, malgré les engagements pris devant la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l’Ouest) de rétrocéder la place aux civils après les élections.

En cela, les opposants mettent en exergue les dispositions qui permettent l'élargissement des pouvoirs du président. L'article 57 du projet de constitution lui donne le pouvoir de déterminer la politique de la nation, nommer un Premier ministre et un cabinet et la possibilité de mettre fin à leurs fonctions sans contrôle supplémentaire.

Par ailleurs, les auteurs de coups d'État bénéficient d'une amnistie, en vertu de ce texte. L'article 188 stipule que "les actes commis avant la promulgation de la présente constitution et couverts par les lois d'amnistie ne peuvent en aucun cas faire l'objet de poursuites, d'enquêtes ou de jugements".

Toutefois, le politologue malien Idrissa Sangaré estime que tant que le président de la Transition, le colonel Assimi Goita, “n'a pas clairement manifesté son intention de se présenter, il ne s'agit que de suppurations légitimes".

A propos du renforcement des pouvoirs présidentiels, il souligne qu'en Afrique "les régimes présidentiels sont généralement forts avec la centralisation de l'essentiel des pouvoirs. Le président, poursuit-il, est généralement un monarque constitutionnel. En cela le Mali n'innove pas".

Quid alors de la disposition qui accorde l'amnistie aux auteurs de coups d'État de 2020 et 2021? Pour le politologue, "cela ne saurait être une protection infaillible contre l'impunité malgré tout. Les auteurs de coups d'État sont par ailleurs des justiciables."

Il en veut pour preuve, le cas de l'ancien chef de la junte, le capitaine Sanogo, "qui avait été assigné en justice pour d'autres motifs, avant d'être finalement élargi".

Un pays divisé

Quoi qu'il en soit, le manque de consensus autour de la question du référendum est perceptible. De quoi renforcer les divisions au sein d'un pays déjà fragilisé.

Dans un Mali à majorité musulmane, les chefs et leaders religieux se sont montrés hostiles à ce projet. Le Conseil islamique du Mali (HCIM) tout comme la Ligue des imams et savants pour la solidarité islamique (Limama) préfèrent que la notion de "laïcité" soit remplacée par " État multiconfessionnel".

Pour sa part, la Coordination et Association de Mouvements de Soutien (CMAS), alliée à l'influent prédicateur musulman Mahmoud Dicko, souligne que "la nouvelle constitution n'aidera pas le Mali à sortir des crises multidimensionnelles".

Dans le même registre, les rebelles du nord du pays réunis au sein du CMA (Coordination des mouvements de l'Azawad) ont exprimé leur mécontentement. Selon eux "la nouvelle constitution ne prend pas en compte les dispositions de l'accord de paix d'Alger signé en 2015".

C’est la raison pour laquelle ils souhaitent "un report pour un texte suffisamment participatif".

La Coalition pour l'observation citoyenne des élections (CCEM), insiste de son côté sur "le manque de préparation approfondie pour les élections".

La Transition en quête de crédibilité

Sommet de la CEDEAO. (Others)

Visiblement, le gouvernement militaire au Mali joue sa crédibilité devant la CEDEAO. Pour réintégrer cette communauté qui lui avait infligé de sévères sanctions économiques et financières début 2022, il s'était engagé à fixer un calendrier électoral avec une présidentielle en février 2024. Le pouvoir reviendrait alors aux civils dès mars 2024 et le Mali deviendrait " fréquentable" aux yeux de la CEDEAO et de la communauté internationale.

Loin d'être une fin en soi, le retour à la légalité constitutionnelle au Mali pourrait constituer une étape décisive pour la réconciliation, le retour à la paix et la reconstruction du pays.

Quelle que soit l'identité du futur président du Mali qui sortira vainqueur en 2024, si tout se déroule convenablement, un réel dialogue politique inclusif s’avère absolument nécessaire. Objectif: retrouver la paix et se consacrer enfin au développement d'un pays riche de ses ressources humaines et de son sous- sol.

Cela dépendra d'abord et avant tout des Maliens. La CEDEAO d'abord, l'Union Africaine ensuite et enfin la communauté internationale ne pourront que venir en appui.

TRT Francais